Par Adnane Benchakroun
À soixante-dix ans, l'adultère est miracle,
Les cieux, cléments, sourient à ces exploits vénérables.
Les religions nous disent qu'à cet âge, l'oracle
Ne voit plus dans nos actes que gestes admirables.
Quand j'atteindrai cet âge, hélas, je le sais bien,
Je ne pourrai rien dire sans subir les remontrances.
Dire que je suis las ? On me répondra : « C'est rien,
C'est normal à ton âge. » Voilà leurs ignorances.
Et si je me sens fort, en pleine énergie,
Ils diront : « Tu te vantes, cesse de fanfaronner. »
Mais que je reste inactif, promptement, on me dit :
« Tu vas t'encroûter, bouge, cesse de paresser ! »
Si j'entreprends un projet, un peu risqué peut-être,
On me dira : « Laisse donc, ce n'est plus de ton âge. »
Gentillesse assurée, mais personne ne va l'admettre
De le faire à ma place, ils tournent bien la page.
Ce n'est vraiment pas drôle, je vous l'assure ici,
D'avoir soixante-dix ans, d'être vieux, de surcroît.
Les petits-enfants braillent, cassent tout sans souci :
« C'est la jeunesse qui vit, laisse-les, c'est comme ça. »
Les adultes crient aussi, leur radio à fond,
« C'est de leur âge, tu sais, ils ont besoin de ça. »
Ne dis pas que de ton temps, on se défoulait, non,
Ils te foudroieront du regard, et cætera.
Les idioties de la télé, navets insipides,
Il en faut pour tous les goûts, même les plus étranges.
Les tiens sont exclus, bien sûr, tu es trop candide,
Tu es dépassé, vieux, à la marge, tu changes.
Ne discute jamais avec un automobiliste,
Même si, méchamment, il te fait la pire affaire.
Il te dira : « À ton âge, reste chez toi, soliste,
Ou va donc à pied, laisse la route à ceux qui veulent faire. »
Si à un stop, tu tardes, hésitant et perplexe,
Le jeune impatient criera : « Allez pépé, réveille-toi ! »
Ce n'est pas méchant, certes, mais c'est là qu'est le sexe,
La vexation sourit, ton cœur ne comprend pas.
Là où tu es reçu, toujours un fauteuil moelleux,
« Mets-toi là, tu seras mieux, repose-toi, vieux sage. »
Comme si à soixante-dix ans, il était dangereux
De s'asseoir comme les autres, sur un siège de passage.
Quand on apprend ton âge, on s'exclame, surpris,
« Tu ne les fais pas, vraiment, tu les portes si bien ! »
C'est flatteur, mais qu'en sait-il, ce flatteur impétrant,
De l'usure des jours, des années sur les reins ?
Si un ami s'éteint, de ton âge respectable,
On dira : « Belle vie, il a bien vécu. »
Tu entends ton oraison, ton éloge funèbre aimable,
En attendant ton tour, tu te sais attendu.
Raconter une histoire, attention à te rappeler
Si déjà tu l'as dite, plusieurs fois sans doute.
« Pépé, on la connaît, cesse donc de radoter,
Tu commences à radoter, on a compris la route. »
En société, surtout, parle le moins possible,
Évite discussions, points de vue affirmés.
« Tu n'es plus dans le coup, c'est certain, tu es risible,
Tu ne connais plus rien, ton temps est expiré. »
Ne dis pas non plus que ta retraite est longue,
« Tu coûtes cher à l'État, » diront-ils sans vergogne.
Ce n'est vraiment pas marrant, vieux sage en blouse longue,
D'avoir soixante-dix ans, ce sont là les rognes.
Les cieux, cléments, sourient à ces exploits vénérables.
Les religions nous disent qu'à cet âge, l'oracle
Ne voit plus dans nos actes que gestes admirables.
Quand j'atteindrai cet âge, hélas, je le sais bien,
Je ne pourrai rien dire sans subir les remontrances.
Dire que je suis las ? On me répondra : « C'est rien,
C'est normal à ton âge. » Voilà leurs ignorances.
Et si je me sens fort, en pleine énergie,
Ils diront : « Tu te vantes, cesse de fanfaronner. »
Mais que je reste inactif, promptement, on me dit :
« Tu vas t'encroûter, bouge, cesse de paresser ! »
Si j'entreprends un projet, un peu risqué peut-être,
On me dira : « Laisse donc, ce n'est plus de ton âge. »
Gentillesse assurée, mais personne ne va l'admettre
De le faire à ma place, ils tournent bien la page.
Ce n'est vraiment pas drôle, je vous l'assure ici,
D'avoir soixante-dix ans, d'être vieux, de surcroît.
Les petits-enfants braillent, cassent tout sans souci :
« C'est la jeunesse qui vit, laisse-les, c'est comme ça. »
Les adultes crient aussi, leur radio à fond,
« C'est de leur âge, tu sais, ils ont besoin de ça. »
Ne dis pas que de ton temps, on se défoulait, non,
Ils te foudroieront du regard, et cætera.
Les idioties de la télé, navets insipides,
Il en faut pour tous les goûts, même les plus étranges.
Les tiens sont exclus, bien sûr, tu es trop candide,
Tu es dépassé, vieux, à la marge, tu changes.
Ne discute jamais avec un automobiliste,
Même si, méchamment, il te fait la pire affaire.
Il te dira : « À ton âge, reste chez toi, soliste,
Ou va donc à pied, laisse la route à ceux qui veulent faire. »
Si à un stop, tu tardes, hésitant et perplexe,
Le jeune impatient criera : « Allez pépé, réveille-toi ! »
Ce n'est pas méchant, certes, mais c'est là qu'est le sexe,
La vexation sourit, ton cœur ne comprend pas.
Là où tu es reçu, toujours un fauteuil moelleux,
« Mets-toi là, tu seras mieux, repose-toi, vieux sage. »
Comme si à soixante-dix ans, il était dangereux
De s'asseoir comme les autres, sur un siège de passage.
Quand on apprend ton âge, on s'exclame, surpris,
« Tu ne les fais pas, vraiment, tu les portes si bien ! »
C'est flatteur, mais qu'en sait-il, ce flatteur impétrant,
De l'usure des jours, des années sur les reins ?
Si un ami s'éteint, de ton âge respectable,
On dira : « Belle vie, il a bien vécu. »
Tu entends ton oraison, ton éloge funèbre aimable,
En attendant ton tour, tu te sais attendu.
Raconter une histoire, attention à te rappeler
Si déjà tu l'as dite, plusieurs fois sans doute.
« Pépé, on la connaît, cesse donc de radoter,
Tu commences à radoter, on a compris la route. »
En société, surtout, parle le moins possible,
Évite discussions, points de vue affirmés.
« Tu n'es plus dans le coup, c'est certain, tu es risible,
Tu ne connais plus rien, ton temps est expiré. »
Ne dis pas non plus que ta retraite est longue,
« Tu coûtes cher à l'État, » diront-ils sans vergogne.
Ce n'est vraiment pas marrant, vieux sage en blouse longue,
D'avoir soixante-dix ans, ce sont là les rognes.