Écouter le podcast en entier :
Par Mustapha Sehimi
Depuis quelque temps, le dossier du Sahara est une source de tensions entre Paris et Rabat. Si la distanciation diplomatique entre les deux pays a fait son apparition avec le début de la crise sanitaire, elle devient de plus en plus présente avec les récentes prises de position de la France. Nommé en octobre 2021, l’ambassadeur du royaume à Paris est déjà de retour à Rabat où il a pris la direction du Fonds Mohammed VI pour l’investissement. Et si elle n’est pas officiellement présentée comme un rappel, la décision est symboliquement lourde de sens surtout, dans un contexte de tension persistante avec Paris.
Une position appelée à être réévaluée
« On peut penser de prime à bord que la décision de nommer Mohamed Benchâaboun à la tête du Fonds Mohammed VI est une sanction, mais je ne crois pas que ce soit une mesure prise dans le cadre des rapports de Rabat avec Paris », explique Mustapha Shimi, politologue et professeur universitaire.
Pour lui, si Mohamed Benchâaboun a été nommé DG dudit Fonds, c’est qu’il fait partie des profils indiqués pour ce poste et pas pour laisser un vide à Paris. « C’est plutôt sa nomination à Paris qui me semble plus au moins une erreur de casting du fait que ce soit un profil de financier et non pas de diplomate. Même après une année passée à la chancellerie, il n’a pas pu faire sa place à Paris, ni encore moins monter des réseaux », poursuit notre source.
En ce qui concerne l’ambassadrice française, le politologue explique qu’elle est retournée à son pays directement après la fin de son mandat. Selon ses dires, le mandat des ambassadeurs français à l’étranger est de trois ans, et de quatre ans dans d’autres pays. « C’est normé. Elle est partie après la fin de son mandat. Donc arrêtons de spéculer et de lier des actes qui normalement n’ont rien avoir entreeux », insiste Mustapha Shimi. Mais si le professeur est certain de la nature de la décision prise par le royaume à l’encontre de son ambassadeur à l’Hexagone, il l’est tout autant à l’égard de la déception de Rabat par Paris.
En effet, le Maroc attend de Paris une réévaluation de sa position sur la question du Sahara marocain. Et pas seulement. « Quand la première puissance mondiale (Etats-Unis ndlr.) soutient la marocanité des provinces sahariennes, qu’Israël, que l’Espagne, une puissance occupante historique, la mieux placée pour connaître les tenants et les aboutissants du dossier, et que l’Allemagne ainsi que plusieurs autres pays le font aussi, la France qui n’est plus aussi puissante qu’avant, se doit de clarifier sa position », fait savoir le politologue.
D’après lui, le royaume souhaite que Paris améliore sa position en tenant compte des positions récemment exprimées au sein de l’UE (Madrid, Berlin). « Sans oublier la trentaine de consulats généraux à Dakhla et Laâyoune, qui témoignent d’un soutien majoritaire et massif sur la cause nationale », affirme-t-il. Et cette position, le souverain l’a explicitée lors de son discours du 20 août 2022. « Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit », a insisté le souverain.
«S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque», a-t-il poursuivi.
En effet, le Maroc attend de Paris une réévaluation de sa position sur la question du Sahara marocain. Et pas seulement. « Quand la première puissance mondiale (Etats-Unis ndlr.) soutient la marocanité des provinces sahariennes, qu’Israël, que l’Espagne, une puissance occupante historique, la mieux placée pour connaître les tenants et les aboutissants du dossier, et que l’Allemagne ainsi que plusieurs autres pays le font aussi, la France qui n’est plus aussi puissante qu’avant, se doit de clarifier sa position », fait savoir le politologue.
D’après lui, le royaume souhaite que Paris améliore sa position en tenant compte des positions récemment exprimées au sein de l’UE (Madrid, Berlin). « Sans oublier la trentaine de consulats généraux à Dakhla et Laâyoune, qui témoignent d’un soutien majoritaire et massif sur la cause nationale », affirme-t-il. Et cette position, le souverain l’a explicitée lors de son discours du 20 août 2022. « Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit », a insisté le souverain.
«S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque», a-t-il poursuivi.
Le Maroc, une puissance régionale influente
Le Sahara n’est pas la seule source de discorde entre les deux pays. À l’international, le Maroc s’est redéployé autrement, du fait des relations privilégiées qu’il a depuis presque deux ans tissées avec les EtatsUnis ou encore la normalisation de ses relations avec Israël. « Ceci a été très mal perçu par la France qui considérait que le Maroc relevait de sa zone d’influence traditionnelle au Maghreb, en Afrique de l’Ouest, etc. et que l’autonomisation du Maroc et de sa diplomatie par rapport à une équation traditionnelle n’était pas à son goût», précise Mustapha Sehimi.
Une chose est sûre: avec une dette abyssale qui atteint 113 % de son PIB et un déficit des compte extérieurs de 85 milliards d’euros en 2021, la France risque d’être la première victime de la guerre en Ukraine. Ce qu’il faut bien appeler un recul français dans le monde résulte de quelques données. Les Français représentent moins de 1% de la population mondiale, le territoire de la France moins de 0,5 % des terres émergées, le PIB de la France classe celle-ci au 6e ou au 7e rang mondial selon les années.
Mais avec un poids dans les équilibres mondiaux qui s’amenuise inéluctablement -le PIB chinois est passé de 1,6 % du PIB mondial dans les années 1990 à 16% aujourd’hui, tandis que le PIB français de 5,6 % à 3 % la part de la France dans le commerce mondial a chuté d’environ 6 % en 1995 à 3 % aujourd’hui. « En regardant ce qui se passe au Sahel, au Liban, au Moyen-Orient, en Ukraine, la France a tout essayé, mais en vain. En ce qui est du conflit ukraino-russe par exemple, Emmanuel Macron a téléphoné à plusieurs reprises sans que ses appels ne soient pris en compte », détaille le politologue.
Et sans surprise aucune, le délassement de Paris lui déplaît beaucoup. « Et alors que le royaume se dote d’une diplomatie proactive, souple sur ses positions et avec une visibilité sur différents volets tels que la lutte antiterroriste, le déploiement d’une coopération Sud-Sud en Afrique, l’environnement et les changements climatiques, la politique migratoire, elle recule », dit notre interlocuteur.
«Il y a quelque chose qui a changé lors des dix années écoulées. Quelque chose qui donne au Maroc un nouveau statut. Et le Maroc sur ce plan, a plus d’influence et est devenu une puissance régionale influente. Et tout ça est mal perçu par la France qui considérait le Maroc comme un pays précompté, pratiquement protégé, relevant de sa zone d’influence. En plus du rôle et du nouveau statut du royaume, il y a aussi le leadership du roi. Un leadership personnel, moral et politique», ajoute Mustapha Sehimi.
« Pas de feeling »
Mais au-delà de ces tracasseries administratives, on peut dire que le courant ne passe pas entre les deux chefs d’État. Le Maroc a été habitué à des relations privilégiées mais les choses ont changé. Selon le professeur universitaire, la relation entre le président français et le souverain est supplémentaire, car entre Paris et Rabat, il y a un facteur subjectif de relation de confiance absent, « qui aiderait beaucoup à huiler les choses ainsi qu’à les fluidifier. »
« Il n’y a pas beaucoup de feeling entre le président français et le roi. Il y a probablement un problème générationnel. Il y a aussi le fait que l’univers culturel du président accorde peu de place à l’univers du Sud, du tiers-monde, du monde arabe, du Maghreb et du Maroc. C’est pour cela qu’il n’y a pas de feeling entre les deux chefs d’Etat », rapporte le professeur universitaire.
Ainsi, le rapprochement entre Paris et Alger est une position qui a un prix. Aux yeux d’Emmanuel Macron, ceci met en péril ses relations avec Rabat, mais il a l’air d’assumer. Car pour lui, l’axe Paris-Alger est à la fois prioritaire et important, surtout aujourd’hui. « En termes de géopolitique, il y a un axe Paris – Alger qui se renforce, mais en même temps, il y a un axe Madrid – Rabat qui se solidifie aussi, avec davantage de cartes pour le Maroc. Le royaume a des cartes en Afrique, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis, en Israël », explique le politologue.
Le Maroc a donc tiré la bonne-main, a des atouts et une diplomatie dynamique. Il diversifie de plus en plus ses alliés ainsi que ses investissements, bien que ça déplaise à l’Hexagone. « Enfin, nous allons avoir une véritable normalisation des relations entre Paris et Rabat. C’est-à-dire nous débarrasser des facteurs d’influence qui pesaient sur nos relations bilatérales notamment du fait de la question de la marocanité du Sahara qui nous obligeait à faire beaucoup de concessions, souvent en notre défaveur ».
Partagé par Mustapha Sehimi