Par Aziz Boucetta
Que risque un pays disposant d’un gouvernement à très fortes compétences/intelligences individuelles, mais affichant une faible capacité collective ? Ajouter au stress hydrique le stress tout court. Et de fait, Bank al-Maghrib fait dégringoler une prévision de croissance 2022 déjà faible de 3,2% à une autre, franchement préoccupante de 0,7%, en raison de pluies capricieuses. Mais le gouvernement continue de croire que tout va bien et, pire, tente de nous le faire accroire.
Le Maroc dispose d’un nouveau modèle de développement, qui aura coûté 18 mois de longs et laborieux efforts à 36 personnes pour le mettre en place. Ce plan nécessite une croissance de 7% les premières années, et 10% ensuite, jusqu’à l’horizon 2035. Ambitieux et fort, le NMD gagnerait à être servi par une équipe gouvernementale aussi ambitieuse et encore plus forte. Las… Les prévisions de croissance ne sont pas ambitieuses, car faibles : 4% en moyenne sur les cinq prochaines années.
En un mot comme en cent, formulé en couleur ou en noir et blanc, ce gouvernement met en péril la réalisation du NMD, sans lequel… nous ne développerons pas !
Le Maroc se sait en stress hydrique, et cela ne date pas d’aujourd’hui. En effet, l’Institut des Ressources mondiales a évalué les risques de stress hydrique dans 167 pays, et le royaume figure parmi les pays « extrêmement risqués », placé même dans la très peu enviée catégorie des 20 pays les plus menacés, alors même que l’Algérie est 30ème et la Tunisie 33ème !
Ce qui complique encore plus les choses est que même les calculs savants de Bank al-Maghrib doivent passer par des hypothèses de pluviométrie avant d’estimer ou de prévoir la croissance de l’année d’après. Ce qui signifie, autrement dit, que notre croissance dépend du ciel, par essence imprévisible, mais aussi de contextes mondiaux, souvent tumultueux, qui font exploser tout autant les cours de l’énergie que nos espoirs de voir le royaume réaliser des chiffres de croissance significatifs.
La politique dite des barrages était une heureuse idée car il fallait accaparer les eaux pluviales et les emmagasiner en prévision des temps de disette hydrique. Mais pour autant, cette politique aurait dû depuis bien des années être accompagnée par une totale réorientation de nos stratégies agricoles, vers une restructuration en cultures moins hydrophages.
Alors, le Maroc agit… Il dessale l’eau de mer, mais ce n’est pas suffisant pour irriguer ; il se tourne vers les énergies renouvelables, mais ce n’est pas spécialement fait pour irriguer. Et, en cas de sécheresse prononcée, il organise des prières pour la pluie, ce qui est plutôt anxiogène car le résultat ne dépend pas d’une volonté terrestre et humaine et les voies divines sont souvent impénétrables.
Comment faire alors pour contourner cette réalité de faiblesse hydrique ? Selon le Fonds international de développement agricole (FIDA), les terres cultivables ne couvrent que 8,7 millions d’hectares, qui représentent 18% de la superficie totale du pays, et seuls environ 1,6 million d’hectares sont irrigués, le reste étant constitué de terres dites bour, délaissées à une pluviométrie capricieuse. Pire encore… 90% des surfaces consacrée aux céréales se trouvent en zone bour, avec une forte prédominance du bour défavorable, c’est-à-dire recevant des pluies occasionnelles, incertaines, insuffisantes. « Le changement climatique va particulièrement affecter les céréales d’automne sur bour et les cultures d’hiver (céréales, légumineuses) », assène le FIDA !
Avec de telles données, non seulement la croissance économique globale du pays est compromise mais, plus grave, sa sécurité alimentaire est menacée, et le royaume se trouve dépourvu en cas de crise internationale, comme c’est le cas aujourd’hui avec la guerre en Ukraine, principal pourvoyeur, avec la Russie, du Maroc en céréales. Le royaume est connu depuis quelques années pour lancer de gigantesques plans ou projets de développement, et il est même réputé les suivre jusqu’à leur réalisation… Mais on n’a pas encore entendu de stratégie de sécurité alimentaire, qui passerait inévitablement par une réorientation rationnelle de l’activité agricole.
Comment faire ? Cela est l’affaire des experts qui penseront cette stratégie agricole, des politiques qui la mettraient en œuvre et des agriculteurs qui devront en être convaincus. L’actuel chef du gouvernement fut ministre de l’Agriculture 14 années durant mais il ne semble pas avoir pensé à extirper le Maroc de cette irrationalité consistant à vouloir faire du bour sans pluie. Il est aujourd’hui chef du gouvernement, et gagnerait à entreprendre cette réflexion, surtout après deux années de sécheresse...
Autrement, nous continuerons imperturbablement de marcher et de vouloir même courir les yeux levés au ciel, avec les risques que cela induit toujours… Gouverner au Maroc, disait Steeg (ou Lyautey, selon les versions), c’est pleuvoir ; certes, mais c’est aussi prévoir, pour ne pas choir.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post
Le Maroc dispose d’un nouveau modèle de développement, qui aura coûté 18 mois de longs et laborieux efforts à 36 personnes pour le mettre en place. Ce plan nécessite une croissance de 7% les premières années, et 10% ensuite, jusqu’à l’horizon 2035. Ambitieux et fort, le NMD gagnerait à être servi par une équipe gouvernementale aussi ambitieuse et encore plus forte. Las… Les prévisions de croissance ne sont pas ambitieuses, car faibles : 4% en moyenne sur les cinq prochaines années.
En un mot comme en cent, formulé en couleur ou en noir et blanc, ce gouvernement met en péril la réalisation du NMD, sans lequel… nous ne développerons pas !
Le Maroc se sait en stress hydrique, et cela ne date pas d’aujourd’hui. En effet, l’Institut des Ressources mondiales a évalué les risques de stress hydrique dans 167 pays, et le royaume figure parmi les pays « extrêmement risqués », placé même dans la très peu enviée catégorie des 20 pays les plus menacés, alors même que l’Algérie est 30ème et la Tunisie 33ème !
Ce qui complique encore plus les choses est que même les calculs savants de Bank al-Maghrib doivent passer par des hypothèses de pluviométrie avant d’estimer ou de prévoir la croissance de l’année d’après. Ce qui signifie, autrement dit, que notre croissance dépend du ciel, par essence imprévisible, mais aussi de contextes mondiaux, souvent tumultueux, qui font exploser tout autant les cours de l’énergie que nos espoirs de voir le royaume réaliser des chiffres de croissance significatifs.
La politique dite des barrages était une heureuse idée car il fallait accaparer les eaux pluviales et les emmagasiner en prévision des temps de disette hydrique. Mais pour autant, cette politique aurait dû depuis bien des années être accompagnée par une totale réorientation de nos stratégies agricoles, vers une restructuration en cultures moins hydrophages.
Alors, le Maroc agit… Il dessale l’eau de mer, mais ce n’est pas suffisant pour irriguer ; il se tourne vers les énergies renouvelables, mais ce n’est pas spécialement fait pour irriguer. Et, en cas de sécheresse prononcée, il organise des prières pour la pluie, ce qui est plutôt anxiogène car le résultat ne dépend pas d’une volonté terrestre et humaine et les voies divines sont souvent impénétrables.
Comment faire alors pour contourner cette réalité de faiblesse hydrique ? Selon le Fonds international de développement agricole (FIDA), les terres cultivables ne couvrent que 8,7 millions d’hectares, qui représentent 18% de la superficie totale du pays, et seuls environ 1,6 million d’hectares sont irrigués, le reste étant constitué de terres dites bour, délaissées à une pluviométrie capricieuse. Pire encore… 90% des surfaces consacrée aux céréales se trouvent en zone bour, avec une forte prédominance du bour défavorable, c’est-à-dire recevant des pluies occasionnelles, incertaines, insuffisantes. « Le changement climatique va particulièrement affecter les céréales d’automne sur bour et les cultures d’hiver (céréales, légumineuses) », assène le FIDA !
Avec de telles données, non seulement la croissance économique globale du pays est compromise mais, plus grave, sa sécurité alimentaire est menacée, et le royaume se trouve dépourvu en cas de crise internationale, comme c’est le cas aujourd’hui avec la guerre en Ukraine, principal pourvoyeur, avec la Russie, du Maroc en céréales. Le royaume est connu depuis quelques années pour lancer de gigantesques plans ou projets de développement, et il est même réputé les suivre jusqu’à leur réalisation… Mais on n’a pas encore entendu de stratégie de sécurité alimentaire, qui passerait inévitablement par une réorientation rationnelle de l’activité agricole.
Comment faire ? Cela est l’affaire des experts qui penseront cette stratégie agricole, des politiques qui la mettraient en œuvre et des agriculteurs qui devront en être convaincus. L’actuel chef du gouvernement fut ministre de l’Agriculture 14 années durant mais il ne semble pas avoir pensé à extirper le Maroc de cette irrationalité consistant à vouloir faire du bour sans pluie. Il est aujourd’hui chef du gouvernement, et gagnerait à entreprendre cette réflexion, surtout après deux années de sécheresse...
Autrement, nous continuerons imperturbablement de marcher et de vouloir même courir les yeux levés au ciel, avec les risques que cela induit toujours… Gouverner au Maroc, disait Steeg (ou Lyautey, selon les versions), c’est pleuvoir ; certes, mais c’est aussi prévoir, pour ne pas choir.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post