Entretien avec Rafika Azzaoui, architecte et artiste-peintre
Mme Rafika Azzaoui : C’est en marge du Global Business Forum (GBF) Africa, organisé par la chambre de commerce de Dubaï au Centre d'exhibition de l'Exposition Universelle Dubaï 2020, que j’ai pu visiter l’Expo. Ce forum a accueilli plus de 1 000 hauts dirigeants des gouvernements, des affaires et de la finance d’Afrique et du monde arabe, et ce, afin d’examiner de près, comment l'Afrique répond aux défis actuels, en particulier ceux induits par la pandémie due à la covid-19. Mais aussi, afin de mettre en exergue le rôle de l'innovation, de la collaboration et, à plus forte mesure, des solutions permettant l'échange.
En marge de ce Forum, une exposition de peinture et de sculpture des différents artistes africains, a été organisée au prestigieux hôtel Armani, au pied de la célèbre Tour Burj Khalifa, sous le thème《 Africa speaks-54 ». Le vernissage de cette exposition a eu lieu le 12 octobre 2021, en présence du président de la chambre de commerce de Dubaï et de quelques 200 participants au GBF Africa. Aussi, j'ai eu l'occasion d'assister au GBF Africa et de rencontrer des représentants de la Société Marocaine d'ingénierie Touristique (SMIT).
LODJ : Tous les visiteurs ont parlé de la somptuosité du cadre et du pavillon marocain. En tant qu’architecte, quel effet et quel ressenti sur vous ?
Mme R. A. : J’ai eu l’occasion de visiter certains pavillons des pays participants et thématiques, portant sur le soleil, la Terre et la mer. J’ai senti une grande fierté en visitant le pavillon de notre pays, situé au centre de l’exposition Dubai 2020, à proximité de pays amis comme les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite. Sa volumétrie inédite rappelle les containers du plus grand port d’Afrique, à savoir le port Tanger-Med. Ce lieu accueillant et chaleureux, comme connu et reconnu des espaces de vie marocains, se caractérise par une sobriété et une architecture minimaliste. Mais, tout en mettant l’action sur la mise en valeur du système constructif marocain, avec utilisation du pisé et des arcs. Aussi, l’espace central (patio) « organise » la circulation avec une fluidité sans égal, permettant l'accès à toutes les salles d'exposition. Le pavillon comprend aussi une boutique pour la vente de souvenirs du pays avec une touche de modernité, ainsi qu’un restaurant marocain géré par un célèbre traiteur marocain, où j’ai eu l’occasion de déguster notre célèbre the à la menthe.
Mme R. A. : C’était une exposition d’artistes Africains, soit, un tableau par artiste et par pays, vu le grand nombre d’exposants. J’ai retenu quelque nationalités comme : Seychelles, Namibie, Égypte, Soudan, Somalie, Sénégal…
Lodj : Parlez-nous de votre parcours artistique, sachant que vous avez participé à plusieurs expositions de renommée internationale ?
Mme R. A. : Je suis architecte et plasticienne établie à Rabat. J’ai fini par succomber à ma passion pour la peinture en 2009, peu de temps après ma démission du poste de Directrice des études de l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat où j’y suis toujours enseignante. Pour moi, la peinture est une échappatoire et un moyen d’expression émotionnelle. Mon penchant et ma passion pour la peinture m’ont donné la force de surmonter tous les défis. Je ne peux pas imaginer à quoi ressembleraient mes jours sans mon art qui m'aide à oublier temps et espace, immergée ainsi dans ces univers magiques de la couleur.
Lodj : On dit que les œuvres d’un artiste « se recueillent » de sa mémoire et des souvenirs d’enfance. Qu’en dites-vous ?
Mme R. A. : Effectivement. Fille d’un père artisan et d’une mère qui s’affairait à la couture et à la broderie, j’ai grandi dans les ambiances denses et feutrées de l’architecture patrimoniale de la médina de mon Fès natal. Je manipule matière et couleur, en laissant éclore leurs propres âmes pour en extraire toutes leurs beautés. Je récupère des résidus de la nature (feuilles mortes, écosses d’arbres), de la terre (sable, pierre, poudre de marbre), le rebut de la couture et les vieux vêtements pour leur donner une autre vie. C’est ainsi que s’anime un voyage de reliefs et de lumière.
Mme R. A. : Chaque création, a un impact sur l’œuvre suivante, qui sera plus sophistiquée, grâce aux techniques nouvelles et aux compétences acquises.
Je suis passée au dripping, après un voyage à Washington où j’ai découvert l’école américaine d’art moderne, précisément le travail de Jackson Pollock, un coup de foudre qui inspire ses récentes toiles. Il s’agit de faire ressortir la lumière autrement, en faisant gicler la peinture sur la toile, produisant ainsi un éclaboussement de couleurs diverses, de toutes parts et de tous les côtés. Ces techniques sont utilisées dans la conception de certaines de mes toiles dont : « Des femmes en haïk ». On peut apercevoir, de dos ou de face leurs silhouettes en filigrane ou littéralement perceptibles.