Par Rachid Boufous
Une folie furieuse atteint les gens un peu partout. Tout le monde semble vouloir, à tout prix, savoir d’où il vient et qui sont ses ancêtres. Des test ADN foisonnent sur internet comme MyHeritage, vendus à des millions de gens à travers le globe. Sur des terres de transit et de mélanges de civilisations comme le Maroc, cela devient même un sport national. Les amazigh veulent savoir s’ils sont réellement les premiers habitants du pays, les arabes s’ils viennent réellement d’Arabie, les Fassis s’ils viennent d’Andalousie ou d’Irak, les israélites s’ils viennent de canaan ou de la 12eme tribu égarée après l’exode de Moïse…
Bref, une frénétique quête d’identité, qui commence à poser problème, à l’heure où beaucoup de gens veulent s’inventer une lignée pure, une ascendance chérifienne ou une lointaine appartenance à la reine de Saba...
Cela reste mignon et et un brin futile, tant que le débat sur l’identité n’est pas violent, à la limite de l’agressivité verbale, ou même de l’agression physique.
Ainsi l’histoire de ce docteur en histoire, Koullab qui au fil de vidéos et d’interventions sur sa chaîne YouTube, faisait la récitation d’ouvrages historiques comme ceux d’Ibn Idhari, de Abdelouahed Mourrakouchi, d’ibn Khaldoun ou de l’inénarrable Abu Zaraa Al Fassi, l’auteur de Rawd Al Qirtass, historien de la dynastie merinide et inventeur du mythe de Fatima Fihriya, qui en passant, n’aurait probablement jamais existé...
Koullab, ainsi que d’autres historiens d’ailleurs, dit que la majorité des marocains sont des maures Amazigh et que les Arabes qui existent au Maroc ne sont que les descendants des tribus de mercenaires Banou Hilal, Beni Maaqil ou Banou Salim ramènés d’orient par le Sultant Yacoub Et Mansour au 12em siècle pour coloniser les terres des Berregouatas dans le royaume du Tamesna et chasser ses populations « hérétiques » amazigh vers les montagnes de l’Atlas et du Rif, et qui se sont « amazighès » et dont l’ascendance arabe a disparu avec le temps…
Cela dérange les tenants de la pureté des arbres généalogiques qui réagissent très mal, face à une réalité historique établie.
Bref, un débat public s’installe sur la réalité de l’identité des marocains actuels, qui ne semble pas plaire aux tenants d’une Arabité affirmée et irrévocable du pays depuis 14 siècles. Koullab vient même d’être menacé physiquement par des jeunes écervelés de Kenitra et par d’autres énergumènes, à visages découverts, défendant ce « courant arabe » et c’est en cela que ce débat sur l’origine de notre peuple marocain devient dangereux.
Il n’ya pas plus mouvante que l’identité. Par principe, nous appartenons à la terre où nous vivons et prospérons.
On peut avoir, et on a, des origines d’ailleurs, à travers nos parents ou nous aïeuls, mais notre identité est rattachée au drapeau sous lequel nous prêtons le sermon de la citoyenneté et dont nous défendons la terre une fois sa nationalité acquise ou affirmée.
Autrement cela n’ajoute rien à la marche de la planète ou du système solaire de savoir, si nous venons du fin fond de l’Afrique de l’Europe. Connaître ces origines lointaines n’est là que pour satisfaire notre vanité.
Toutefois, pour beaucoup de gens, cet attachement à une identité ancestrale permet de se distinguer du groupe social ou ethnique dans lequel on vit, leur donnant un semblant de supériorité de « race ».
On raconte, que lors de la généralisation de l’état civil moderne au Maroc, au début des années cinquante par le protectorat, beaucoup de malins saisirent l’occasion pour se donner des noms et des patronymes totalement inventés, mais qui leur assuraient de figurer désormais, parmi les lignées aristocratiques et nobiliaires de l’empire chérifien.
Cela était facilité par le système de l’état civil, qui exigeait d’avoir un nom et un prénom pour chaque personne qui devait s’y inscrire.
Jusqu’alors, les gens chez nous étaient surtout connus pour descendre d’untel, fils d’untel, à l’infini, mais pour faire court on y associait le nom d’une région, d’une ville ou de la tribu à laquelle on appartenait.
Si on prend mon nom par exemple selon cet état civil je l’appelle Rachid ben Mohamed ben Mohamed Al Idrissi Al Machichi Azizi. Je serais donc un Idriss descendant de Moulay Abdessalam ben Machich et dont les ancêtres se sont établis dans la vallée de Ziz et dont la Zawiya de notre ancêtre Sidi Hamza se trouve à Tadraklout chez les Ait Bouhlal, dans le territoire de Rich à proximité de Midelt…
De ce fait je serais le cousin de tous les idrissi et de tous les Machichi et Alami (en référence à Jbel Allam où Abdessalam Ben Machich est enterré) du pays… Waw !!!
Mais comme ce patronyme faisait beaucoup de justifications pour l’officier français de l’état civil de l’époque, qui avait certainement d’autres noms à inscrire sur le registre qu’à se prendre la tête avec nos origines, il choisit de nommer mon grand-père, qui avait un bras atrophié suite à une chute durant sa jeunesse par Boufous (qui veut dire celui qui a un bras).
Ainsi nous sommes devenus par la volonté d’un officier de l’état civil du protectorat, les seuls Boufous du Tafilalet alors que ce nom est très courant dans le Souss du coté d’Agadir…
Énormément de gens ont eu la même mésaventure de notre famille paternelle et on leur collât un nom court par commodité et surtout que les carnet d’état civil, par manque de place, ne pouvaient pas contenir des noms très longs.
Cette couardise et nonchalance des officiers de l’état civil d’affubler les gens par des noms qui leur passaient par la tête. Les gens ne pouvaient pas protester contre les décisions administratives du protectorat. Ils avaient pourtant la possibilité de recourir aux tribunaux civils, mais c’était long et fastidieux de vouloir changer de nom. Alors les gens s’y sont résignés, surtout dans le monde rural où les gens ne pouvaient pas protester contre des décisions qui ne les concernaient pas, puisqu’ils demeuraient connus par leurs patronymes au sein de leurs sociétés tribale.
Tout simplement, ils ne voyaient pas l’utilité d’être inscrits à ce registre puisqu’ils vivaient en communauté autarcique et le monde extérieur ne leur disait rien de bon.
Dans les villes par contre, où la civilisation européenne était présente à tous les coins de rue, les gens avaient très vite compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer en changeant ou en s’octroyant des noms à connotations « nobiliaires ». On vit des Alaoui et des Moulay apparaître à foison chez des gens qui ne n’appartenaient nullement aux chorfas alaouites, ni aux autres lignées de chorfas tout court…
Aujourd’hui, avec les tests ADN, on peut dire qui est fils de qui et trouver des similarités de gènes avec des gens habitants d’autres contrées.
Cela sert pour les tests de paternité et pour démasquer des meurtriers sur les lieux de leurs forfaits.
Mais au delà, cela n’a aucune espèce d’utilité, au Maroc comme ailleurs dans ce bas monde. Je n’ai jamais éprouvé l’utilité d’user de mon ascendance chérifienne, malgré le fait que je possède un arbre généalogique attesté par le Naquib des chorfas idrissides à Rabat. Cela m’importe peu, car cela ne fait pas de moi un être supérieur ou différent des autres.
Notre pays qui a été une terre de passage de multiples peuples peut s’enorgueillir d’une richesse génétique exceptionnelle qui mélange les genres humains sans en exclure aucun. Et les gens y sont venus de partout.
Même l’homme d’Ighoud, âgé de 300.000 ans grand-père des tous les homo-sapiens sur terre et dont les restes et le crâne ont été découverts dans une grotte près de Youssoufia au Maroc, lui-même ou ses ancêtres sont venus d’ailleurs, certainement de la lointaine Afrique australe où l’humanité a démarré avec une certaine Lucy.
Ces populations sapiens évoluées ont traversé à travers les âges le Sahara à l’époque où cet immense territoire était tempéré et moins aride, venant d’on ne sait où…
Ils ont prospéré au Maroc, avant sans doute, de traverser le détroit de Gibraltar, à l’époque moins profond et plus resserré que maintenant, pour y vivre et y laisser une descendance qui a « blanchi » avec le temps à cause de la rigueur du climat européen.
Il reste encore beaucoup de choses à découvrir sur les peuples anciens d’Afrique du Nord, notamment ceux qui ont habité au Sahara, précisément au Hoggar algérien au Tasili N’ajjer et dans la mystérieuse cité de Sifar et ses magnifiques peintures rupestres où l’on voit des êtres étranges, des géants portant une espèce de casque sur la tête…
Il y’a aussi ces récits de l’Antiquité comme ceux de Platon qui parle de la mystérieuse île de l’Atlantide, qui aurait existé du côté de nos côtes atlantiques et disparue depuis.
Avec le temps les peuplades de ces contrées ont développé une langue, l’amazigh, des coutumes, ont élu des rois, les fameux Aguelid, bâti des royaumes numides, ont fait du commerce avec les phéniciens, les grecs et les romains, avant de devenir des provinces de la Rome antique et lui faire la guerre à partir de Carthage dans la Tunisie actuelle.
Ils ont eu plusieurs religions aussi dont l’animiste, la juive et la chrétienne avec l’apogée de l’empire byzantin. Ils ont même donné des généraux, des empereurs et des papes au monde occidental et à la Rome antique.
Les arabes sont arrivés a partir de 644 en Afrique du Nord par l’Égypte et la Libye. Ils ont bâti Kairouan en Tunisie avant de s’avancer plus en occident à coups de razzias et de conquêtes. Ils étaient combien ces arabes au départ : 20.000? 40.000 ? Tout au plus. L’Afrique du Nord comptait déjà plus de 2 millions de personnes.
Des guerres et des révoltes s’en suivirent et contrairement à l’histoire officielle, l’arrivée de l’islam et surtout des arabes ne s’est pas passée dans le calme et la sérénité. Normal, puisque toute tentative de domination d’un groupe humain par un autre, donne lieu à des résistances et à de la violence, vu que le nouvel ordre veut s’établir à la place de l’ordre ancien trouvé sur place, estimé désuet et dépassé par les nouveaux conquérants. C’est propre à l’histoire de l’humanité et c’est vieux comme le monde.
L’Afrique du Nord ne fut pas tout de suite islamisée, ce processus ayant pris plusieurs siècles avant d’aboutir, sous une dynastie Amazigh, originaire des tribus Masmouda de Tinmel pas loin de Marrakech, celle les Almohades.
Ce sont ces derniers qui islamisèrent le Maroc en totalité, mettant fin à la présence chrétienne, mais aussi aux « hérétiques » Bereghouatas, qui avaient le malheur d’inventer leur religion inspirée de l’islam grâce à leur guide Salih Ibn Tarif en 740 qui a écrit un Coran en berbère compétant 80 sourates, et dont le territoire s’étendait de l’oued Oum Rabii à Oued Bouregreg, formant le royaume de Tamesna qui dura 350 ans.
Les Almohades permirent aux Arabes de réellement s’installer en Afrique du Nord, en colonies de peuplement sur les anciennes terres des Bereghouatas. C’est ainsi que Doukkala et Zair qui étaient berbères devinrent Arabes grâce à l’implantation des Beni Hilal et Bani Maaqil…
Et mêmes ces Arabes se sont intégrés avec le temps aux populations amazigh vivant en Afrique du Nord, le sang s’est mêlé grâce aux mariages inter-ethniques. En mille ans les gènes ont eu le temps de se mélanger pour le plus grand bonheur de la nation marocaine.
On va encore me sortir la pureté des lignées fassies descendantes des andalous ou des gens de Kairouan. Encore une fois, quand Tarik Ibn Ziyad franchit le détroit de Gibraltar le 27 avril 711, il y’avait très peu d’arabes avec lui, à peine une soixantaine, la majorité des soldats étant amazigh surtout originaires du nord du Maroc.
Bien après, quand l’émirat d’Al Andalus fut créé par Abderrahmane ibn Mouawiya en 755, les arabes étaient toujours peu nombreux, la majorité de la population étant toujours amazigh. Il y avait des migrations d’arabes de Damas, mais cela n’était pas significatif. Durant près de 80 ans les populations se sont mélangées en Andalousie, des mariages se faisant entre amazighs, arabes et ibères chrétiens d’Espagne. D’ailleurs cette population, était tellement épanouie en Andalousie qu’elle commençait à a se sentir autonome notamment à Tolède. Al Hakam Ibn Hicham, émir d’Al Andalus, décida d’en finir avec cette population imbue de son indépendance. Il fit égorger un soir, 400 nobles de la ville, par son gouverneur et jeter leurs têtes dans une fosse. Depuis, en Espagne, on nomme cette tragédie « la nuit de la fosse ».
De peur, les populations locales ont fuit Cordoue et son émir fou, vers le Maroc, où un certain Idriss II, roi des Amazigh Awraba et Miknassas, les accueillit en 822 à Fès et les logea dans un quartier, qu’il dénomma Adwat Al Andalus.
En face, un autre quartier recevra les kairaouanais venant de la Tunisie actuelle et qui s’appellera Adwat Al Qarawiyine.
Les deux populations ne s’aimaient guerre car trop différentes et on fit hisser assez vite une muraille entre les deux quartiers afin d’éviter les violences répétitives entre les habitants des deux quartiers ennemis. Fès El Bali était né…
Fès demeura ainsi jusqu’à l’arrivée de Youssef Ibn Tachefine, au milieu du 11ème siècle vers 1047, qui fit démolir le mur séparant Fès El Bali en deux quartiers distincts. Commença alors un mélange des populations qui ne cessa depuis.
Les Almoravides, peuplades du sud du Sahara, firent une guerre impitoyable aux derniers princes idrissides de Fès et aux Bereghouatas. Un nouvel ordre remplaçait les ordres anciens.
Avec le temps, les échanges avec Al le Maroc et l’Orient, ainsi que la mainmise des dysnasties berbères marocaines Almoravide, Almohade et Merinides sur Al Andalus à partir de la fin du califat Omeyyade d’Andalousie en 1032, feront que les les mélanges de populations furent intensifiés et petit à petit jusqu’à la chute de Grenade en 1492 et la dernière vague de migration des morisques en 1609, le Maroc accueillera des populations fortement mélangées, mais qui cherchaient une fois au Maroc, de continuer à faire vivre une identité andalouse, jadis magnifique et lumineuse, qui disparaîtra lentement mais sûrement à partir de la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 et le début de la reconquête espagnole.
Celle-ci avait démarré avec la chute de Tolède en 1085 et continua avec celle de Séville en 1269. Les espagnols cherchant à bouter les musulmans hors de leur sol, ils entameront à partir de cette époque une politique de nettoyage ethnique systématique.
Toutefois beaucoup de musulmans, arabes ou amazigh et de chrétiens s’étaient accouplés depuis l’arrivée de Tarik en 711 et avaient donné une descendance nombreuse, dont des émirs et le Calife Abderrahmane III qui régna de 912 à 951 créant le second califat en terre d’Islam, était à moitié chrétien par sa mère Muzna Petite-fille de Fortún Garcés, roi de Navarre elle est issue de la famille royale de Navarre, les Arista. Il avait les yeux bleus et les cheveux blonds qu’ils teintait de noir pour ressembler aux populations musulmanes qu’il gouvernait…
Les marocains plus que beaucoup d’autres peuples sont attachés à leurs héritages ancestraux, fruits de ces mélanges qui fondent leur identité commune.
Chaque tribu, chaque ville, chaque village lutte pour sauvegarder ce qui lui est très cher : son identité.
Et cette identité multiple fait que nous sommes une mosaïque de civilisations à l’intérieur d’un seul et même pays, le Maroc. Mais il ne faut pas que cette quête des origines ne prenne le pas sur le reste, à savoir que nous sommes tous des humains venus de quelque part et partageons ensemble cette terre bénie. Accepter l’autre avec ses origines, son parler, ses coutumes, son identité c’est ce qui fait la grandeur des civilisations et la base du vivre ensemble dont notre pays peut s’enorgueillir.
Les marocains forment un peuple extraordinairement diversifié, fruit de multiples apports humains venus de partout. Le Maroc est l’une des plus anciennes monarchies au monde. Ce système de gouvernance qui existe sans interruption depuis les royaumes numides est la preuve que la diversité des marocains ne peut trouver de paix et de prospérité que sous le règne d’un Roi, arbitre des différences ethniques et garant du vivre ensemble de toutes les composantes du peuple marocain.
Quant à la génétique des peuples, elle n’a d’intérêt que d’affirmer que nous sommes et que nous resterons, nous les marocains, un peuple unique et magnifique…!
Rachid Boufous
Bref, une frénétique quête d’identité, qui commence à poser problème, à l’heure où beaucoup de gens veulent s’inventer une lignée pure, une ascendance chérifienne ou une lointaine appartenance à la reine de Saba...
Cela reste mignon et et un brin futile, tant que le débat sur l’identité n’est pas violent, à la limite de l’agressivité verbale, ou même de l’agression physique.
Ainsi l’histoire de ce docteur en histoire, Koullab qui au fil de vidéos et d’interventions sur sa chaîne YouTube, faisait la récitation d’ouvrages historiques comme ceux d’Ibn Idhari, de Abdelouahed Mourrakouchi, d’ibn Khaldoun ou de l’inénarrable Abu Zaraa Al Fassi, l’auteur de Rawd Al Qirtass, historien de la dynastie merinide et inventeur du mythe de Fatima Fihriya, qui en passant, n’aurait probablement jamais existé...
Koullab, ainsi que d’autres historiens d’ailleurs, dit que la majorité des marocains sont des maures Amazigh et que les Arabes qui existent au Maroc ne sont que les descendants des tribus de mercenaires Banou Hilal, Beni Maaqil ou Banou Salim ramènés d’orient par le Sultant Yacoub Et Mansour au 12em siècle pour coloniser les terres des Berregouatas dans le royaume du Tamesna et chasser ses populations « hérétiques » amazigh vers les montagnes de l’Atlas et du Rif, et qui se sont « amazighès » et dont l’ascendance arabe a disparu avec le temps…
Cela dérange les tenants de la pureté des arbres généalogiques qui réagissent très mal, face à une réalité historique établie.
Bref, un débat public s’installe sur la réalité de l’identité des marocains actuels, qui ne semble pas plaire aux tenants d’une Arabité affirmée et irrévocable du pays depuis 14 siècles. Koullab vient même d’être menacé physiquement par des jeunes écervelés de Kenitra et par d’autres énergumènes, à visages découverts, défendant ce « courant arabe » et c’est en cela que ce débat sur l’origine de notre peuple marocain devient dangereux.
Il n’ya pas plus mouvante que l’identité. Par principe, nous appartenons à la terre où nous vivons et prospérons.
On peut avoir, et on a, des origines d’ailleurs, à travers nos parents ou nous aïeuls, mais notre identité est rattachée au drapeau sous lequel nous prêtons le sermon de la citoyenneté et dont nous défendons la terre une fois sa nationalité acquise ou affirmée.
Autrement cela n’ajoute rien à la marche de la planète ou du système solaire de savoir, si nous venons du fin fond de l’Afrique de l’Europe. Connaître ces origines lointaines n’est là que pour satisfaire notre vanité.
Toutefois, pour beaucoup de gens, cet attachement à une identité ancestrale permet de se distinguer du groupe social ou ethnique dans lequel on vit, leur donnant un semblant de supériorité de « race ».
On raconte, que lors de la généralisation de l’état civil moderne au Maroc, au début des années cinquante par le protectorat, beaucoup de malins saisirent l’occasion pour se donner des noms et des patronymes totalement inventés, mais qui leur assuraient de figurer désormais, parmi les lignées aristocratiques et nobiliaires de l’empire chérifien.
Cela était facilité par le système de l’état civil, qui exigeait d’avoir un nom et un prénom pour chaque personne qui devait s’y inscrire.
Jusqu’alors, les gens chez nous étaient surtout connus pour descendre d’untel, fils d’untel, à l’infini, mais pour faire court on y associait le nom d’une région, d’une ville ou de la tribu à laquelle on appartenait.
Si on prend mon nom par exemple selon cet état civil je l’appelle Rachid ben Mohamed ben Mohamed Al Idrissi Al Machichi Azizi. Je serais donc un Idriss descendant de Moulay Abdessalam ben Machich et dont les ancêtres se sont établis dans la vallée de Ziz et dont la Zawiya de notre ancêtre Sidi Hamza se trouve à Tadraklout chez les Ait Bouhlal, dans le territoire de Rich à proximité de Midelt…
De ce fait je serais le cousin de tous les idrissi et de tous les Machichi et Alami (en référence à Jbel Allam où Abdessalam Ben Machich est enterré) du pays… Waw !!!
Mais comme ce patronyme faisait beaucoup de justifications pour l’officier français de l’état civil de l’époque, qui avait certainement d’autres noms à inscrire sur le registre qu’à se prendre la tête avec nos origines, il choisit de nommer mon grand-père, qui avait un bras atrophié suite à une chute durant sa jeunesse par Boufous (qui veut dire celui qui a un bras).
Ainsi nous sommes devenus par la volonté d’un officier de l’état civil du protectorat, les seuls Boufous du Tafilalet alors que ce nom est très courant dans le Souss du coté d’Agadir…
Énormément de gens ont eu la même mésaventure de notre famille paternelle et on leur collât un nom court par commodité et surtout que les carnet d’état civil, par manque de place, ne pouvaient pas contenir des noms très longs.
Cette couardise et nonchalance des officiers de l’état civil d’affubler les gens par des noms qui leur passaient par la tête. Les gens ne pouvaient pas protester contre les décisions administratives du protectorat. Ils avaient pourtant la possibilité de recourir aux tribunaux civils, mais c’était long et fastidieux de vouloir changer de nom. Alors les gens s’y sont résignés, surtout dans le monde rural où les gens ne pouvaient pas protester contre des décisions qui ne les concernaient pas, puisqu’ils demeuraient connus par leurs patronymes au sein de leurs sociétés tribale.
Tout simplement, ils ne voyaient pas l’utilité d’être inscrits à ce registre puisqu’ils vivaient en communauté autarcique et le monde extérieur ne leur disait rien de bon.
Dans les villes par contre, où la civilisation européenne était présente à tous les coins de rue, les gens avaient très vite compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer en changeant ou en s’octroyant des noms à connotations « nobiliaires ». On vit des Alaoui et des Moulay apparaître à foison chez des gens qui ne n’appartenaient nullement aux chorfas alaouites, ni aux autres lignées de chorfas tout court…
Aujourd’hui, avec les tests ADN, on peut dire qui est fils de qui et trouver des similarités de gènes avec des gens habitants d’autres contrées.
Cela sert pour les tests de paternité et pour démasquer des meurtriers sur les lieux de leurs forfaits.
Mais au delà, cela n’a aucune espèce d’utilité, au Maroc comme ailleurs dans ce bas monde. Je n’ai jamais éprouvé l’utilité d’user de mon ascendance chérifienne, malgré le fait que je possède un arbre généalogique attesté par le Naquib des chorfas idrissides à Rabat. Cela m’importe peu, car cela ne fait pas de moi un être supérieur ou différent des autres.
Notre pays qui a été une terre de passage de multiples peuples peut s’enorgueillir d’une richesse génétique exceptionnelle qui mélange les genres humains sans en exclure aucun. Et les gens y sont venus de partout.
Même l’homme d’Ighoud, âgé de 300.000 ans grand-père des tous les homo-sapiens sur terre et dont les restes et le crâne ont été découverts dans une grotte près de Youssoufia au Maroc, lui-même ou ses ancêtres sont venus d’ailleurs, certainement de la lointaine Afrique australe où l’humanité a démarré avec une certaine Lucy.
Ces populations sapiens évoluées ont traversé à travers les âges le Sahara à l’époque où cet immense territoire était tempéré et moins aride, venant d’on ne sait où…
Ils ont prospéré au Maroc, avant sans doute, de traverser le détroit de Gibraltar, à l’époque moins profond et plus resserré que maintenant, pour y vivre et y laisser une descendance qui a « blanchi » avec le temps à cause de la rigueur du climat européen.
Il reste encore beaucoup de choses à découvrir sur les peuples anciens d’Afrique du Nord, notamment ceux qui ont habité au Sahara, précisément au Hoggar algérien au Tasili N’ajjer et dans la mystérieuse cité de Sifar et ses magnifiques peintures rupestres où l’on voit des êtres étranges, des géants portant une espèce de casque sur la tête…
Il y’a aussi ces récits de l’Antiquité comme ceux de Platon qui parle de la mystérieuse île de l’Atlantide, qui aurait existé du côté de nos côtes atlantiques et disparue depuis.
Avec le temps les peuplades de ces contrées ont développé une langue, l’amazigh, des coutumes, ont élu des rois, les fameux Aguelid, bâti des royaumes numides, ont fait du commerce avec les phéniciens, les grecs et les romains, avant de devenir des provinces de la Rome antique et lui faire la guerre à partir de Carthage dans la Tunisie actuelle.
Ils ont eu plusieurs religions aussi dont l’animiste, la juive et la chrétienne avec l’apogée de l’empire byzantin. Ils ont même donné des généraux, des empereurs et des papes au monde occidental et à la Rome antique.
Les arabes sont arrivés a partir de 644 en Afrique du Nord par l’Égypte et la Libye. Ils ont bâti Kairouan en Tunisie avant de s’avancer plus en occident à coups de razzias et de conquêtes. Ils étaient combien ces arabes au départ : 20.000? 40.000 ? Tout au plus. L’Afrique du Nord comptait déjà plus de 2 millions de personnes.
Des guerres et des révoltes s’en suivirent et contrairement à l’histoire officielle, l’arrivée de l’islam et surtout des arabes ne s’est pas passée dans le calme et la sérénité. Normal, puisque toute tentative de domination d’un groupe humain par un autre, donne lieu à des résistances et à de la violence, vu que le nouvel ordre veut s’établir à la place de l’ordre ancien trouvé sur place, estimé désuet et dépassé par les nouveaux conquérants. C’est propre à l’histoire de l’humanité et c’est vieux comme le monde.
L’Afrique du Nord ne fut pas tout de suite islamisée, ce processus ayant pris plusieurs siècles avant d’aboutir, sous une dynastie Amazigh, originaire des tribus Masmouda de Tinmel pas loin de Marrakech, celle les Almohades.
Ce sont ces derniers qui islamisèrent le Maroc en totalité, mettant fin à la présence chrétienne, mais aussi aux « hérétiques » Bereghouatas, qui avaient le malheur d’inventer leur religion inspirée de l’islam grâce à leur guide Salih Ibn Tarif en 740 qui a écrit un Coran en berbère compétant 80 sourates, et dont le territoire s’étendait de l’oued Oum Rabii à Oued Bouregreg, formant le royaume de Tamesna qui dura 350 ans.
Les Almohades permirent aux Arabes de réellement s’installer en Afrique du Nord, en colonies de peuplement sur les anciennes terres des Bereghouatas. C’est ainsi que Doukkala et Zair qui étaient berbères devinrent Arabes grâce à l’implantation des Beni Hilal et Bani Maaqil…
Et mêmes ces Arabes se sont intégrés avec le temps aux populations amazigh vivant en Afrique du Nord, le sang s’est mêlé grâce aux mariages inter-ethniques. En mille ans les gènes ont eu le temps de se mélanger pour le plus grand bonheur de la nation marocaine.
On va encore me sortir la pureté des lignées fassies descendantes des andalous ou des gens de Kairouan. Encore une fois, quand Tarik Ibn Ziyad franchit le détroit de Gibraltar le 27 avril 711, il y’avait très peu d’arabes avec lui, à peine une soixantaine, la majorité des soldats étant amazigh surtout originaires du nord du Maroc.
Bien après, quand l’émirat d’Al Andalus fut créé par Abderrahmane ibn Mouawiya en 755, les arabes étaient toujours peu nombreux, la majorité de la population étant toujours amazigh. Il y avait des migrations d’arabes de Damas, mais cela n’était pas significatif. Durant près de 80 ans les populations se sont mélangées en Andalousie, des mariages se faisant entre amazighs, arabes et ibères chrétiens d’Espagne. D’ailleurs cette population, était tellement épanouie en Andalousie qu’elle commençait à a se sentir autonome notamment à Tolède. Al Hakam Ibn Hicham, émir d’Al Andalus, décida d’en finir avec cette population imbue de son indépendance. Il fit égorger un soir, 400 nobles de la ville, par son gouverneur et jeter leurs têtes dans une fosse. Depuis, en Espagne, on nomme cette tragédie « la nuit de la fosse ».
De peur, les populations locales ont fuit Cordoue et son émir fou, vers le Maroc, où un certain Idriss II, roi des Amazigh Awraba et Miknassas, les accueillit en 822 à Fès et les logea dans un quartier, qu’il dénomma Adwat Al Andalus.
En face, un autre quartier recevra les kairaouanais venant de la Tunisie actuelle et qui s’appellera Adwat Al Qarawiyine.
Les deux populations ne s’aimaient guerre car trop différentes et on fit hisser assez vite une muraille entre les deux quartiers afin d’éviter les violences répétitives entre les habitants des deux quartiers ennemis. Fès El Bali était né…
Fès demeura ainsi jusqu’à l’arrivée de Youssef Ibn Tachefine, au milieu du 11ème siècle vers 1047, qui fit démolir le mur séparant Fès El Bali en deux quartiers distincts. Commença alors un mélange des populations qui ne cessa depuis.
Les Almoravides, peuplades du sud du Sahara, firent une guerre impitoyable aux derniers princes idrissides de Fès et aux Bereghouatas. Un nouvel ordre remplaçait les ordres anciens.
Avec le temps, les échanges avec Al le Maroc et l’Orient, ainsi que la mainmise des dysnasties berbères marocaines Almoravide, Almohade et Merinides sur Al Andalus à partir de la fin du califat Omeyyade d’Andalousie en 1032, feront que les les mélanges de populations furent intensifiés et petit à petit jusqu’à la chute de Grenade en 1492 et la dernière vague de migration des morisques en 1609, le Maroc accueillera des populations fortement mélangées, mais qui cherchaient une fois au Maroc, de continuer à faire vivre une identité andalouse, jadis magnifique et lumineuse, qui disparaîtra lentement mais sûrement à partir de la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 et le début de la reconquête espagnole.
Celle-ci avait démarré avec la chute de Tolède en 1085 et continua avec celle de Séville en 1269. Les espagnols cherchant à bouter les musulmans hors de leur sol, ils entameront à partir de cette époque une politique de nettoyage ethnique systématique.
Toutefois beaucoup de musulmans, arabes ou amazigh et de chrétiens s’étaient accouplés depuis l’arrivée de Tarik en 711 et avaient donné une descendance nombreuse, dont des émirs et le Calife Abderrahmane III qui régna de 912 à 951 créant le second califat en terre d’Islam, était à moitié chrétien par sa mère Muzna Petite-fille de Fortún Garcés, roi de Navarre elle est issue de la famille royale de Navarre, les Arista. Il avait les yeux bleus et les cheveux blonds qu’ils teintait de noir pour ressembler aux populations musulmanes qu’il gouvernait…
Les marocains plus que beaucoup d’autres peuples sont attachés à leurs héritages ancestraux, fruits de ces mélanges qui fondent leur identité commune.
Chaque tribu, chaque ville, chaque village lutte pour sauvegarder ce qui lui est très cher : son identité.
Et cette identité multiple fait que nous sommes une mosaïque de civilisations à l’intérieur d’un seul et même pays, le Maroc. Mais il ne faut pas que cette quête des origines ne prenne le pas sur le reste, à savoir que nous sommes tous des humains venus de quelque part et partageons ensemble cette terre bénie. Accepter l’autre avec ses origines, son parler, ses coutumes, son identité c’est ce qui fait la grandeur des civilisations et la base du vivre ensemble dont notre pays peut s’enorgueillir.
Les marocains forment un peuple extraordinairement diversifié, fruit de multiples apports humains venus de partout. Le Maroc est l’une des plus anciennes monarchies au monde. Ce système de gouvernance qui existe sans interruption depuis les royaumes numides est la preuve que la diversité des marocains ne peut trouver de paix et de prospérité que sous le règne d’un Roi, arbitre des différences ethniques et garant du vivre ensemble de toutes les composantes du peuple marocain.
Quant à la génétique des peuples, elle n’a d’intérêt que d’affirmer que nous sommes et que nous resterons, nous les marocains, un peuple unique et magnifique…!
Rachid Boufous