« Bien au contraire, nous refusons, comme vous, toute menace sécuritaire et sommes solidaires de nos amis dans les pays de la région contre les dangers qui les guettent et qui nous menacent, tous, directement », a-t-il ajouté, pour indiquer l’intérêt particulier accordé par le Maroc à ce sujet.
Dans cette zone de haute insécurité séparant le Grand Sahara, au Nord, des savanes, au Sud, allant de la Mauritanie, à l’Ouest, au Soudan, à l’Est, Al Qaïda et Daech se sont greffés aux multitudes de problèmes déjà existants.
Constat de situation
Dans ce vaste espace semi-aride historiquement dédié au trafic commercial entre les régions limitrophes, les frontières entre Etats de la région que l’on peut voir sur une carte n’ont de signification que pour ceux qui veulent bien leur en accorder.
Autre aspect essentiel à souligner, les indices de fécondité très élevés enregistrés dans ces pays. Ça va de 7,6 enfants par femme au Niger, à 4,1 en Mauritanie, en passant par le Tchad (6,6), le Mali (6,1) et le Burkina Faso (5,9). À titre de comparaison, l’indice de fécondité du Maroc est de 2,4.
Même en parvenant à enregistrer des taux de croissance du PIB assez importants avant la pandémie du Covid, le Burkina Faso, 6,8 %, le Niger, 6,5 %, le Mali, 4,9 %, la Mauritanie, 3,6 %, le Tchad, 2,6 %, (chiffres 2018), il est évident que ces pays ne peuvent qu’être confrontés à de graves problèmes. Ils font plus d’enfants qu’ils n’augmentent leur production de richesses.
Spécificités ignorées
Les médias occidentaux font peu référence à cet aspect de la problématique sécuritaire au Sahel, parce que poser la question démographique pourrait les amener à se trouver en contradiction directe avec le discours politiquement correct sur la démocratie dans les pays d’Afrique.
Que valent les élections dans des pays ou l’appartenance ethnique prime sur toute autre considération ? Les minorités ethniques peuvent toujours rêver de se faire entendre ou participer aux prises de décision, même celles qui les concernent directement.
Aussi, quand on traite des groupes jihadistes terroristes au Sahel, ignorer la dimension ethnique de la crise sécuritaire qui y prévaut, c’est se condamner à ne rien comprendre. Avant que les Touaregs ne se mettent sous la bannière d’Al Qaïda, ils s’étaient déjà soulevés à plusieurs reprises contre le pouvoir central à Bamako.
Avancer que les tribus nomades qui vivent des activités pastorales ne se sont jamais entendues avec les populations sédentaires d’agriculteurs, que le problème s’est encore plus aggravé quand les premières citées se sont retrouvées minoritaires face aux anciennes victimes de leurs razzias dans les Etats créées par les colonisateurs occidentaux n’est pas conforme, en effet, à l’idéologie dominante.
Au chat et à la souris
Il en faudrait peut-être dix à vingt fois plus pour sécuriser l’ensemble de la surface cumulée des pays du G5 Sahel, ce qui n’est ni politiquement, ni militairement, ni financièrement faisable.
Les militaires français doivent savoir ce que leurs décideurs politiques semblent ignorer. Il n’est rien de plus facile pour les jihadistes que de jouer au chat et à la souris avec les soldats français.
Les jihadistes peuvent rapidement se regrouper en petites bandes mobiles, qui peuvent aller de deux combattants montés sur une moto à quelques dizaines à bord de véhicules tout terrain dotés de mitrailleuses ZU, quand l’opportunité se présente de porter des coups aux soldats français.
Comme ils peuvent s’éparpiller encore plus promptement et se fondre dans la population, quand la pression militaire française est trop forte.
Le passage de simples cellules jihadistes cachées au sein de la population, se contentant de mener des attentats, à des unités combattantes numériquement plus importantes, pouvant opérer à plus grande échelle, et inversement, se fait avec grande fluidité quand les éléments concernés sont idéologiquement motivés.
Une tactique de la guerre insurrectionnelle à laquelle les Américains avaient déjà goûté lors du conflit du Viêtnam.
Le bourbier sahélien
L’opération Barkhane, entamée en août 2014, fait suite à l’opération Serval, menée de janvier 2013 à juillet 2014. Aux 9 soldats français morts de la première intervention sont venus s’ajouter les 45 de celle en cours et le bilan macabre est loin d’être clos.
Il est question, actuellement, d’un affaiblissement des groupes jihadistes opérant au Sahel, mais ce n’est pas grâce à la lutte anti-terroriste. C’est plutôt parce qu’Al Qaïda et Daech s’affrontent avec acharnement pour le contrôle de cette zone. En arrière-fond, non-idéologique, encore une fois le facteur ethnique.
Ethnies et jihadisme
Pour se financer, ces groupes jihadistes recourent aux trafics en tout genre, des narcotiques aux êtres humains, une méthode inaugurée par les FARC en Colombie et qui a connu un succès fulgurant auprès de la plupart des mouvements terroristes à travers le monde.
Or, tout trafic illicite suppose des complicités, plus vénales qu’idéologiques, dans les administrations et forces de sécurité des pays concernés. Ce qui rend la lutte anti-terroriste encore plus mal aisé.
Le Maroc est bien placé pour comprendre le mode de pensée propre à cette sous-région du continent, vu qu’il a été pendant des siècles, et redevient depuis quelques décennies, un acteur majeur du commerce transsaharien.
Le royaume est, aussi, tout autant soumis que les pays de cette zone profondément instable aux menaces des groupes jihadistes qui y opèrent. Le chef de Daech au Grand Sahara n’est autre qu’Adnan Abou Walid Sahraoui, un polisarien.
Soft power marocain
Le soft-power marocain s’exprime également dans cette sous-région à travers la formation des imams. C’est un apport non-négligeable dans la lutte contre l’idéologie takfiriste, et ce en raison des spécificités socio-religieuses des populations musulmanes du Sahel, empreintes de la culture soufie.
L’approche marocaine par le bas, privilégiant l’amélioration du niveau de vie des populations et la consolidation de leurs pratiques religieuses traditionnelles, vaut largement plusieurs régiments, coûte beaucoup moins cher et ne peut entraîner aucune bavure de nature à susciter la colère de ceux-là même dont on est censé gagner l’adhésion dans la lutte contre le terrorisme jihadiste.
L’aura de la Commanderie des croyants ne connaît pas non plus de frontières et s’étend bien au-delà du fleuve Niger.
Par Ahmed NAJI
(*) Le Sahel dans son ensemble, ce sont dix pays s’étendant sur 7 millions de km2
Lien vers le communiqué final du Sommet du G5 Sahel, tenu les 15 et 16 février à N'Djamena :
https://admin.g5sahel.org/wp-content/uploads/2021/02/2021-02-16-Commmunique-de-NDjamena-Version-valid%C3%A9e-par-les-chefs-dEtat.pdf