Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit, politologue
Il redoute ce qu’il appelle le risque de « déconstruction » du rapport de cette institution.
Un débat de principe qui mérite que l’on s’y arrête. Et tout d’abord, cette interrogation: les deux légitimités auxquelles il fait référence sont-elles de même nature ? Fortement discutable. La première, celle de l’exécutif provient des urnes. C’est en effet un processus électoral qui a donné des résultats : les trois premiers partis (RNI, PAM, PI) ont décidé de former une majorité.
Celle-ci est plus que confortable avec pas moins de 270 députés de la Chambre des représentants, soit 72 de plus que la majorité absolue 198. Qu’y trouver à redire ? La Constitution a été appliquée, le Roi ayant nommé, conformément aux dispositions de l’article 47, une personnalité au sein du parti arrivé en tête – en l’occurrence, Aziz Akhannouch, président du RNI dont la formation s’est classée en tête avec pas moins de 102 sièges.
Ecrire que l’on a affaire à « un parti hégémonique argenté » et à des partis de la coalition timorés », n’ajoute pratiquement rien au point de vue de cet auteur : tant s’en faut. Passons… Quant au rapport du NMD, se situe-t-il dans le même registre ? Aucunement ! Ce n’est ni la même dimension et teneur, ni le même calendrier. Mais il y a plus. La Commission ne provient pas des urnes. Formée de 35 membres experts – réels ou supposés… - elle n’avait pas de statut particulier si ce n’est un rôle consultatif pour une mission déterminée. Personne ne peut évacuer l’immense travail qu’elle a accompli, sur des bases d’écoute.
De visites de terrain. Et d’aiguillon d’une réflexion nationale - une intelligence collective en marche. L’auteur avance qu’elle a de ce fait un titre de « légitimité » décliné autour de ces points : la nomination de ses membres par le Roi, sa méthodologie de travail, l’exigence de Marocains d’une implémentation de ses recommandations, l’adhésion proclamée officiellement par la quasi-totalité des partis, enfin, la validation de son rapport dans les discours du Souverain.
Oui, sans doute. Mais tout cela est-il très normatif ? Le NMD fixe-t-il et impose-t-il des règles ? Non, il définit à grands traits un cadre référentiel. Il précise, en termes propres, qu’il s’est préoccupé de tracer un « chemin du changement crédible et réalisable » ; qu’il n’est à ce titre « ni une solution miracle aux dysfonctionnements relevés, ni une compilation de politiques sectorielles et encore moins un mode d’emploi pour un programme gouvernemental ou partisan ».
Il ajoute dans cette même ligne qu’il s’agit de « rendre effectives les promesses de la Constitution » et d’appeler à l’engagement vers « un chemin de développement, un appel à la mobilisation et au travail ». Pourquoi, dès lors, lui demander plus, alors qu’il a clairement balisé la nature et la dimension de son périmètre ?
Autre observation de principe du même auteur, si peu recevable et plaidable : celle du peu de conformité du programme du nouveau gouvernement aux conclusions et aux prescriptions du NMD.
Pour commencer, il faut rappeler que les trois partis de la nouvelle majorité ont soutenu le NMD bien avant la nomination du gouvernement le 7 octobre dernier – ils ont même été les plus fervents à cet égard. De plus, il faudra bien expliquer comment ils pouvaient dans un calendrier aussi serré introduire dans la semaine les recommandations du NMD.
Dans le discours – programme au parlement le 11 octobre ? Dans le projet de loi de finances 2022 déposé huit jours plus tard, le 19 du même mois ? Il reste que le nouveau cabinet ne peut que se référer aujourd’hui et demain au NMD ; et que l’on ne peut sérieusement, quelques semaines seulement après son investiture, lui faire grief de s’en éloigner, voire même de lui tourner le dos. Le NMD n’est pas un texte ni un cadre de référence « facultatif » comme cela est soutenu.
Mais, par ailleurs, ce n’est pas non plus un totem sacré : il fixe d’ici l’horizon 2035 des axes stratégiques couplés à des leviers de changement. Ce n’est pas un menu fixe avec un plat du jour sur trois législatures, mais autre chose : une forte ambition collective, celle d’un « Maroc prospère, des compétences avec un développement inclusif, solidaire et durable ». Le NMD participe d’une volonté royale de refonder le lien social.
De renforcer la cohésion de la communauté nationale. Et de mobiliser autour de valeur, s’inscrivant dans l’édification d’une société se ressourçant sur ses fondamentaux pour mieux valoriser ses potentialités. Restaurer la confiance et redonner l’espoir aux Marocains alors qu’il y a tant de fractures, d’inégalités et d’inquiétudes : voilà la véritable problématique.
Mais il est vrai que le NMD, en cette fin d’année, a beaucoup perdu de son intensité. Il ne doit pas être cantonné en effet à une référence rhétorique chez les uns et les autres – surtout du côté de la majorité, bien entendu. Alors que les ferveurs militantes et idéologiques ont accusé un fort déclin dans le champ politique national, il vaut de noter que sa traduction doit être un Pacte national de développement traduisant l’adhésion de tous.
Une question à l’ordre du jour qui ne devrait plus tarder à prendre forme et contenu : c’est la condition intournable d’un nouvel élan. Faute de quoi, le NMD ne sera plus qu’une référence déclarative en 2022, puis dans la prochaine législature en 2026 et encore plus dans la suivante en 2031…
Un débat de principe qui mérite que l’on s’y arrête. Et tout d’abord, cette interrogation: les deux légitimités auxquelles il fait référence sont-elles de même nature ? Fortement discutable. La première, celle de l’exécutif provient des urnes. C’est en effet un processus électoral qui a donné des résultats : les trois premiers partis (RNI, PAM, PI) ont décidé de former une majorité.
Celle-ci est plus que confortable avec pas moins de 270 députés de la Chambre des représentants, soit 72 de plus que la majorité absolue 198. Qu’y trouver à redire ? La Constitution a été appliquée, le Roi ayant nommé, conformément aux dispositions de l’article 47, une personnalité au sein du parti arrivé en tête – en l’occurrence, Aziz Akhannouch, président du RNI dont la formation s’est classée en tête avec pas moins de 102 sièges.
Ecrire que l’on a affaire à « un parti hégémonique argenté » et à des partis de la coalition timorés », n’ajoute pratiquement rien au point de vue de cet auteur : tant s’en faut. Passons… Quant au rapport du NMD, se situe-t-il dans le même registre ? Aucunement ! Ce n’est ni la même dimension et teneur, ni le même calendrier. Mais il y a plus. La Commission ne provient pas des urnes. Formée de 35 membres experts – réels ou supposés… - elle n’avait pas de statut particulier si ce n’est un rôle consultatif pour une mission déterminée. Personne ne peut évacuer l’immense travail qu’elle a accompli, sur des bases d’écoute.
De visites de terrain. Et d’aiguillon d’une réflexion nationale - une intelligence collective en marche. L’auteur avance qu’elle a de ce fait un titre de « légitimité » décliné autour de ces points : la nomination de ses membres par le Roi, sa méthodologie de travail, l’exigence de Marocains d’une implémentation de ses recommandations, l’adhésion proclamée officiellement par la quasi-totalité des partis, enfin, la validation de son rapport dans les discours du Souverain.
Oui, sans doute. Mais tout cela est-il très normatif ? Le NMD fixe-t-il et impose-t-il des règles ? Non, il définit à grands traits un cadre référentiel. Il précise, en termes propres, qu’il s’est préoccupé de tracer un « chemin du changement crédible et réalisable » ; qu’il n’est à ce titre « ni une solution miracle aux dysfonctionnements relevés, ni une compilation de politiques sectorielles et encore moins un mode d’emploi pour un programme gouvernemental ou partisan ».
Il ajoute dans cette même ligne qu’il s’agit de « rendre effectives les promesses de la Constitution » et d’appeler à l’engagement vers « un chemin de développement, un appel à la mobilisation et au travail ». Pourquoi, dès lors, lui demander plus, alors qu’il a clairement balisé la nature et la dimension de son périmètre ?
Autre observation de principe du même auteur, si peu recevable et plaidable : celle du peu de conformité du programme du nouveau gouvernement aux conclusions et aux prescriptions du NMD.
Pour commencer, il faut rappeler que les trois partis de la nouvelle majorité ont soutenu le NMD bien avant la nomination du gouvernement le 7 octobre dernier – ils ont même été les plus fervents à cet égard. De plus, il faudra bien expliquer comment ils pouvaient dans un calendrier aussi serré introduire dans la semaine les recommandations du NMD.
Dans le discours – programme au parlement le 11 octobre ? Dans le projet de loi de finances 2022 déposé huit jours plus tard, le 19 du même mois ? Il reste que le nouveau cabinet ne peut que se référer aujourd’hui et demain au NMD ; et que l’on ne peut sérieusement, quelques semaines seulement après son investiture, lui faire grief de s’en éloigner, voire même de lui tourner le dos. Le NMD n’est pas un texte ni un cadre de référence « facultatif » comme cela est soutenu.
Mais, par ailleurs, ce n’est pas non plus un totem sacré : il fixe d’ici l’horizon 2035 des axes stratégiques couplés à des leviers de changement. Ce n’est pas un menu fixe avec un plat du jour sur trois législatures, mais autre chose : une forte ambition collective, celle d’un « Maroc prospère, des compétences avec un développement inclusif, solidaire et durable ». Le NMD participe d’une volonté royale de refonder le lien social.
De renforcer la cohésion de la communauté nationale. Et de mobiliser autour de valeur, s’inscrivant dans l’édification d’une société se ressourçant sur ses fondamentaux pour mieux valoriser ses potentialités. Restaurer la confiance et redonner l’espoir aux Marocains alors qu’il y a tant de fractures, d’inégalités et d’inquiétudes : voilà la véritable problématique.
Mais il est vrai que le NMD, en cette fin d’année, a beaucoup perdu de son intensité. Il ne doit pas être cantonné en effet à une référence rhétorique chez les uns et les autres – surtout du côté de la majorité, bien entendu. Alors que les ferveurs militantes et idéologiques ont accusé un fort déclin dans le champ politique national, il vaut de noter que sa traduction doit être un Pacte national de développement traduisant l’adhésion de tous.
Une question à l’ordre du jour qui ne devrait plus tarder à prendre forme et contenu : c’est la condition intournable d’un nouvel élan. Faute de quoi, le NMD ne sera plus qu’une référence déclarative en 2022, puis dans la prochaine législature en 2026 et encore plus dans la suivante en 2031…