Envisageons un monde où les violences basées sur le genre ont disparu des lieux de travail, des écoles, des espaces publics et des sphères les plus intimes. Picturons un monde où toutes les femmes et les filles vivraient en toute sécurité, jouiraient de leur liberté, travailleraient sans crainte, accéderaient à tous les espaces publics et culturels sans appréhension, se libéreraient de toutes leurs peurs. Un monde où les garçons et les filles comprendraient qu'il n'est ni nécessaire ni naturel d'associer la masculinité à la violence. Un monde où les comportements des hommes et des garçons ne seraient pas dictés par des stéréotypes sexistes, leur permettant ainsi d'envisager d'autres façons d'exprimer leur masculinité.

Malheureusement, la réalité demeure différente. À l'échelle mondiale, les femmes et les filles continuent de faire face à un continuum de violences. Que ce soit dans le cadre familial, conjugal, professionnel ou en ligne, elles subissent des formes variées de violences interconnectées. Près de 736 millions de femmes dans le monde, soit une femme sur trois, ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire au moins une fois au cours de leur vie, simplement en raison de leur genre.

Malgré les efforts déployés par des mouvements internationaux et nationaux, comme #MeToo, visant à encourager l'expression des femmes, les violences envers les femmes et les filles demeurent la violation des droits humains la plus répandue et la plus persistante. Ces violences sont exacerbées par les conséquences des différentes crises humanitaires, sanitaires, économiques et environnementales que nous traversons.

Nous devons reconnaître qu'une survivante, en se manifestant, accomplit un acte courageux vers la guérison et la justice, et il est de notre devoir de la soutenir. Cette démarche collective doit être appuyée par des services institutionnalisés de qualité dédiés aux survivantes, ainsi qu'un arsenal juridique adapté garantissant les droits humains des femmes et des filles. Cela inclut une loi spécifique et complète protégeant les victimes, un code pénal sanctionnant les auteurs de violence, et un code de la famille basé sur l'égalité entre les conjoints et l'intérêt supérieur de l'enfant. L'appel Royal à la réforme du Code de la famille suscite de grands espoirs quant à la protection des droits des femmes dans la future législation familiale, en prenant en compte les analyses et les enseignements tirés de la mise en œuvre de la Moudawana au cours des vingt dernières années.

Au-delà des initiatives déployées pour faire face aux violences, il est possible et impératif de prévenir ce fléau. Nous sommes conscients des solutions qui ont prouvé leur efficacité : une approche holistique axée sur la législation, les services, la collecte et l'utilisation de données, ainsi que la prévention par le biais de la collaboration avec les communautés et les médias. Cette approche vise à promouvoir des normes sociales positives et à encourager l'engagement des hommes et des garçons en faveur de l'égalité.

Néanmoins, sans des investissements spécifiques dans la prévention, les pays ne parviendront pas à atteindre l'objectif d'élimination de ce fléau d'ici 2030. En dépit de l'ampleur de la problématique, les engagements financiers en faveur des politiques de prévention de la violence fondée sur le genre demeurent limités. C'est pourquoi le message du Secrétaire Général de l'ONU cette année constitue un appel à "Investir pour prévenir la violence faite aux femmes et aux filles".

Finalement, chacun de nous est responsable de s'engager individuellement à contribuer à l'élimination des violences basées sur le genre.

À l'attention des femmes et des filles : nous avons confiance en vous. Aux hommes et aux garçons : rejetez les stéréotypes, manifestez votre opposition aux violences envers les femmes et les filles.

Pour chacun d'entre nous, maintenons notre engagement et faisons de cette lutte un objectif visible, afin de garantir à toutes les femmes et à toutes les filles une vie sans violence.


Salma LABTAR