En 1984, Jorge Luis Borges, écrivain argentin universel, foule pour la première fois le sol marocain. Sa cécité, qui l'accompagne depuis plusieurs années, ne l'empêche pas de vivre une rencontre sensorielle exceptionnelle avec ce pays. Invité d'honneur du 7e Congrès mondial de la poésie, organisé à Marrakech sous l’égide du roi Hassan II, Borges découvre un Maroc qu'il ne peut voir, mais qu'il ressent intensément.

Pour Santiago de Luca, directeur de la publication littéraire SureS, Borges et le Maroc se connaissaient déjà bien avant cette rencontre physique précise le directeur lors d'un interview avec la MAP : 

Le Maroc est borgésien, et Borges habite les métaphores du Maroc.

Ce voyage, bien que tardif, scelle une union entre l'auteur et un espace qu'il avait déjà exploré par la littérature. L'écrivain, accompagné de son épouse Maria Kodama, est touché par les appels à la prière au crépuscule, une émotion qui révèle la résonance profonde entre Borges et la mystique soufie. 

 Tous les matins, le muezzin me réveille et cela m’emplissait de joie. Je suis ému par les prières des fidèles.

Sur la place Jamaa El Fna, il se laisse envoûter par les sons et les contes des "Hlaikiyas", comme s'il se reconnaissait parmi eux, appartenant à une lignée intemporelle de conteurs. Ce voyage unique, deux ans avant sa mort, enrichit l'œuvre de Borges d'une profondeur nouvelle, fusionnant son imaginaire avec la réalité marocaine.

Le Maroc, dans l'univers de Borges, devient un lieu mythique où les frontières du réel et de l'imaginaire se brouillent, un espace où l'écrivain, bien que non-voyant, voit avec les yeux de l'âme.