Égalité des genres au Maroc : entre progrès et traditions, une lutte inachevée


Rédigé par le Jeudi 10 Octobre 2024

Chaque 10 octobre, le Maroc célèbre la Journée nationale de la femme, une date qui, à première vue, semble marquer l’engagement du pays en faveur de l'égalité des genres. Pourtant, un récent rapport du HCP nous rappelle que la réalité est loin d’être aussi optimiste.



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Des perceptions préoccupantes sur l'égalité des genres

Selon ce rapport, près de six Marocains sur dix (58,4%) estiment qu'il n'existe toujours pas d'égalité entre les hommes et les femmes. Cette perception est encore plus forte en milieu rural (65,8%), où les normes patriarcales restent solidement ancrées, contre 52,4% en milieu urbain. Un chiffre qui témoigne des inégalités structurelles entre les différents milieux sociaux du pays.

Plus préoccupant encore, la perception de cette inégalité varie aussi fortement selon l’âge. Les jeunes de 18 à 29 ans sont plus nombreux à considérer que l’égalité de genre est un mythe (63,6%), contre 54,9% chez les 60 ans et plus. L’ironie réside dans le fait que, malgré une éducation plus moderne et un accès plus large à l’information, les jeunes continuent d’identifier ces inégalités, tout en étant les acteurs potentiels du changement.

Un héritage patriarcal difficile à défaire

Là où le rapport frappe fort, c'est sur la question de l'héritage. Plus de huit Marocains sur dix s’opposent à la parité dans l’héritage, y compris 81,4% des femmes, les principales bénéficiaires d'une telle réforme. Ce rejet massif soulève des questions cruciales sur l’intériorisation des normes patriarcales.

Comment expliquer que les principales victimes d’une inégalité structurelle en viennent à la défendre ? Il semble que le poids des traditions et des croyances religieuses, identifiées comme les principales causes de ces inégalités, restent profondément ancrés, freinant tout espoir de réforme.

L’égalité à géométrie variable

Le rapport souligne une perception contrastée de l’égalité selon les domaines. Si seulement 16,5% des Marocains estiment qu’il y a une inégalité dans l’accès à l’éducation, ce chiffre grimpe à 31,5% pour le marché du travail.

Le clou du spectacle reste sans doute le domaine des tâches domestiques, où 87,6% des répondants affirment que l'égalité entre les sexes n'existe tout simplement pas. On se demande alors : à quand une vraie redistribution des tâches dans les foyers marocains ?
 

Une égalité « de façade » dans la sphère publique

Sur le papier, les Marocains se déclarent en majorité favorables à l’égalité dans les secteurs administratifs et politiques : 73,5% soutiennent la parité dans l'accès aux responsabilités administratives et 71,1% dans la représentation parlementaire.

Pourtant, l’absence de femmes dans les rôles de décision majeurs reste flagrante. En dépit de ce soutien apparent, l'égalité dans la sphère publique demeure un mirage, et les chiffres montrent que ce n'est toujours pas une priorité.

Ce rapport reflète les contradictions d’une société en pleine mutation, partagée entre la volonté de progrès et le poids des traditions. Il est encourageant de constater que les inégalités sont reconnues par une grande partie de la population. Cependant, cette prise de conscience ne se traduit pas encore par des actions concrètes pour garantir une véritable égalité.
Si le Maroc veut vraiment faire avancer la cause des femmes, il devra non seulement éduquer et sensibiliser, mais aussi renforcer ses politiques publiques et ses réformes législatives.

La lutte pour l’égalité des genres ne doit pas se limiter à des déclarations d’intention ou à une journée commémorative. Elle doit se traduire par des changements profonds, tant dans les mentalités que dans les pratiques sociales.
 

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Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 10 Octobre 2024
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