L’Iran est-il l’épouvantail du Moyen-Orient ?


En 1979, lorsque la révolution des Mollahs mit fin, de manière dramatique, au long et brutal règne du chah d’Iran, ennemi confirmé de l’Islam et allié d’Israël, les arabes se réjouirent de cette perspective et souhaitèrent rapidement la bienvenue à ce pays et à ses nouveaux dirigeants dans le giron de la Oumma musulmane. Mais, hélas, leur joie était éphémère car peu de temps après, Ayatoullah Khomeiny et son régime vindicatif ont montré le vrai visage de la prétendue révolution islamique : l’hégémonie sur le Moyen-Orient, ravivant l’inimitié et l’animosité immémoriales que les Perses nourrissaient envers les Arabes.



Par Dr Mohamed Chtatou

A la hâte, le régime des Mollahs a épousé la cause palestinienne, rompant ses relations avec Israël et installant cérémonieusement l’OLP (Organisation de libération de la Palestine créée le 28 Mai 1964) dans son ambassade, non pas dans le but de résoudre ce long conflit territorial et religieux, mais plutôt pour obtenir une position géopolitique indispensable dans le Moyen-Orient, afin de tirer parti, à sa guise, de gains stratégiques et d’une influence géopolitique.
 
Exportation de la révolution iranienne vers les pays arabes
 
Mais, dès que les Mollahs ont pris le contrôle du pays, ils ont déclaré ouvertement leur hostilité envers le monde arabe et se sont voués à exporter leur révolution dans cette partie du monde, à tout prix. L’objectif non déclaré de l’Iran des Mollahs est de contrôler les sanctuaires sacrés de l’Islam, par des gouvernements fantoches, et de répandre l’influence des chiites dans tous les pays arabes, puis dans le reste du monde musulman.
 
Ce grand projet conçu par feu Khomeini avait deux objectifs séquentiels escomptés :
 
1- Submerger le monde arabe avec du matériel de propagande déguisé en livres, magazines et brochures à caractère religieux et culturel écrits en Arabe 
 
2- Créer des cinquièmes colonnes dans les territoires arabes dans le but de susciter des dissensions politiques, des troubles et des oppositions militaires conduisant à des révolutions et à une prise de pouvoir par les régimes pro-chiites.
 
Pour atteindre ces deux objectifs, l’Iran des Mollahs devait avant tout éliminer un ennemi redoutable situé à sa frontière occidentale, l’Irak, un ennemi de longue date doté de puissantes dents militaires mais qui a de pieds d’argile représentés par la population majoritairement chiite, une potentielle arme mortelle à utiliser plus tard dans la longue guerre contre les sunnites pour l’hégémonie dans la région.
 
En raison de son long séjour de 14 ans en asile dans la ville chiite de Najaf (Octobre 1965-1978), Khomeini avait acquis une bonne connaissance de l’Irak, tant sur ses capacités militaires que sur ses faiblesses sociales. Son séjour conditionnel dans ce pays et son éviction au début de la révolution en Iran ont accru son animosité pour les Arabes et sa haine de leur culture et de leur longue histoire.
 
La chute de la monarchie Pahlavi aux mains de Khomeini a été véhiculé par l’utilisation initiale de la propagande sur cassettes dans laquelle il a maudit le chah et son règne en l’appelant : « l’agent juif et serpent américain dont la tête doit être brisée avec une pierre ».
 
Parviz Sabeti, responsable de ‘’l’unité anti-subversion’’ du SAVAK, a estimé que le nombre de cassettes ‘’dépassait les 100.000’’. La phase suivante a été la mobilisation des Mollahs en Iran et l’alliance avec les libéraux, les communistes et les Kurdes afin de lancer une révolution populaire dans le pays.
 
Le régime corrompu du chah, malgré sa puissance militaire, ne put résister au tsunami révolutionnaire islamiste dans le pays et le monarque, indépendamment de sa volonté, a dû partir en exile, ce qui entraina son décès. La chute de la dynastie des Pahlavis a ramené Khomeini triomphalement le 1er février 1979. Il a immédiatement procédé à l’élimination de ses alliés un à un afin de mettre en place sa dictature théocratique.
 
Ayant accompli le contrôle intégral du pouvoir en Iran, Khomeini s’est retourné contre le pays qui l’a accueilli pendant une décennie et demie : l’Irak, commençant par des accrochages à la frontière. Le but ultime était d’attirer Saddam Hussein, l’homme fort de l’Irak, dans une guerre, de le vaincre et ainsi contrôler l’Irak et les Etats du Golfe, et plus particulièrement le très prisé Royaume d’Arabie Saoudite, siège des sanctuaires sacrés de l’Islam et pays leader de la foi musulmane parmi tous les pays musulmans du monde.
 
La guerre irano-irakienne, l’une des plus meurtrières de l’histoire de l’humanité a été excessivement longue, elle s’est déroulée du 22 septembre 1980 au 20 août 1988. Elle fut bien plus longue que toutes les deux guerres mondiales et a couté la vie à plus de 1.300.000 personnes y compris des civiles et le personnel militaire et une perte matérielle de 627 milliards de dollars pour l’Iran et 561 milliards de dollars pour l’Irak.
 
Après huit années de guerre dévastatrice, l’occident, à travers les Nations Unies a pris des mesures afin que cessent les hostilités et la guerre, ce que l’Iran a accepté à contre cœur. Pour l’incontournable Ayatoullah Khomeini, âgé de 87 ans, ‘’c’est pire que du poison’’.
 
Haine déguisée
 
Peu après cette déclaration, le leader iranien souffrant mourut donnant naissance à la Deuxième République Iranienne dont le seul objectif est de s’armer massivement pour éviter l’humiliation de la paix Iran-Irak négociée par les Nations Unies.
 
Plutôt que de s’engager dans une longue collision frontale avec les ennemis arabes, l’Iran a lancé une ère d’entente et d’amitié, mais la haine préislamique était toujours là bien que soigneusement cachée. Et de la confrontation directe, l’Iran est passé à la fomentation indirecte des troubles internes par les groupes chiites.

La toute première manifestation de ce sordide scénario a été le soulèvement des chiites de Bahreïn au début du Printemps arabe en 2011, dans le but de renverser le gouvernement légitime en place. L’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, réalisant l’étendue du grand projet iranien néfaste pour la région, ont réagi rapidement et efficacement afin de renforcer les capacités militaires de Bahreïn et arrêter la prise de contrôle ultime du pays par les chiites.
 
Le soulèvement du Printemps arabe au Bahreïn, visait à créer des ravages tel un domino dans la région du Golfe, afin de permettre à l’Iran de placer ses hommes à tout faire au pouvoir. La dernière manifestation de ce désir est l’épisode al-Nimr dans les régions orientales de l’Arabie Saoudite.

Le prêche religieux incendiaire du Cheikh al-Nimr visant à la création d’une instabilité dans cette partie de l’Arabie Saoudite pour permettre l’installation d’une république de facto pour les chiites qui à long terme, serait utilisée par l’Iran pour affaiblir la stabilité de l’Arabie Saoudite et d’autres pays arabes de la région.

Al-Nimr était derrière les soulèvements des provinces de l’est ainsi que ceux d’Awamiyyah de 2011-2012 contre le gouvernement légitime saoudien, exécutant un plan iranien prudent pour semer le désordre et encourager la désobéissance civile.
 
Le croissant chiite au Moyen-Orient
 
La création de ce croissant, en fait, a commencé après l’éviction du chah d’Iran de l’Irak. L’Ayatoullah Khomeini croyait fermement que la meilleure façon de défendre son régime théocratique naissant, de l’empiètement sunnite et de l’étouffement au Moyen-Orient, ne pouvait être obtenue que par la création d’iles chiites subalternes sur le territoire traditionnel sunnite.

La première mise en œuvre de ce plan a été la création du Hezbollahland pour supplanter le Fatahland, après le départ forcé des Palestiniens du sud du Liban en 1982, à la suite du siège israélien de Beyrouth pendant la guerre du Liban de 1982.
 
Néanmoins, l’Iran, depuis 1982, a dument élevé, nourri et armé le Hezbollah dans le sud du Liban, pour créer une entité chiite exclusivement délimitée au sein d’un Liban multiconfessionnel. Depuis que le Hezbollah a entrainé le Liban dans une guerre catastrophique contre Israël en 2006. Cette guerre a été réquisitionnée et planifiée par l’Iran et exécutée minutieusement par le Hezbollah : le bras militaire du régime théocratique des Mollahs.

Le but de cette guerre dévastatrice contre le Liban, combattu par deux puissances régionales externes, à savoir l’Iran et Israël était triple pour le premier : tester sur le terrain ses dernières armes, tester la détermination de l’Etat Hébreu et lui envoyer un message fort que l’Iran des Mollahs est une puissance avec laquelle il faudra compter à l’avenir.
 
Le Hezbollah, une formidable armée iranienne hors de l’Iran sera utilisée plus tard, de manière convaincante dans la guerre civile qui sévit en Syrie depuis 2011 pour renforcer le régime alaouite pro-iranien du dictateur Bashar al-Assad. L’intervention du Hezbollah est sans aucun doute, le ballon d’oxygène qui a permis la survie du régime sanguinaire du dictateur Assad.
 
Une autre armée auxiliaire similaire est au Yémen : les Houthis. Militairement parlant, ils sont aussi bons que le Hezbollah, sinon meilleurs. Ils ont réussi à occuper le Yémen et à renverser le gouvernement légitime avec l’aide de l’ancien président renégat Ali Saleh, dont ils se sont débarrassés par la suite. Ils pourraient finalement être utilisés par l’Iran dans la corne de l’Afrique ou même en Afrique de l’Ouest pour propager la religion chiite et promouvoir les intérêts de l’Iran.

 
 

Occupation par procuration

A ce jour, l’Iran occupe indirectement quatre pays arabes par procuration, soit par des organisations militaires qui ont créé un Etat au sein d’un autre comme le Hezbollah et les Houthis ou, quelque peu, les Etats légitimes et asservis comme dans le cas de l’Irak et la Syrie.

-Liban : Le Liban est sous l’occupation du Hezbollah depuis le départ des combattants palestiniens du sud en 1982. Le Hezbollah est un formidable Etat au sein d’un Etat. C’est un parti politique qui se double d’un mini-Etat responsable du bien être des chiites dans le sud du Liban et doté d’une armée capable qui a entrainé Liban en 2006 dans une guerre indésirable et destructive. Cette guerre a couté au pays des dizaines de vies innocentes et des centaines de millions de dollars de pertes matérielles.

Si l’Iran va en guerre contre Israël pour une raison quelconque ou si Israël attaque l’Iran, le Liban sera entrainé, à contre cœur, dans cette confrontation meurtrière puisque le Hezbollah se rangera du côté de l’Iran et pilonnera l’Etat Hébreu en particulier dans sa partie nord. Bien sûr, ce dernier le sait et a des plans d’urgence pour un tel scénario digne d’un cauchemar.

-Irak : les Américains ont gagné la guerre en Irak qui a duré de 2003 à 2011 en battant d’abord Saddam Hussein et son énorme armée en 2003 et en s’emparant de son dernier bastion à Bagdad grâce à la cinquième colonne chiite dans le pays et la contribution militaire des Gardiens de la Révolution iranienne.

Le premier ministre chiite, du temps, Nouri al-Maliki, un politicien larbin de l’Iran, a dirigé le pays avec une poigne de fer ostracisant ouvertement les sunnites, menant à leur rébellion et alliance d’abord avec Al-Qaïda (2004-2006), sous la direction initialement, de Abu Mus’ab al-Zarqawi et après son décès, aux mains des Américains, le leadership d’Abu Ayyub al-Masri.

Après la disparition d’Al-Qaïda, l’Insurrection sunnite s’est ralliée à l’Etat islamique d’Irak, également connu sous le nom d’Etat d’Irak et de Syrie -ISIS-, qui est devenu plus tard connu sous le nom d’Etat Islamique -IS- (depuis 1999). Initialement, l’Irak était occupé par les Etats-Unis et l’Iran ; de nos jours il est occupé par l’Iran par le biais des Gardiens de la Révolution. Pour de nombreux Irakiens aujourd’hui, les décisions concernant leurs vies et leurs destins sont prises à Téhéran et non à Bagdad.

-Syrie: Le régime minoritaire chiite alaouite d'al-Assad a toujours été un État client de l'Iran, mais depuis le début de la guerre civile en 2011, ce régime dictatorial est devenu subordonné aux Mollahs parce qu'il doit sa survie miraculeuse au soutien militaire iranien ainsi qu'une intervention salutaire grâce au Hezbollah.

De nombreux Gardiens de la Révolution et officiers et soldats de l'armée du Hezbollah sont morts dans la lutte contre al-Nosra, l'Etat islamique et une myriade de combattants islamistes au cours de cette guerre civile dévastatrice. Il y a quelques années, le régime d'al-Assad était au bord de l'effondrement, mais grâce à l'action concertée de la communauté internationale après les attentats meurtriers d'ISIS à Paris en novembre 2015, le régime a bénéficié d'un répit et d'un nouveau bail de vie. Mais plus que jamais, la Syrie est sous le contrôle direct de l'Iran et le restera encore longtemps.

-Yémen: L'insurrection houthie dans le nord du Yémen au sein de la communauté zaidie chiite houthie contre l'État yéménite remonte à 2004 et se poursuit encore aujourd'hui avec la principale différence que les Houthis avec l'aide du feu ancien président Ali Saleh contrôlent la moitié du pays. Ils ont été dûment formés et lourdement armés par l'Iran dans le but de créer un État chiite dans une mer de nations sunnites, pour servir de tremplin à la propagation de la religion chiite en Afrique orientale et occidentale, et dans une certaine mesure même en Afrique du Nord.

Réagissant enfin à l'assaut des Mollahs sur la foi sunnite, les pays arabes, sous la direction de l'Arabie saoudite, ont riposté pour arrêter les progrès hégémoniques iraniens pour occuper les pays arabes à commencer par la ferme action militaire au Yémen.

Réaction arabe
Les nations arabes, sous la direction « spirituelle » et « politique » de l'Arabie saoudite, prennent leur destin en main pour assurer la protection de leurs pays respectifs à la suite de la menace imminente pour la sécurité représentée par les désirs hégémoniques exprimés par l'Iran dans la région.

Les Arabes envisagent de constituer une force de déploiement rapide pour faire face rapidement à toute menace extérieure. L'expérience acquise dans la guerre yéménite menée contre les chiites houthis sera extrêmement positive dans le développement d'une force militaire arabe.

Les Arabes exploreront également toutes les voies possibles pour se protéger, y compris les armes de dissuasion nucléaire et l'alliance avec Israël, si nécessaire.

L'Iran, depuis l'avènement de la révolution des Mollahs, menace d'anéantir Israël, mais ce n'est que de la rhétorique car il est bien connu qu'Israël possède plus de 100 ogives nucléaires et la technologie de livraison nécessaire et qu'il pourra détruire l'Iran en quelques minutes, mais il ne s'en vante jamais. En outre, Israël bénéficie du parapluie nucléaire global de l'Amérique comme le reste de l'Europe.

En réalité, les gesticulations menaçantes de l'Iran envers Israël sont dirigées exclusivement, par procuration, vers le monde arabe. Les Mollahs ravivent la haine perse séculaire pour les sunnites.

Une chose est sûre, l’Amérique est résolue à ce que l'Iran abandonne définitivement son programme nucléaire, au pire, au prix d’une guerre ou les Américains s’allieront avec Israël et les Arabes sunnites pour arriver à leurs fins : arrêter le programme nucléaire iranien et se débarrasser à jamais du régime théocratique des Mollahs.

Le Moyen-Orient sera-t-il le théâtre d'une nouvelle guerre destructrice, seul le temps nous le dira ?

Rédigé par 
 Dr Mohamed Chtatou


 


Dimanche 10 Septembre 2023

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