L'Afrique du Sud accuse Israël de "génocide" devant la CIJ et demande un cessez-le-feu immédiat


Rédigé par le Jeudi 11 Janvier 2024

Soutenu par la Malaisie et l'organisation Islamique, mais par aucun pays arabe, l'Afrique du Sud a porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de Justice pour génocide dans la bande de Gaza.



Israël accusé de génocide

La Cour internationale de justice examine une requête accusant Israël de génocide
 L 'Afrique du Sud et Israël s'affrontent jeudi et vendredi devant la Cour internationale de justice. 
L'Afrique du Sud a, dans une affaire judiciaire historique, accusé jeudi 11 janvier Israël de violer la Convention des Nations unies sur le génocide, affirmant que même l'attaque du Hamas du 7 octobre ne pouvait justifier les événements à Gaza.

Pretoria a saisi en urgence la plus haute juridiction des Nations unies, qui siège à La Haye, pour qu'elle enjoigne à Israël de "suspendre immédiatement ses opérations militaires" dans la bande de Gaza.

Selon l'Afrique du Sud, Israël rompt ses engagements pris en vertu de la Convention des Nations unies sur le génocide, signée en 1948 à la suite de l'Holocauste. En tant que cosignataire du traité, Pretoria peut poursuivre Israël devant la CIJ, qui statue sur les différends entre États.

Des motivations historiques et politiques. 
 
Selon Pretoria, Israël rompt ses engagements pris en vertu de la Convention des Nations unies sur le génocide, signée en 1948 à la suite de l'Holocauste.

"Destruction de la vie des Palestiniens"

La campagne de bombardements menée par Israël à Gaza vise à "la destruction de la vie des Palestiniens" et pousse les Palestiniens "au bord de la famine", a affirmé Adila Hassim, avocate de l'Afrique du Sud.

"Les génocides ne sont jamais déclarés à l'avance, mais cette cour bénéficie des 13 dernières semaines de preuves qui montrent de manière incontestable un modèle de comportement et d'intention qui justifie une allégation plausible d'actes génocidaires", a-t-elle déclaré.

En tant que cosignataire de la convention, Pretoria peut poursuivre Israël devant la CIJ, qui statue sur les différends entre États.

Israël, qui s'exprimera vendredi devant les magistrats de la Cour internationale de Justice (CIJ), a qualifié l'affaire d'"absurde" et "atroce".

"Aucune attaque armée sur le territoire d'un État, aussi grave soit-elle (...), ne peut justifier une violation de la Convention", a affirmé le ministre sud-africain de la Justice, Ronald Lamola, devant la Cour.

"La réponse d'Israël à l'attaque du 7 octobre a franchi cette ligne et a donné lieu à des violations de la Convention", a-t-il soutenu devant la quinzaine de magistrats de la CIJ présents à l'audience, retransmise publiquement par lien vidéo.

Une requête qui s'explique notamment par des motivations historiques – le parti au pouvoir soutenant depuis longtemps la cause palestinienne, associée à la lutte contre l'apartheid – et de politique intérieure, à quelques mois des prochaines élections.

En affrontant Israël, qu'il accuse d'"actes génocidaires" à Gaza devant la plus haute juridiction de l'ONU , le pouvoir sud-africain espère sortir grandi sur la scène internationale et gagner en popularité chez lui avant des élections à risque pour son parti.

Dans une requête de 84 pages adressée à la Cour internationale de justice (CIJ) qui siège à La Haye, l'Afrique du Sud exhorte les juges à ordonner d'urgence à Israël de "suspendre immédiatement ses opérations militaires" dans la bande de Gaza.Pretoria estime qu'Israël "s'est livré, se livre et risque de continuer à se livrer à des actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza".

Des propos qu'Israël a qualifié de "diffamation sanglante et absurde". Pour défendre cette première affaire portée par le pays devant la CIJ, Pretoria a envoyé une "équipe d'élite" d'avocats, a souligné Cathleen Powell, professeure de droit international à l'université du Cap.Parmi eux, John Dugard, associé au cabinet d'avocats international Doughty Street Chambers, auquel appartient notamment Amal Clooney.

Me Dugard a été rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains dans les Territoires palestiniens.Y figure aussi Tembeka Ngcukaitobi, qui a notamment travaillé sur l'affaire qui a conduit l'ancien président Jacob Zuma en prison.

Une délégation menée par le ministre de la Justice, Ronald Lamola, se rend également à La Haye pour soutenir l'initiative.

 

Pourquoi l'Afrique du Sud met en cause Israël devant la Cour internationale de justice

Manifestation pro-palestinienne devant la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye, le 11 janvier 2024. © Robin Utrecht, AFP
Une "question de principe"

La requête de Pretoria est motivée par des raisons historiques et politiques, selon les observateurs.Le parti au pouvoir (ANC, Congrès national africain) soutient depuis longtemps la cause palestinienne, qu'il a associée à la lutte contre l'apartheid.

Nelson Mandela avait ainsi affirmé que la liberté de l'Afrique du Sud serait "incomplète sans la liberté des Palestiniens".Le président Cyril Ramaphosa avait déclaré cette semaine que Nelson Mandela avait inspiré l'action devant la justice internationale.

Il a évoqué une "question de principe" : "Le peuple palestinien est bombardé, tué (...). Nous avions le devoir de nous lever et soutenir les Palestiniens."Les motivations de Pretoria sont aussi domestiques, selon les analystes.

Pour la première fois de son histoire, l'ANC risque de perdre sa majorité parlementaire lors des prochaines élections prévues entre mai et août, dans un contexte socio-économique morose.

L'ANC voit dans ce recours "une base pour retrouver une primauté perdue ces 30 dernières années avec une gouvernance abandonnant peu à peu ses principes", explique Sara Gon, du groupe de réflexion Institute of Race Relations.

L'Afrique du Sud accueille la plus grande communauté juive d'Afrique subsaharienne. Mais le pays compte une population musulmane largement plus importante, dont une partie pourrait voir le recours contre Israël d'un bon œil.

L'Afrique du Sud pourrait aussi gagner du terrain sur la scène internationale avec sa démarche, estime Sara Gon.Membre des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), Pretoria considère ce groupe comme un contrepoids à l'ordre mondial dominé par les États-Unis et l'Europe.

Et Pretoria a activement soutenu l'élargissement du bloc, notamment à l'Iran, grand rival d'Israël.Israël a juré de "détruire" le Hamas après son attaque d'une ampleur sans précédent sur le sol israélien le 7 octobre qui avait fait environ 1 140 morts, essentiellement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes et une riposte démesurée de Tsahal qui a fait jusqu'à présent plus de 23 mille morts dans la bande de Gaza.

Depuis, les bombardements israéliens ont réduit de grandes parties de la bande de Gaza à l'état de ruines, et ont fait plus de 23 000 morts, majoritairement des femmes et des mineurs, selon le ministère de la Santé du Hamas.Les quelque 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza, dont environ 1,9 million ont dû fuir leur foyer
Selon l'ONU, continuent d'être confrontés à une situation humanitaire désastreuse.Les décision de la CIJ sont sans appel et juridiquement contraignantes mais elle n'a cependant aucun pouvoir pour les faire appliquer.
Pretoria a aussi indiqué être "pleinement consciente" du "poids particulier de la responsabilité" que représente le fait d'accuser Israël de violer la Convention sur le génocide et a condamné "sans équivoque" l'attaque du Hamas.

Washington soutient son allié Israël et estime que les accusations formulées par Pretoria sont "sans fondement".
 
Avec AFP




Hafid Fassi Fihri est un journaliste atypique , un personnage hors-normes . Ce qu'il affectionne, le… En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 11 Janvier 2024
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