L’Ue tire le dragon chinois par la queue


Rédigé par le Mardi 25 Juin 2024

Après s’être privée du gaz russe bon marché, l’Ue semble décidée à restreindre son accès au marché chinois. L’acharnement des Eurocrates à détruire l’Ue à travers le tir aveugle de sanctions contre la Russie et la Chine est stupéfiant.



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La nouvelle cuvée de sanctions de l’Union européenne contre la Russie (Ue) est arrivée. Le 24 juin, les 27 pays membres de l’Ue ont ficelé le 14ème paquet à destination de Moscou. Dans le (vain) espoir que celui-ci réussisse là où les treize précédents ont échoué : à savoir « provoquer l’effondrement de l’économie russe », comme s’y était trompé, il y a plus de deux ans, le ministre de l’économie et des finances français, Bruno Le Maire.

Pour les résultats que l’on sait. Le taux de croissance du Pib de la Russie s’est chiffré à 3,6% en 2023, contre un modeste 0,5% pour la zone euro. Mais tel n’est pas le sujet.

Angoisses « otanesques »

Parmi les 61 entreprises nouvellement visées par les dernières sanctions infligées par l’Ue à la Russie, sous l’accusation de soutien direct au complexe militaro-industriel russe, 19 sont chinoises. 

Deux desdites entreprises chinoises sont, d’une part, la Chang Guang Satellite Technology (CGST), un géant mondial de la technologie spatiale et des satellites, et, de l’autre, la Head Aerospace Technology, spécialisée dans l’imagerie satellite.

Par ailleurs, l’Ue s’apprête à augmenter, le 4 juillet, les droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois, si les négociations entre Bruxelles et Pékin n’aboutissent, d’ici-là, à aucun accord.

Les Eurocrates de Bruxelles, qui accueille également le siège de l’Otan, semblent décidés à appliquer à la lettre les consignes du secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, qui a appelé, le 17 juin, à faire « payer le prix » à la Chine de son soutien à la Russie dans sa guerre en Ukraine.

Aucune leçon n’a, donc, été tirée, à Bruxelles, de l’échec des sanctions contre la Russie, ni des conséquences, désastreuses pour l’économie européenne, de l’arrêt de l’approvisionnement en gaz naturel russe à prix réduits.

Divergences secondaires

Les visions géopolitiques de Moscou et Pékin ne sont pas tout à fait convergentes. Preuve en est la récente visite du président russe, Vladimir Poutine en Corée du Nord, qui n’a pas été tellement du goût des dirigeants chinois. 

Ces derniers ont, d’ailleurs, accueilli, le jour même, de hauts responsables sud-coréens pour un premier dialogue diplomatique et de sécurité entre Pékin et Séoul.

Il n’en demeure pas moins que la Chine n’est pas prête de lâcher la Russie, pour la simple et bonne raison qu’elle sait très bien figurer en seconde place, derrière la Russie, dans la liste des pays ciblés par les Etats-Unis.

Pékin a tout intérêt à voir les Américains restés occupés en Europe orientale et surtout pas parvenir à terrasser la Russie, son unique allié stratégique de poids face aux Etats-Unis et ses alliés.

Illusion de compétitivité

Les fabricants européens de voitures électriques gagneraient-ils en compétitivité si les produits de leurs concurrents chinois sont surtaxés ? Pas si sûr, contrairement à ce que semble s’imaginer la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen.

Pour Pékin, l’augmentation par Bruxelles, de l’ordre de 17 à 38%, des droits de douanes sur ses voitures électriques écoulés sur le marché européen, signifierait une déclaration de guerre commerciale.

Prenons l’exemple du leader mondial des fabricants de voitures électriques, l’entreprise chinoise BYD. Elle dégage une marge bénéficiaire de l’ordre de quelques 13.000 euros par véhicule vendu en Europe. C’est dix fois plus de ce qu’elle peut en tirer sur le marché chinois.

Aussi, même si les droits de douanes appliqués sur le marché européen, qui sont actuellement de 10%, sont multipliés par quatre, BYD va continuer à vendre des véhicules électriques en Europe et engranger des profits, toutefois réduits de plus de moitié, sans avoir à augmenter ses prix.

Les fabricants européens de voitures électriques, par contre, ne verront cette hausse des droits de douane sur les produits de leurs concurrents chinois ni réduire le coût de l’énergie, ni celui de la main d’œuvre. Encore moins les fournir en terres rares nécessaires à la fabrication des batteries, un marché détenu à 90% par la Chine.

Gare à l’effet boomerang !

Si les sanctions européennes contre les fabricants chinois de voitures électriques, justifiées par Bruxelles par les subventions publiques accordées par Pékin qui fausseraient le libre jeu de la concurrence, venaient à être appliquées, rien n’empêcherait Pékin de prendre des mesures de rétorsion.

Les fabricants allemands de voitures, dont le marché chinois absorbe près du tiers des ventes, pourront dire adieu à un débouché de choix. Les éleveurs espagnols de porc, qui ont exporté pour près d’un milliard de dollars sur le marché chinois en 2023, savent qu’ils seront les premières cibles des mesures de rétorsion chinoises. De même que les exportateurs français de cognac.

Le déficit commercial de l'Ue avec la Chine a été réduit de 27% en 2023, pour se chiffer à 291 milliards d'euros. Les exportations chinoises vers le marché européen ont reculé de 18%, mais celle de l'Ue vers la Chine également, de 3%. Une proportion qui pourrait augmenter de manière significative en cas de déclenchement d'une guerre commerciale.    

Cécité des Eurocrates

En fin de compte, les consommateurs européens devront acheter leurs voitures électriques chinoises plus chères, sans que l’industrie européenne ne puisse en bénéficier, puisque la hausse des droits de douane prévue n’est pas suffisante pour améliorer leur compétitivité, et subir en réaction les mesures de rétorsion chinoises, qui vont se traduire par des pertes de parts de marché chinois et, donc, d’emplois.

Les dirigeants chinois ne sont nullement intéressés par une guerre commerciale contre l’Ue, mais si cette dernière venait à la déclarer, non seulement Pékin ne manquerait pas d’adopter des mesures de rétorsion, mais pourrait toujours s’appuyer sur les marchés asiatiques et sud-américains, autrement plus prometteurs à l’avenir que ne l’est le marché européen.

Avec de tels génies qui tiennent les commandes à Bruxelles, l’Ue n’a même pas besoin d’ennemis. 




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Mardi 25 Juin 2024
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