Par Dr Anwar CHERKAOUI
Dr Fouad BOUCHAREB
Mon premier poste en tant que médecin chef du centre de santé Sidi Ouassel était très intéressant à plus d’un titre.
Il m’a permis de forger une bonne expérience en médecine de proximité. Je pense que le réseau de soins de santé de base devrait être un passage incontournable pour tout médecin marocain.
J’en étais encore plus convaincu lorsque j’ai gravi des échelles dans la hiérarchie.
Pas de quota pour le nombre de consultations quotidiennes et une pharmacie bien ga
La population dont j’avais la charge était très reconnaissante et disciplinée. Elle me respectait énormément et moi je faisais tout mon possible pour me rendre utile et répondre à toutes leurs attentes pendant mes longues journées de consultation. Il n’y avait pas da quota pour le nombre de consultation. La jeune infirmière Aicha qui travaillait avec moi ayant montré des signes de mécontentement et de démotivation fut rapidement changée et remplacée par Malika. Cette dernière beaucoup plus âgée et expérimentée travaillait sans compter et faisait tout pour préserver son poste par ailleurs privilégié. Car être l’assistante du médecin chef lui donner de l’ascendant sur ses collègues. Il faut dire qu’à cette époque l’effectif du personnel était prolifique. Pas moins d’une soixantaine de personnel paramédical travaillait dans ce centre. On était cinq Médecins affectés dans cette formation. Dr Noureddine Benchrifa un collègue de promotion devenu pédiatre quelques années plus tard. Il est safiot. Trois autres médecins polonais dont deux chirurgiens dentistes travaillaient aussi avec nous.
On avait un matériel suffisant pour assurer une bonne consultation et la pharmacie du centre était bien garnie et régulièrement approvisionnée.
Un Médecin Meknassais à Safi
Mon cercle d’amis commençait à s’étoffer car je fis rapidement connaissance du confrère privé du coin et du pharmacien d’en face ; un ami du lycée Moulay Ismail de Meknès ou nous avons fait nos études tous les deux. On était régulièrement invité à manger de succulents tagines chez ce drôle de confrère généraliste.
Les jours et les mois se succédèrent paisiblement et avec ma petite Fiat 127 je sillonnais la province et découvris son fabuleux arrière pays et aussi la merveilleuse baie de Oualidia et aussi les plages de Lalla Fatna et de Souiria.
Bref je commençais à prendre gout à cette ville moi qui avait rechigné au début à venir y travailler.
Mr le Dr Rahhali Rahhal, ministre de la santé a l'époque, m’avait reçu dans son bureau pour mon affectation et m’a convaincu de choisir Safi après m’avoir proposé en plus Essaouira et Taroudant. Moi je voulais rester à Meknès tout prés des miens. Il m’a alors donné vingt quatre heures pour rejoindre mon nouveau poste.
Il y avait beaucoup de meknassis à Safi. Une petite communauté qui travaillait dans les chemins de fer et aussi dans les industries chimiques. Je fis connaissance de quelques uns d’entre eux et aussi du valeureux gouverneur de Sa Sa Majesté à la province de SAFI Mr Mohcine Terrab. Qui, après, a fait une grande carrière et rends de valeureux services a son pays.
Parmi ses meknassis il y avait un cheminot du nom de Hassan dont je fis un colocataire pendant quelques mois. Je m’amusais à l’appeler « mama » Hassan car il cuisinait, lavait mon linge et faisait le ménage en plus d’être très rigolo. Il arrivait souvent que son chef le libère à onze heures et lui disait : Va préparer à manger au docteur !
Mr Lotfi, un autre cheminot meknassis était beaucoup plus sage et avait la réputation de collectionner les vieilles radios, les montres anciennes et de fabriquer des aquariums. Sa maison était une vraie caverne d’Ali Baba. Chez lui, le couscous était incontournable le vendredi.
L'homme à la plaie ouverte
Un jour enfin de journée alors que je m’apprêtais à quitter mon travail, un homme corpulent au regard méchant poussa violement la porte de mon bureau et se mis juste en face de moi. Il était bien ivre. Son torse était nu. Il exhiba son bras gauche ou je remarque tout de suite une belle plaie ouverte sur une dizaine de centimètres secondaire probablement à un vilain coup de couteau. Il avait l’air pitoyable malgré son agressivité avérée. Je restais serein et calme et contenait ma peur. Il faut dire que dans mon quartier de Meknes Sidi Ameur ce genre de scènes était monnaie courante.
Malika n’était plus là. Elle avait soudainement et curieusement disparue. Je demande gentiment mais fermement au gaillard de se mettre sur le divan d’examen, ce qu’il fit illico presto. J’examina son corps à la recherche d’autres plaies. Il se prêtta au jeu sans défense se qui me rassura. Dommage que ce beau corps berçait dans la délinquance. Il aurait fait le bonheur de n’importe quel sportif. Quand je vois les petites tailles des sportifs de nos jours.
Je n’ai relevé aucune trace de contusion. Je lui expliquais que je devais suturer sa plaie et que ça allait lui faire mal d’autant plus que j’allais le faire sans anesthésie. Il acquiesça en hochant la tête et me donna le feu vert.
Une fois les sutures faites et pansement réalisés dans les règles de l’art de mes stages passées lors de mes études médicales je le libère après lui avoir injecté du sérum antitétanique et donné un antibiotique. Je lui ai donné un rendez-vous dans dix jours pour l’ablation des fils.
Par la suite je suis sorti de mon bureau. Je ne comprenais pas pourquoi le personnel était regroupé dans la cours du centre de santé. Les discussions allaient bon train. Je repartais rejoindre « mama » Hassan pour le goûter avant d’aller dîner cher mon confère.
Je n’ai prêté aucune attention à ce fait divers jusqu’au jour ou attablé dans la terrasse d’un café avec un ami vétérinaire je fus soudain surpris par la main d’un homme qui pris la mienne et l’embrassa. Je me retourna rapidement et reconnus l’homme à la plaie. Il balbutia des mots de reconnaissance, enfin je le pense, et s’éloigna aussi vite qu’il est venu. Mon ami me demanda si je connaissais cet homme. Je lui racontais alors toute l’histoire.
Le vétérinaire m’expliqua qu’il s’agissait d’un dangereux criminel dénommé « Baidek ». Plusieurs fois repris de justice, il avait commis plusieurs crimes. C’était une terreur et une force de la nature. Il lui arrivait de soulever avec ses bras et renverser des véhicules en poussant des cris à la Hercule sous les yeux épatés et effarés des badauds. Bref ! Une véritable racaille d’après lui qu’il fallait à tout prix éviter eu égard à son humeur changeante et à son agressivité légendaire.
Le champion de boxe
Mes infirmiers sont venus par la suite s’excuser de m’avoir laissé tout seul face à ce type. Ils avaient peur de lui car souvent ils ont été menacés voir agressés. Je ne leur ai pas tenu rancune et j’ai même compris leur attitude.
Il m’arrivait souvent de le rencontrer à la médina ou au marché du Plateau. Il était souvent ivre mort mais me reconnaissait à chaque fois. IL m’embrassait l’épaule droite. Ce geste est signe de respect chez nous autres les marocains. Je le laissais faire. je ne voulais surtout pas le vexer. Il repartait tranquillement après que je lui ai donné 10 Dirhams ; le pris d’une bière.
Trois années s’écoulèrent et nos retrouvailles se multiplièrent. Il faut dire que c’est lui qui cherchait à me rencontrer, non pas pour de l’argent, mais pour me remercier.
Durant mes trente cinq ans de service aucune personne ne m’a aussi remercié que ne l’a fait Mr « Baidak » oui Mr Baidak. Il a su forcé mon respect voir mon admiration. Dommage que je ne l’ai pas connu auparavant j’aurais peut être pu le tirer des affres de la délinquance comme je l’ai fais avec au moins deux personnes de mon quartier de Sidi Ameur à Meknes. Il aurait pu devenir un champion de boxe ou de lutte gréco-romaine. Qui sait ?
Un jour au café mon ami vétérinaire m’apprenait le décès de « Baidak ».
Triste, je rentrais tranquillement chez moi des larmes aux yeux. Je venais de perdre l’un de mes meilleurs patients. Depuis mes épaules n’avaient plus quelqu’un pour les embrasser.
Dr Fouad BOUCHAREB
Médecin de Santé Publique pendant 34 ans
Il m’a permis de forger une bonne expérience en médecine de proximité. Je pense que le réseau de soins de santé de base devrait être un passage incontournable pour tout médecin marocain.
J’en étais encore plus convaincu lorsque j’ai gravi des échelles dans la hiérarchie.
Pas de quota pour le nombre de consultations quotidiennes et une pharmacie bien ga
La population dont j’avais la charge était très reconnaissante et disciplinée. Elle me respectait énormément et moi je faisais tout mon possible pour me rendre utile et répondre à toutes leurs attentes pendant mes longues journées de consultation. Il n’y avait pas da quota pour le nombre de consultation. La jeune infirmière Aicha qui travaillait avec moi ayant montré des signes de mécontentement et de démotivation fut rapidement changée et remplacée par Malika. Cette dernière beaucoup plus âgée et expérimentée travaillait sans compter et faisait tout pour préserver son poste par ailleurs privilégié. Car être l’assistante du médecin chef lui donner de l’ascendant sur ses collègues. Il faut dire qu’à cette époque l’effectif du personnel était prolifique. Pas moins d’une soixantaine de personnel paramédical travaillait dans ce centre. On était cinq Médecins affectés dans cette formation. Dr Noureddine Benchrifa un collègue de promotion devenu pédiatre quelques années plus tard. Il est safiot. Trois autres médecins polonais dont deux chirurgiens dentistes travaillaient aussi avec nous.
On avait un matériel suffisant pour assurer une bonne consultation et la pharmacie du centre était bien garnie et régulièrement approvisionnée.
Un Médecin Meknassais à Safi
Mon cercle d’amis commençait à s’étoffer car je fis rapidement connaissance du confrère privé du coin et du pharmacien d’en face ; un ami du lycée Moulay Ismail de Meknès ou nous avons fait nos études tous les deux. On était régulièrement invité à manger de succulents tagines chez ce drôle de confrère généraliste.
Les jours et les mois se succédèrent paisiblement et avec ma petite Fiat 127 je sillonnais la province et découvris son fabuleux arrière pays et aussi la merveilleuse baie de Oualidia et aussi les plages de Lalla Fatna et de Souiria.
Bref je commençais à prendre gout à cette ville moi qui avait rechigné au début à venir y travailler.
Mr le Dr Rahhali Rahhal, ministre de la santé a l'époque, m’avait reçu dans son bureau pour mon affectation et m’a convaincu de choisir Safi après m’avoir proposé en plus Essaouira et Taroudant. Moi je voulais rester à Meknès tout prés des miens. Il m’a alors donné vingt quatre heures pour rejoindre mon nouveau poste.
Il y avait beaucoup de meknassis à Safi. Une petite communauté qui travaillait dans les chemins de fer et aussi dans les industries chimiques. Je fis connaissance de quelques uns d’entre eux et aussi du valeureux gouverneur de Sa Sa Majesté à la province de SAFI Mr Mohcine Terrab. Qui, après, a fait une grande carrière et rends de valeureux services a son pays.
Parmi ses meknassis il y avait un cheminot du nom de Hassan dont je fis un colocataire pendant quelques mois. Je m’amusais à l’appeler « mama » Hassan car il cuisinait, lavait mon linge et faisait le ménage en plus d’être très rigolo. Il arrivait souvent que son chef le libère à onze heures et lui disait : Va préparer à manger au docteur !
Mr Lotfi, un autre cheminot meknassis était beaucoup plus sage et avait la réputation de collectionner les vieilles radios, les montres anciennes et de fabriquer des aquariums. Sa maison était une vraie caverne d’Ali Baba. Chez lui, le couscous était incontournable le vendredi.
L'homme à la plaie ouverte
Un jour enfin de journée alors que je m’apprêtais à quitter mon travail, un homme corpulent au regard méchant poussa violement la porte de mon bureau et se mis juste en face de moi. Il était bien ivre. Son torse était nu. Il exhiba son bras gauche ou je remarque tout de suite une belle plaie ouverte sur une dizaine de centimètres secondaire probablement à un vilain coup de couteau. Il avait l’air pitoyable malgré son agressivité avérée. Je restais serein et calme et contenait ma peur. Il faut dire que dans mon quartier de Meknes Sidi Ameur ce genre de scènes était monnaie courante.
Malika n’était plus là. Elle avait soudainement et curieusement disparue. Je demande gentiment mais fermement au gaillard de se mettre sur le divan d’examen, ce qu’il fit illico presto. J’examina son corps à la recherche d’autres plaies. Il se prêtta au jeu sans défense se qui me rassura. Dommage que ce beau corps berçait dans la délinquance. Il aurait fait le bonheur de n’importe quel sportif. Quand je vois les petites tailles des sportifs de nos jours.
Je n’ai relevé aucune trace de contusion. Je lui expliquais que je devais suturer sa plaie et que ça allait lui faire mal d’autant plus que j’allais le faire sans anesthésie. Il acquiesça en hochant la tête et me donna le feu vert.
Une fois les sutures faites et pansement réalisés dans les règles de l’art de mes stages passées lors de mes études médicales je le libère après lui avoir injecté du sérum antitétanique et donné un antibiotique. Je lui ai donné un rendez-vous dans dix jours pour l’ablation des fils.
Par la suite je suis sorti de mon bureau. Je ne comprenais pas pourquoi le personnel était regroupé dans la cours du centre de santé. Les discussions allaient bon train. Je repartais rejoindre « mama » Hassan pour le goûter avant d’aller dîner cher mon confère.
Je n’ai prêté aucune attention à ce fait divers jusqu’au jour ou attablé dans la terrasse d’un café avec un ami vétérinaire je fus soudain surpris par la main d’un homme qui pris la mienne et l’embrassa. Je me retourna rapidement et reconnus l’homme à la plaie. Il balbutia des mots de reconnaissance, enfin je le pense, et s’éloigna aussi vite qu’il est venu. Mon ami me demanda si je connaissais cet homme. Je lui racontais alors toute l’histoire.
Le vétérinaire m’expliqua qu’il s’agissait d’un dangereux criminel dénommé « Baidek ». Plusieurs fois repris de justice, il avait commis plusieurs crimes. C’était une terreur et une force de la nature. Il lui arrivait de soulever avec ses bras et renverser des véhicules en poussant des cris à la Hercule sous les yeux épatés et effarés des badauds. Bref ! Une véritable racaille d’après lui qu’il fallait à tout prix éviter eu égard à son humeur changeante et à son agressivité légendaire.
Le champion de boxe
Mes infirmiers sont venus par la suite s’excuser de m’avoir laissé tout seul face à ce type. Ils avaient peur de lui car souvent ils ont été menacés voir agressés. Je ne leur ai pas tenu rancune et j’ai même compris leur attitude.
Il m’arrivait souvent de le rencontrer à la médina ou au marché du Plateau. Il était souvent ivre mort mais me reconnaissait à chaque fois. IL m’embrassait l’épaule droite. Ce geste est signe de respect chez nous autres les marocains. Je le laissais faire. je ne voulais surtout pas le vexer. Il repartait tranquillement après que je lui ai donné 10 Dirhams ; le pris d’une bière.
Trois années s’écoulèrent et nos retrouvailles se multiplièrent. Il faut dire que c’est lui qui cherchait à me rencontrer, non pas pour de l’argent, mais pour me remercier.
Durant mes trente cinq ans de service aucune personne ne m’a aussi remercié que ne l’a fait Mr « Baidak » oui Mr Baidak. Il a su forcé mon respect voir mon admiration. Dommage que je ne l’ai pas connu auparavant j’aurais peut être pu le tirer des affres de la délinquance comme je l’ai fais avec au moins deux personnes de mon quartier de Sidi Ameur à Meknes. Il aurait pu devenir un champion de boxe ou de lutte gréco-romaine. Qui sait ?
Un jour au café mon ami vétérinaire m’apprenait le décès de « Baidak ».
Triste, je rentrais tranquillement chez moi des larmes aux yeux. Je venais de perdre l’un de mes meilleurs patients. Depuis mes épaules n’avaient plus quelqu’un pour les embrasser.
Dr Fouad BOUCHAREB
Médecin de Santé Publique pendant 34 ans