Par Mustapha Sehimi
Cette défaillance étatique couvre une large gamme. Le phénomène des Etats "faillis" couvre ceux qui n'ont jamais réellement pu s'imposer, ou encore effondrés réussissent à exister mais dans un naufrage sans perspective de viabilité conséquente - dans le monde anglo-saxon, l'on parle de "collapsed States". Depuis les années 2000, une autre notion évoque la prolifération d'un autre phénomène : celui d’Etats abattus. Abattus par des interventions militaires extérieures sans qu'aucun traitement ou transition politique ne parvienne ensuite à les substituer. Pourquoi ces Etats ont-ils failli ? Pour des raisons extérieures ? Par suite de leur exploitation par un système international dominé par des puissances prédatrices ? Ou bien du fait du dysfonctionnement de ses institutions de gouvernance lié à des raisons internes comme la corruption ou la mauvaise gestion ?
Algérie : un tango au bord du gouffre
L'état économique de l'Algérie en 2021 témoigne bien du sinistre d'une politique mise en œuvre depuis des décennies. La métaphore est celle d'un tango au bord du gouffre. Les hydrocarbures auront été décidément un malédiction - c'est d'ailleurs propre aussi à des matières premières, une thèse validée par toute une théorie économique du développement ou plutôt du mal développement. Le système rentier en Algérie tient à ces données : les hydrocarbures constituent 20 % du PIB, 40 % des recettes fiscales et 95% des recettes d’exportation. Tous les indicateurs sont en rouge: un taux de croissance en fort recul de 6 % en 2020, un chômage en aggravation autour de 5 % et plus encore chez les jeunes et les femmes, un déficit budgétaire de 16 % et des réserves de changes en chute de 24 % avec 46 milliards de dollars en 2020 et des prévisions encore plus pessimistes en 2021 avec 32 milliards de dollars.
Ce système rentier est-il réformable ? Le discours officiel du président Tebboune le dit mais qui peut lui accorder quelque crédit ? En l'état, ce système est malsain ; il n'assure pas la distribution équitable du revenu national ; il décourage le travail et l'esprit d'entreprise sauf à être branché sur des réseaux d'intérêts liant les généraux et des opérateurs ; il empêche au final toute diversification de l'économie. Droit dans le mur, donc !
Un système rigidifié également à l'international
La politique algérienne de voisinage est ce qu'elle est : hostilité permanente à l'endroit du Maroc, mobilisation de l'appareil diplomatique dans ce sens dans toutes les instances internationales - une forme de glaciation qui ne permet d'espérer aucun infléchissement dans ce domaine. L'Algérie n'a pas construit un Etat inspiré de ce que les libéraux appellent le "State- building" ; elle n'a pas veillé à créer de nouvelles institutions gouvernementales et étatiques renforçant et transformant celles qui étaient en place. Elle ne s'est mobilisée que pour une gestion sécuritaire intérieure.
C'est un appareil mais dans un Etat fragile qui ne peut à terme qu'entrer en crise de par sa vulnérabilité aux chocs internes et peut-être même externes. Le principe démocratique pouvant fonder et conforter une stabilisation sur une base d'adhésion participative est évacué. L'on en a eu, si besoin était, une dernière illustration, voici deux mois à peine avec des élections législatives où le taux de participation n'a pas dépassé 23 %, résistant dans le système des acteurs partisans "Conservateurs" (FLN, RND) composantes astructurelles du système. L'Algérie Etat failli ? Etat effondré ? Etat abattu ? Etat fragile ? Un "mix" de tout cela !
Rédigé par Mustapha Sehimi sur https://quid.ma