Par Aziz Boucetta
Et voilà que la guerre, ou ce qui prend de plus en plus la forme d’un génocide, s’invite en débat sociétal chez nous, au Maroc. Que pense l’opinion publique marocaine de cette affaire ? Très majoritairement qu’Israël est l’agresseur. Toute l’opinion publique marocaine ? Non, une partie résiste encore et toujours à la doxa ambiante, et soutient le droit d’Israël à faire ce qu’il doit et aussi le privilège de Netanyahou de ne pas être poursuivi pour crimes.
Les deux opinions coexistent, même si les seconds se font quand même un peu discrets. Mais voilà un fait qui advient, survient, surgit : Un papier de l’éditeur de presse et éditorialiste Ahmed Charaï paru dans Times of Israël et où il dénonce les mandats d’arrêt émis contre Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant.
Ahmed Charaï a émis une opinion sur le conflit israélien, en faveur de la version israélienne ; il n’hésite à défendre ni Israël ni Benyamin Netanyahou. Il avait déjà écrit, au lendemain du 7 octobre 2023, « Nous sommes tous israéliens », et aujourd’hui, il s’insurge contre la décision de la CPI d’émettre des mandats contre les deux dirigeants israéliens. Ahmed Charaï défend comme un seul homme (c’est vrai qu’il est un peu seul) ce qu’il considère comme le droit inaliénable d’Israël de se défendre.
Jusque-là, tout est (presque) normal, l’éditorialiste a exprimé et défendu une opinion. Mais la chose énerve très puissamment le PJD, qui se réunit en secrétariat général d’urgence et exprime rageusement sa sainte colère dans un communiqué particulièrement virulent. Eux, les gens du PJD, ils défendent le droit inaliénable des Palestiniens à avoir leur Etat. Et que pensez-vous que fut la réaction d’Ahmed Charaï ? Encore plus virulente que celle d’Abdelilah Benkirane, déclinée dans un communiqué de son groupe média, rédigé sabre au clair et droits en bandoulière.
Les deux expriment avec colère leur position contre l’autre, et les deux prennent à témoin autorités, société et individus. Les deux ont le droit de s’exprimer, mais les deux ont tort, car les deux alimentent ce qu’ils disent craindre, en l’occurrence la fitna.
Mais les gens du PJD ont un peu plus tort qu’Ahmed Charaï car au lieu de se contenter de ne pas être en accord avec les idées de ce dernier (ce qui est le cas, par exemple, de l’auteur de ces lignes), ils passent à la menace indirecte, voire directe. M. Charaï a exprimé une opinion, une simple opinion, qui reste une idée, une opinion ; il a le droit de le faire, et il a eu le courage de le faire, sachant pertinemment qu’il navigue à contre-courant, et c’est aussi son plein droit. Mais ce que les gens du PJD et bien d’autres
sur les réseaux oublient, c’est qu’on répond à une idée par une autre idée, peut-être meilleure, peut-être pas. Mais le débat ne doit aucunement basculer en combat, en invective, en excommunication ou en bannissement, un seuil largement franchi par le PJD.
Ce parti a dirigé le gouvernement du royaume dix années durant et M. Benkirane en a été le chef pendant 5 ans. Ce parti a aussi signé l’Accord tripartite Maroc-Etats-Unis-Israël le 22 décembre 2020, sans que M. Benkirane ne sorte de ses gonds pour autant. Aujourd’hui, on peut comprendre son désarroi face aux atrocités commises à Gaza, en Cisjordanie et ailleurs dans la région, mais cela ne justifie aucunement un tel communiqué, dangereux pour M. Charaï (on n’est jamais à l’abri d’un cinglé qui irait s’en prendre à lui), et nuisible pour la cohésion sociale. M. Benkirane, en quête de retour dans le cœur des Marocains, fait feu de tout bois dès qu’il s’agit de foi.
Dans le passé, Israël était plus fort que nous car il y avait là une démocratie, une acceptation des différences, un vivre-ensemble que les Israéliens ont aujourd’hui de moins en moins. C’est grâce à cette liberté d’expression et de vivre-ensemble malgré les divergences que l’Etat hébreu a su se hisser haut. Et c’est là une occasion pour les Marocains de se montrer, justement, plus forts, en acceptant l’avis contraire, en acceptant le débat, en bannissant toute approche religieuse d’un débat qui n’est finalement que politique, ou même pénal.
M. Charaï a pris le risque de s’exposer, d’appuyer là où ça fait mal, de titiller les émotions mises à mal d’un public marocain chauffé à blanc. Mais c’est encore une fois son droit, car ainsi est la liberté d’expression et d’opinion, tant qu’elle n’enfreint pas la loi, et l’opinion de M. Charaï n’enfreint pas la loi marocaine (certes défendre des crimes de guerre ou un génocide est un crime, mais Netanyahou et Gallant ne sont pas condamnés, juste recherchés par la CPI). M. Benkirane semble oublier que sa voix porte (encore du moins), qu’il fut un grand leader et qu’il peut le rester. Mais sa charge contre Ahmed Charaï le discrédite. Il est un homme politique, pas un prédicateur, pas un agitateur, pas un provocateur.
Il est temps que dans ce pays, on n’accepte les opinions des autres, les positions opposées, les avis contraires. Que ce soit Hakim Ziyech ou Ahmed Charaï, Abdelilah Benkirane ou Noureddine Ayouch, Redouane Ramdani ou Abdellatif Ouahbi, il est temps d’apprendre à nous accepter sans nous insulter et à débattre paisiblement et constructivement. C’est ainsi et uniquement ainsi qu’on construit une société forte, si tant est qu’on le veuille…
Aziz Boucetta / panorapost.com/
Les deux opinions coexistent, même si les seconds se font quand même un peu discrets. Mais voilà un fait qui advient, survient, surgit : Un papier de l’éditeur de presse et éditorialiste Ahmed Charaï paru dans Times of Israël et où il dénonce les mandats d’arrêt émis contre Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant.
Ahmed Charaï a émis une opinion sur le conflit israélien, en faveur de la version israélienne ; il n’hésite à défendre ni Israël ni Benyamin Netanyahou. Il avait déjà écrit, au lendemain du 7 octobre 2023, « Nous sommes tous israéliens », et aujourd’hui, il s’insurge contre la décision de la CPI d’émettre des mandats contre les deux dirigeants israéliens. Ahmed Charaï défend comme un seul homme (c’est vrai qu’il est un peu seul) ce qu’il considère comme le droit inaliénable d’Israël de se défendre.
Jusque-là, tout est (presque) normal, l’éditorialiste a exprimé et défendu une opinion. Mais la chose énerve très puissamment le PJD, qui se réunit en secrétariat général d’urgence et exprime rageusement sa sainte colère dans un communiqué particulièrement virulent. Eux, les gens du PJD, ils défendent le droit inaliénable des Palestiniens à avoir leur Etat. Et que pensez-vous que fut la réaction d’Ahmed Charaï ? Encore plus virulente que celle d’Abdelilah Benkirane, déclinée dans un communiqué de son groupe média, rédigé sabre au clair et droits en bandoulière.
Les deux expriment avec colère leur position contre l’autre, et les deux prennent à témoin autorités, société et individus. Les deux ont le droit de s’exprimer, mais les deux ont tort, car les deux alimentent ce qu’ils disent craindre, en l’occurrence la fitna.
Mais les gens du PJD ont un peu plus tort qu’Ahmed Charaï car au lieu de se contenter de ne pas être en accord avec les idées de ce dernier (ce qui est le cas, par exemple, de l’auteur de ces lignes), ils passent à la menace indirecte, voire directe. M. Charaï a exprimé une opinion, une simple opinion, qui reste une idée, une opinion ; il a le droit de le faire, et il a eu le courage de le faire, sachant pertinemment qu’il navigue à contre-courant, et c’est aussi son plein droit. Mais ce que les gens du PJD et bien d’autres
sur les réseaux oublient, c’est qu’on répond à une idée par une autre idée, peut-être meilleure, peut-être pas. Mais le débat ne doit aucunement basculer en combat, en invective, en excommunication ou en bannissement, un seuil largement franchi par le PJD.
Ce parti a dirigé le gouvernement du royaume dix années durant et M. Benkirane en a été le chef pendant 5 ans. Ce parti a aussi signé l’Accord tripartite Maroc-Etats-Unis-Israël le 22 décembre 2020, sans que M. Benkirane ne sorte de ses gonds pour autant. Aujourd’hui, on peut comprendre son désarroi face aux atrocités commises à Gaza, en Cisjordanie et ailleurs dans la région, mais cela ne justifie aucunement un tel communiqué, dangereux pour M. Charaï (on n’est jamais à l’abri d’un cinglé qui irait s’en prendre à lui), et nuisible pour la cohésion sociale. M. Benkirane, en quête de retour dans le cœur des Marocains, fait feu de tout bois dès qu’il s’agit de foi.
Dans le passé, Israël était plus fort que nous car il y avait là une démocratie, une acceptation des différences, un vivre-ensemble que les Israéliens ont aujourd’hui de moins en moins. C’est grâce à cette liberté d’expression et de vivre-ensemble malgré les divergences que l’Etat hébreu a su se hisser haut. Et c’est là une occasion pour les Marocains de se montrer, justement, plus forts, en acceptant l’avis contraire, en acceptant le débat, en bannissant toute approche religieuse d’un débat qui n’est finalement que politique, ou même pénal.
M. Charaï a pris le risque de s’exposer, d’appuyer là où ça fait mal, de titiller les émotions mises à mal d’un public marocain chauffé à blanc. Mais c’est encore une fois son droit, car ainsi est la liberté d’expression et d’opinion, tant qu’elle n’enfreint pas la loi, et l’opinion de M. Charaï n’enfreint pas la loi marocaine (certes défendre des crimes de guerre ou un génocide est un crime, mais Netanyahou et Gallant ne sont pas condamnés, juste recherchés par la CPI). M. Benkirane semble oublier que sa voix porte (encore du moins), qu’il fut un grand leader et qu’il peut le rester. Mais sa charge contre Ahmed Charaï le discrédite. Il est un homme politique, pas un prédicateur, pas un agitateur, pas un provocateur.
Il est temps que dans ce pays, on n’accepte les opinions des autres, les positions opposées, les avis contraires. Que ce soit Hakim Ziyech ou Ahmed Charaï, Abdelilah Benkirane ou Noureddine Ayouch, Redouane Ramdani ou Abdellatif Ouahbi, il est temps d’apprendre à nous accepter sans nous insulter et à débattre paisiblement et constructivement. C’est ainsi et uniquement ainsi qu’on construit une société forte, si tant est qu’on le veuille…
Aziz Boucetta / panorapost.com/