Par Mustapha Sehimi
Il s'est éteint le 24 novembre, à Marrakech, sa ville de cœur depuis longtemps. La peine et l'affliction, évidemment. Pour moi et du côté du tourisme et ailleurs. "Ahmed", natif de Casablanca, âgé de 85 ans, était une figure sans doute à nulle autre pareille dans les cercles professionnels et les réseaux relationnels. Pour l'avoir connu, durant de longues années, je ne pourrai pas garder pour moi ses traits de caractère, et ses ressorts les plus profonds. Sans sacrilège, je dirai il avait une" religion» : celle du tourisme marocain. C'était là un marqueur. Il a été pionnier dans ce domaine-là en lançant voici plus d'un demi-siècle le bimensuel « La Vie Touristique », couplé à une autre publication, « La Vie industrielle et Agricole ». Le Progrès populaire aussi un temps. Suspendu rapidement par les services d’Oufkir – quand il en parlait à l’occasion, c’était avec amusement et de gros éclats de rire… Une autre époque. Dans le domaine touristique, il a porté haut, avec courage et obstination, bien des problématiques qui n’ont rien perdu, soit dit en passant, de leur actualité… en 2021 ! Celles-ci en particulier : le Maroc a un grand potentiel touristique, comment le valoriser ? Et pourquoi les politiques publiques des uns et des autres n’ont pas su, pu ou voulu en faire vraiment une priorité, avec les moyens appropriés ? Je me souviens qu’il était euphorique, au début du nouveau Règne, avec les Assises nationales du Tourisme, inaugurées par SM Mohammed VI, le 10 janvier 2001, à Marrakech. Elles ont lancé la Vision 2010 du tourisme. Son « activisme » dans sa publication et ailleurs, venaient ainsi d’être royalement consacré. Il partageait là, avec les professionnels, un grand espoir. Depuis, qu’en est-il ? Les ferveurs ont diminué ; l’on a le sentiment de reprendre sans cesse le même bâton de pèlerin - l’histoire du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus. Dans le monde professionnel, il avait un carnet d’adresses exceptionnel, résultat de son rapport avec tous bâti par une amitié, une compréhension, ses qualités d’interface entre les uns et les autres, des convictions chevillées au corps. Comment ne pas noter dans ce registre l’organisation et la présidence de l’Association marocaine des journalistes et écrivains du tourisme (AMJET) puis son rôle de premier plan dans le mise sur pied de son équivalent méditerranéen (OMJET) où il a fait élire, durant plusieurs mandats, son ami tunisien, Tijani Haddad, fondateur de l’Echo Touristique, président de l’ATECJT, puis ministre du tourisme en 2005-2007. Quelque part, il était un facilitateur, un « médiateur » même, consulté souvent et prévenant bien des susceptibilités dans un milieu où les égos ne sont pas une denrée rare… Tout le monde lui faisait crédit à cet égard : au fond, il avait un « grand cœur », une chaleur humaine, toujours de bonne foi, bon vivant, aimant la bonne table et bien sûr les voyages. Il a aussi recommandé bien des profils et des compétences pour des offres de directeur d’hôtel ou d’autres responsabilités – une sorte de DRH informel. En même temps, il était d’une grande fermeté quant à la politique éditoriale de sa publication, se fâchant sans plier avec bien des administrations et de grandes entreprises. D’une certaine manière, sa veille et sa vigilance dans ce secteur en faisaient une conscience toujours sourcilleuse, effervescente. A son épouse, Najat, à ses deux enfants Aïda et Fayçal, mes condoléances les plus sincères. Qu’il repose en paix. « Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons ».
Rédigé par Mustapha Sehimi sur https://quid.ma
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