Gouvernement Akhannouch, Bak sahbi et Bac + 10




Par Aziz Boucetta

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Il aura donc fallu un mois jour pour jour à Aziz Akhannouch pour proposer au roi Mohammed VI une équipe qui tienne la route pour les cinq prochaines années. Un gouvernement formé de 25 personnes (en attendant les secrétaires d’Etat), dont 7 femmes. Globalement, une équipe de bonne facture, avec beaucoup de compétences certes, mais aussi une inconstance et quelques connaissances…
 

Plusieurs listes avaient circulé quand l’annonce devenait imminente, c’est-à-dire mercredi soir, la veille de la nomination des nouveaux ministres. On y prophétisait Nasser Bourita partant et Moulay Hafid Elalamy restant. On a eu le contraire, ce qui est heureux pour la diplomatie (où M. Bourita se retrouve seul désormais, sans ministre délégué), et un peu moins pour le Commerce et l’Industrie, où le chef de cabinet de M. Elalamy devient chef du ministère, d’où une forme de continuité.
 

Le nouveau gouvernement maintient une égale distance entre la technocratie et la démocratie, avec 8 RNI, 7 PAM, 4 Istiqlal et 6 ministres dits de souveraineté. Mais honnêtement, qui peut raisonnablement penser un seul instant que Chakib Benmoussa (dont on peut par ailleurs se réjouir de sa nomination à l’Education et au Préscolaire) soit RNI, et idem pour Mohsine Jazouli, qui hérite fort heureusement d’un ministère de la Convergence et de l’Evaluation des politiques publiques ? Et pourquoi, vraiment pourquoi et quelle utilité de nommer Faouzi Lekjaâ au gouvernement ?
 

Par ailleurs, on peut noter une forte présence de la Commission Benmoussa, avec Chakib Benmoussa, Abdellatif Miraoui et Laila Benali, trois têtes aussi bien pleines que bien faites, aussi consistantes que leurs parcours respectifs. Le modèle de développement sera bien porté au sein de ce gouvernement, avec cette pointe de technocratie de pointe.
 

La technocratie de ce gouvernement est également éclatante au vu des intitulés des nouveaux départements : Protection sociale, Préscolaire, PME et Compétences, Innovation, Transition énergétique, Convergence et Evaluation des politiques publiques, et Transition numérique. Des départements nouveaux et novateurs, tenus presqu’exclusivement par des profils nouveaux et innovateurs. Avec eux, le Maroc se projette vers la décennie qui commence…
 

Sur le plan purement politique, les équilibres sont maintenus, l’ordre de classement aussi, au moyen de récupération et autres coloriages de circonstance. Cela nous donne en définitive un gouvernement et trois sous-gouvernements : celui de la souveraineté, celui de la politique et celui des technocrates « politifiés », chacun tenant son rôle dans l’attelage, le régalien, l’institutionnel et le technique. Tout le monde sera content, mais M. Akhannouch aura du mal à tenir sa baguette face aux deux tiers de « son » équipe…
 

Concernant les chefs de partis, et si Aziz Akhannouch est à sa place, Nizar Baraka obtient un ministère sous-dimensionné par rapport au personnage. Pourquoi l’a-t-il accepté, en dehors du fait que l’Equipement renvoie vaguement à une « chasse gardée » historique de l’Istiqlal ? Lui, et quelques autres, ont sans doute la réponse… Quant à Abdellatif Ouahbi, l’homme qui avait proclamé, fanfaronné voici quelques semaines qu’il n’accepterait d’entrer au gouvernement que s’il en est le chef et qu’un chef de parti ne peut être sous les ordres d’un autre, il se décrédibilise, vampirise et ridiculise un secteur qui nécessite du sérieux plus que de la gouaille ! Lui, c’est l’inconsistance.
 

Avec ce gouvernement, on apprend également que la mairie d’une grande ville, sur nos terres, peut être qualifiée de « mairie en attendant mieux », sinon, pourquoi M. Ouahbi et Mmes Rmili et Mansouri ont-ils accepté des présidences de villes alors même que les tractations pour la formation du gouvernement battaient leur plein ? Parce que, précisément, il semblerait qu’ « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »… et qu’importe si Taroudant, et surtout Casablanca et Marrakech, seront dirigées par un obscur adjoint ! Pour Agadir, il en va différemment, la présidence de M. Akhannouch étant symbolique et renvoyant au discours royal de novembre 2019 : « Il est inconcevable qu’en dépit de la centralité géographique de la Ville d’Agadir, en dépit de ses ressources, de ses potentialités, certaines infrastructures de base s’arrêtent à la hauteur de Marrakech ». Agadir gagne en importance et la faire diriger, même de loin, par le chef du gouvernement fait donc sens.
 

7 femmes sur 25 ministres… Le rapport est convenable mais la pertinence de certaines nominations fait tache. Comment peut-on sérieusement envisager que Mme Rmili, médecin généraliste et déléguée régionale de la Santé à Casablanca, puisse véritablement conduire l’immense chantier de réforme de son département et de mise en place de la Protection sociale ? Elle a droit certes au bénéfice du doute, mais nous avons droit aussi de douter… Et Mme Ammor, ex-cadre à Akwa et patronne du festival Timitar, a-t-elle réelle les compétences pour organiser le tourisme ? Pourquoi un diplomate à la diplomatie, un financier aux finances, un médecin à la santé, et pas un connaisseur du tourisme au tourisme ? Sa proximité avec le chef du gouvernement doit sûrement être un atout, et l’avenir crachera le morceau…
 

Et en cette période de mutation que connaît le Maroc, notons que la quasi-totalité des ministres sont anglophones, formés en partie à l’école française mais résolument anglophones. Cela soulignera l’orientation prise depuis quelques années par le Maroc vers l’anglosphère… sachant et notant qu’avec le retour de M. Benmoussa à Rabat, ce sont désormais quatre grandes capitales européennes qui se trouvent sans ambassadeur : deux rappelés de Madrid et Berlin, et deux postes vacants à Paris et Bruxelles. Un indicateur des nouvelles priorités diplomatiques et géostratégiques ? Cela en a tout l’air…
 

Dernière remarque : Plusieurs membres de ce gouvernement sont des inconditionnels des bureaux d'étude dont ils sont des utilisateurs compulsifs, ces organismes qui, à coups de millions et de dizaines de millions, compilent de l'information et la servent, sans obligation ni garantie de résultat.
 

Maintenant, le gouvernement est là, avec ses hauts et ses bas, plus de hauts que de bas, et il devra s’atteler aux différents et très nombreux chantiers qui attendent ses membres. Ils savent qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur, et encore moins aux errements.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Vendredi 8 Octobre 2021

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