A lire ou à écouter en podcast :
Par Abdelghani El Arrasse
1. Un niveau de vie en hausse, mais des inégalités qui se creusent
Malgré une augmentation de la dépense annuelle moyenne des ménages, les inégalités se sont aggravées, comme en témoigne l'indice de Gini passant de 39,5% en 2014 à 40,5% en 2022. La classe moyenne semble être la plus touchée, enregistrant une croissance plus lente de son niveau de vie comparativement aux couches les plus pauvres et les plus riches.
Recommandations :
-Instaurer une fiscalité plus progressive pour limiter les inégalités de revenus.
-Encourager des politiques de redistribution ciblées, notamment par le renforcement des aides sociales et des subventions aux classes moyennes.
2. Des dépenses réorientées vers les besoins essentiels
Les ménages consacrent une part croissante de leur budget à l'alimentation (38,2% en 2022) et au logement/énergie (25,4%), au détriment des loisirs et de la culture, dont la part a chuté de 1,9% à 0,5%. Cela traduit une pression économique croissante et un arbitrage contraint entre consommation et qualité de vie.
Recommandations :
-Réduire la pression sur le pouvoir d'achat par des mesures de soutien ciblées, notamment sur les produits de base et l'énergie.
-Encourager le développement de services culturels et de loisirs à bas coût pour éviter une fracture sociale accrue.
3. Une pauvreté en recul, mais une vulnérabilité en hausse
Si la pauvreté absolue a diminué, la vulnérabilité économique a nettement augmenté, passant de 7,3% en 2019 à 12,9% en 2022. Ce phénomène touche de plus en plus le milieu urbain, où la part des personnes vulnérables est passée de 7,9% à 9,5% en huit ans.
Recommandations :
-Accélérer la mise en place de mécanismes de protection sociale efficaces pour prévenir la bascule vers la pauvreté.
-Promouvoir l'emploi stable et les formations professionnelles adaptées aux besoins du marché.
4. Un revenu moyen marqué par des disparités urbain-rural
Le revenu annuel moyen par ménage reste largement inégalitaire : 103 520 DH en ville contre 56 047 DH en milieu rural. De plus, 72% des ménages ont un revenu inférieur à cette moyenne, un chiffre qui grimpe à 85% en milieu rural.
Recommandations :
-Favoriser l'investissement et l'industrialisation dans les zones rurales pour générer plus d'emplois locaux.
-Réduire la fracture territoriale par un meilleur accès aux infrastructures et services publics.
5. Une baisse de la pauvreté multidimensionnelle, mais des régions encore touchées
Certaines régions comme Béni Mellal-Khénifra (11,6%) et Fès-Meknès (10,4%) restent marquées par la pauvreté multidimensionnelle, concentrant à elles seules 40% des populations en situation de précarité.
Recommandations :
-Mettre en place des stratégies de développement régional adaptées aux spécificités locales.
-Renforcer l'accès à l'éducation et aux soins de santé pour réduire la pauvreté à long terme.
Impact des lois de finances 2024 et 2025
Il est essentiel de prendre en compte les mesures des lois de finances 2024 et 2025 pour avoir une vision complète de l'évolution du niveau de vie des ménages marocains. Ces mesures auront un impact positif sur le coût de la vie et le pouvoir d'achat :
Mesures de la loi de finances 2024
-Réduction de la TVA sur les médicaments et les produits alimentaires de première nécessité.
Mesures de la loi de finances 2025
-Exonération d'impôt sur les revenus mensuels inférieurs à 6 000 DH : Cette mesure devrait bénéficier aux ménages à revenus modestes, augmentant ainsi leur revenu
-Un Accord entre le gouvernement, les syndicats et le patronat a été signé ce lundi 29 avril 2024, dans le cadre du dialogue social. Principale mesure: une hausse, de 10% du salaire minimum dans le secteur privé. Les fonctionnaires du secteur public bénéficient, eux, d’une revalorisation de 1.000 dirhams, là encore en deux tranches, de leur salaire.
Ces augmentations salariales contribueront également à améliorer le pouvoir d'achat des ménages concernés.
-Augmentation de la déduction pour charges familiales (+38 %, soit 500 DH/personne à charge).
-Révision du plafond des bons de repas des salariés de 30 DH à 40 DH/jour.
-Exonération de la TVA et des droits d'importation sur des produits essentiels comme la viande, le riz et l'huile pour stabiliser les prix.
- Soutien accru aux populations vulnérables :
Des aides sociales directes bénéficieront à 4 millions de familles, avec un budget de 37 milliards de dirhams en 2025 (+2 milliards de dirhams par rapport à 2024).
Les résultats de l'enquête du HCP montrent un Maroc en mutation, où les progrès réalisés en matière de niveau de vie s'accompagnent de nouvelles formes de vulnérabilité et d'inégalités. Face à ces défis, des politiques publiques adaptées, axées sur la justice sociale et la réduction des inégalités, ainsi que les mesures prises dans le cadre des lois de finances 2024 et 2025, s'imposent comme des priorités pour garantir un développement économique inclusif et durable.
Rédigé par Abdelghani El Arrasse