Habitat menaçant ruine : Des réajustements s'imposent


Rédigé par Rédaction le Dimanche 18 Décembre 2022

​La série noire des effondrements de logements menaçant ruine, phénomène devenu reccurent au Maroc depuis la fin des années 80, ne cesse de prendre de l’ampleur causant de malheureuses tragédies. Le dernier en date est celui survenu le jeudi 15 décembre 2022 à Casablanca, faisant trois morts.



Par Jamal HAJJAM

L'habitat menaçant ruine est une espèce de bombe à déflagrations ponctuelles qui nous rappellent à chaque fois cette impuissance pratique à cerner efficacement ce phénomène qui semble narguer la législation et les structures de lutte mises en place.

Au rythme des saisons pluvieuses, des maisons vétustes ou ne remplissant plus les garanties de solidité nécessaires s'effondrent, parfois sur leurs occupants, faisant morts, blessés et des sans abris.

L'on avance quelque 55.000 logements qui menaceraient ruine au Maroc. C'est énorme bien que ce chiffre semble n'être qu'approximatif et il est certain que le nombre de personnes vivant sous la menace va en s'agrandissant, la vétusté et la fragilisation des constructions étant une dynamique progressive en l'absence d'opérations de consolidation cycliques des structures.

Outre le vieillissement des maisons et le manque d’entretien, sont aussi en cause l’implémentation des bâtiments sur des sols impropres à la construction, le recours à des matériaux de mauvaise qualité, les surélévations non autorisées, ainsi que les conditions financières difficiles des populations qui, contraintes d’y habiter, ne sont pas en mesure d’améliorer la sécurité de leurs batisses.

La prise de conscience de cette préoccupante problématique est cependant réelle au Maroc. La volonté d'y venir à bout, manifestée dès 2008, a pris concrètement forme en 2012 par la préparation d'un projet de loi, avant d'aboutir, en 2015, à la promulgation de la loi 94-12 relative à "l'habitat menaçant ruine et à l’organisation des opérations de rénovation urbaine", puis à la création de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine et de Réhabilitation des Bâtiments Menaçant Ruine, ainsi qu'à la mise en place d’une stratégie d’intervention et de financement.

Tout cet arsenal a été pensé dans l'objectif de lutter contre le délabrement des constructions et des habitations menaçant ruine, de préserver ainsi la vie des citoyens et de sauvegarder et valoriser le patrimoine architectural dans les villes.

Sauf que le mal est parfois dans les bonnes intentions. Le cadre législatif, malgré son apparence salutaire, est manifestement en déphasage avec la réalité et semble dans la plupart des situations servir le status quo.

Pour commencer, la loi 94-12 dispose que "lorsqu'une construction menace ruine, le propriétaire ou l'exploitant doit prendre les mesures nécessaires et urgentes afin de faire cesser le danger ; il doit également rénover, entretenir et réhabiliter ladite construction de façon à en garantir la solidité ainsi que la sécurité du voisinage".

Or, au regard des revenus et moyens de subsistance généralement bas des proprios et des occupants des logements ayant atteint un stade avancé de délabrement et qui menacent ruine, cette disposition devient sans effet notable, les exploitants qui n'ont pas où aller, sont contraints de continuer à cohabiter avec le risque.

Et quand bien même les autorités décident d'aller au devant des choses conformément à la loi, ce ne sont pas les contraintes qui manquent. L'existence de nombreux intervenants, notamment les communes, le département de l’Intérieur, celui de l’Habitat ainsi que les Agences urbaines est à même de compliquer encore la situation. La lenteur des procédures aidant, l’intervention des autorités locales ne s'avère pas suffisamment efficace.

Bien que la loi 94-12 engage l'autorité locale compétente à prendre, en coordination avec l'Agence nationale, les mesures nécessaires pour le relogement provisoire des occupants d’un bâtiment menaçant ruine ayant fait l’objet d’un ordre d’évacuation et qui ne peuvent avoir accès, par leurs propres moyens, à un logement décent, ces mêmes autorités ne procèdent à l’utilisation de la force que dans l’extrême urgence,

c'est à dire lorsqu'existe un risque imminent d’effondrement. En plus, pour les faire évacuer par la force, les autorités locales doivent trouver aux résidents concernés un logement, option rarement retenue pour restrictions budgétaires. Résultat : les habitants en question continuent de squatter les lieux indéfiniment, à leur risque et péril.

Même les formules de relogement proposées ne sont pas encourageantes pour la population cible.

L’offre disponible est l’acquisition d’un logement de type social d’une valeur de 250.000 DH, dont 100.000 sont octroyés par l’Etat sous forme de subvention et un crédit de 150.000 DH à un taux particulièrement compétitif. Là encore on butte sur les conditions sociales de la plupart de ces habitants qui ne disposent que rarement d'un revenu régulier et qui ne sont, de ce fait, pas éligibles au financement bancaire.

Ce sont là des raisons objectives faisant que les effondrements de bâtisses menaçant ruine continuent à meubler l'actualité dans le pays. Il est clair que des réajustements dans le dispositif législatif et réglementaire s'imposent... et c'est une urgence.




Dimanche 18 Décembre 2022
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