Entretien avec Sophia El Khensae Bentamy sur le concept de « safe space » au travail

Cet entretien a suscité un débat entre nos chroniqueurs de la Web Radio R212, le podcast à écouter en fin de l'article


Rédigé par La Rédaction le Samedi 9 Novembre 2024

Dans le cadre de cet entretien avec Sophia El Khensae Bentamy, Coach & Formatrice d'Entreprise, réalisé par Lodj.ma, nous abordons un sujet fondamental : Pourquoi le concept de « safe space » au travail est-il essentiel ?



Madame Bentamy nous partage ses réflexions sur le sujet à travers ces six questions

1-Pourquoi Madame avez-vous été initialement sceptique ou éloignée de l'idée d'un « safe space » au travail ?

Madame Bentamy : Je dois avouer qu’au départ, je ne comprenais pas pourquoi il fallait revendiquer un « safe space » au travail. En toute naïveté, je pensais que le travail se résumait à avoir un emploi, un statut social, et une indépendance financière. Mes priorités avaient été façonnées par un héritage culturel qui valorisait la sécurité matérielle bien avant le bien-être émotionnel. Il m’était inconcevable d’accorder une place à mes besoins psychologiques dans le cadre professionnel.

2. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement de perspective chez vous ?

Madame Bentamy : Le déclic a été un travail sur moi-même. J’ai réalisé que cette vision était « menottante », héritée de croyances limitantes. J’ai pris conscience de mes droits et de mes besoins essentiels, au-delà du simple salaire. J’ai compris qu’un environnement professionnel sain et bienveillant est une condition nécessaire pour un équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Cette prise de conscience m’a permis de m’affranchir du poids des normes sociales qui rendaient honteux ou irresponsable le fait de chercher mieux pour soi.

3. Que signifie concrètement une « safe place » dans le cadre professionnel ?

Madame Bentamy : Une « safe place » au travail, c’est un espace où l’on peut être soi-même sans crainte d’être jugé, discriminé ou harcelé. C’est un environnement où les employés peuvent exprimer librement leurs difficultés, poser des questions sans peur, et voir leur identité respectée. Cela va au-delà du simple concept : c’est une culture de bienveillance, où la diversité et l’inclusion sont des valeurs fondamentales. La santé mentale et le bien-être y sont des priorités, ce qui contribue à des équipes plus motivées, productives et innovantes.

4. Quelles actions concrètes les entreprises doivent-elles mettre en place pour créer un « safe space » ?

Madame Bentamy : Il ne suffit pas de proclamer que l’entreprise est un « safe space ». Cela nécessite des actions tangibles, comme former les managers et responsables RH à reconnaître le harcèlement, gérer les conflits, et valoriser la diversité. Des mécanismes de soutien doivent être instaurés : séances de coaching, groupes de médiation, espaces d’écoute anonymes… Il est aussi crucial de créer des moments d’échange comme des « check-ins » réguliers ou des ateliers de bien-être. Enfin, la bienveillance et le respect mutuel doivent être des valeurs partagées à tous les niveaux.

5. Pourquoi est-il important d’intégrer ce concept dans les entreprises marocaines ?

Madame Bentamy : La création d’une « safe place » n’est pas seulement une aspiration, c’est un droit. À une époque où le bien-être est au cœur des préoccupations sociales, il est surprenant de voir des entreprises encore réticentes à adopter ce concept. Pourtant, c’est un modèle gagnant pour tous : un employé épanoui est plus productif, fiable, et stable. En intégrant ces principes, les entreprises marocaines peuvent non seulement améliorer leur performance mais aussi devenir des modèles d’inclusion et d’innovation. Cela demande un effort collectif pour transformer le monde du travail en un espace humain et durable.

6. Que diriez-vous à ceux qui hésitent encore à revendiquer une « safe place » au travail ?

Madame Bentamy : Je leur dirais qu’il ne faut pas se priver de ce droit. C’est un investissement pour l’avenir, celui d’une entreprise plus performante et humaine. Une « safe place » permet de tomber, de se relever, et d’avancer sans crainte. Cela ne fait pas de vous quelqu’un de faible ou d’égoïste, mais une personne consciente de ses besoins et prête à contribuer pleinement dans un environnement sain. Exigez cette sécurité, pour vous-même et pour participer à un changement positif.

Cet entretien a suscité un débat entre nos chroniqueurs de la Web Radio R212, en voici le podcast à écouter :





Samedi 9 Novembre 2024
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