Football féminin : en route pour éradiquer les préjugés


Rédigé par le Jeudi 3 Aout 2023

Son nom est Nadia Makdi, mais elle est surnommée Tigana dans le monde du football en raison de sa similitude de jeu avec le célèbre joueur international français des années 80. Dotée de talents exceptionnels et d'une maîtrise technique remarquable, Nadia a commencé sa carrière dans le football au sein d'équipes masculines locales. À cette époque, ses coéquipiers l'avaient acceptée en raison de ses compétences, bien qu'elle soit une femme. Malheureusement, d'autres jeunes femmes n'ont pas eu la même opportunité. En raison des normes conservatrices prévalant dans la société, elles ont été privées de la possibilité de poursuivre leur passion pour le football. Cette mentalité arriérée a même conduit certains joueurs de football machistes à les considérer comme des filles "masculines".



Cependant, une évolution perceptible a débuté en 1997 avec la fondation de la première équipe nationale féminine. Sous l'impulsion de la secrétaire d'État en charge de la jeunesse et des sports à l'époque, Nawal El Moutawakel, une forme préliminaire de sélection a été établie. C'est ainsi que les Lionnes de l’Atlas ont participé à deux éditions de la Coupe d'Afrique des Nations en 1998 et 2000, leur permettant de constater le chemin qui restait à parcourir face aux équipes émergentes dans le domaine du football sur notre continent.

En affrontant des équipes telles que le Nigéria, le Cameroun et l'Afrique du Sud, Tigana, Mouracchah Rachida, Hilal Malika et leurs coéquipières ont pris conscience du considérable retard du football féminin par rapport à ces nations. En l'absence d'engagement de la part de la FRMF (Fédération Royale Marocaine de Football) et des clubs, le football féminin semblait destiné à demeurer dans l'obscurité perpétuelle.

Un quart de siècle plus tard, la FRMF a lancé une véritable révolution à la fois culturelle et sociale. Sous la direction énergique de son Président, Fouzi Lekjaa, un championnat professionnel a été instauré. La Fédération a pris en charge les rémunérations et a enclenché une initiative de grande envergure visant à doter ces associations sportives de ressources substantielles. Enfin, une attention particulière a été portée à la formation, avec notamment la mise en place d'un programme de Sport Études, visant à offrir aux futurs talents la meilleure formation possible tout en leur permettant de bénéficier d'un cursus scolaire adapté.

Une fois passée la phase de consolidation des bases, un petit élément déclencheur s'est avéré nécessaire pour que le football féminin puisse conquérir les cœurs des citoyens, quelle que soit leur classe sociale. La Coupe d'Afrique des Nations 2022, organisée par le Royaume, a parfaitement joué ce rôle. En effet, les performances des coéquipières de Ghizlane Chebbak ont suscité un enthousiasme grandissant parmi le public. Progressivement, des familles entières ont rempli les gradins. Chaque dribble exécuté par Fatima Tagnaout, chaque envolée de Rosella Ayane, ou encore chaque intervention défensive de Nisrine Chad ont été accueillis par les applaudissements fervents des supporters.

En l'espace de six rencontres, les joueuses dirigées par l'entraîneur français Reynald Pedros ont réussi à captiver l'affection du public. Un chiffre résume parfaitement cette tendance : lors de la finale, malheureusement perdue face à l'Afrique du Sud, pas moins de 46 000 passionnés avaient pris place dans les gradins du Complexe Moulay Abdellah de Rabat. Ce nombre a établi un record en Afrique en termes d'assistance pour un match de football féminin.

Un an après, ce collectif qui a conquis tous les cœurs se prépare à vivre sa toute première Coupe du Monde dans le domaine du football féminin au Maroc. Tout comme l'équipe masculine en 1970 face à l'Allemagne, ce groupe emblématique s'apprête à écrire son propre chapitre dans l'histoire. Ce clin d'œil du destin ajoutera une saveur particulière à ce match historique. Par la suite, deux autres rencontres, moins chargées de symbolisme mais tout aussi cruciales, suivront contre la Corée du Sud et la Colombie. Pour les Lionnes de l'Atlas, ce sera un modeste pas en avant, mais un grand bond en avant dans le processus d'autonomisation de la femme marocaine par le biais du football.


Salma LABTAR




Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 3 Aout 2023
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