Dilemme politiquement linguistique : Un ministre, trois langues, trois visages


Rédigé par le Lundi 8 Juillet 2024

Il est fascinant de constater combien la langue peut influencer la perception et le discours politique. Au Maroc, un pays riche de sa diversité linguistique, ce phénomène prend une dimension encore plus intrigante. Lorsqu'un ministre marocain s'exprime en anglais, en français ou en arabe, il semble adopter non seulement une langue différente, mais aussi une posture, une attitude et une vision distinctes. C'est plus qu'une perception, c'est une constatation.



L’Objectivité Anglaise : Le masque de l’impartialité / Le Français : Entre Diplomatie et Ambiguïté / L'Arabe : L’Optimisme Sans Bornes

Lorsqu'un ministre marocain s'adresse à un auditoire anglophone, quelque chose de remarquable se produit. La maîtrise de la langue de Shakespeare semble conférer une aura d'objectivité et de professionnalisme rarement observée dans d'autres contextes. Les discours en anglais sont souvent marqués par une précision et une neutralité qui tranchent avec les autres interventions. C'est comme si la langue anglaise, avec son héritage de pragmatisme anglo-saxon, imposait une rigueur et une impartialité aux propos du ministre. Les faits sont présentés de manière brute, sans fioritures, et les analyses se veulent factuelles et transparentes.

Quand le même ministre s'adresse à un auditoire francophone, principalement composé de professionnels du monde des affaires, le ton change subtilement. Le français, langue de Molière et de Voltaire, véhicule une certaine sophistication, mais aussi une ambivalence. Les discours deviennent plus nuancés, jouant souvent sur les doubles sens et les sous-entendus. Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Cette question semble résumer la tonalité des interventions en français. Le ministre semble jongler entre optimisme prudent et réalisme mesuré, laissant souvent son auditoire dans une certaine incertitude. Les mots sont choisis avec soin, les phrases construisent une réalité où le bien et le mal cohabitent sans jamais vraiment se trancher.

Et puis, il y a l'arabe, la langue maternelle, celle qui touche directement le cœur des Marocains. Lorsqu'un ministre s'adresse à ses compatriotes en arabe, il enfile le costume de l'optimisme inébranlable. Tout va bien Madame la Marquise, semble-t-il dire. Les problèmes sont minimisés, les défis enjolivés, et l'avenir peint en rose. Il s'agit de rassurer, de galvaniser, de nourrir un sentiment d'unité et de confiance en des jours meilleurs. Critiques et remises en question disparaissent sous le tapis d'un discours harmonieux et réconfortant. Cette approche, bien que politiquement astucieuse, peut toutefois sembler déconnectée de la réalité pour un auditoire plus critique.

​Un Triple Jeu Linguistique

Ce triple jeu linguistique révèle bien plus qu'une simple adaptation aux auditoires. Il expose une stratégie de communication politique finement ajustée, où chaque langue devient un outil pour véhiculer un message spécifique. L'anglais pour l'objectivité, le français pour la diplomatie, et l'arabe pour l'optimisme. Mais cette pratique soulève également des questions sur la sincérité et la cohérence du discours politique. Peut-on vraiment faire confiance à un ministre dont le message varie autant selon la langue utilisée ? Cette dissonance linguistique pourrait-elle éroder la crédibilité politique à long terme ?

En fin de compte, ce dilemme politiquement linguistique met en lumière les défis et les subtilités de la communication dans un pays multilingue comme le Maroc. Il souligne l'importance de la langue non seulement comme moyen de communication, mais aussi comme vecteur de perception et de réalité politique. Une chose est certaine : derrière chaque discours se cache une intention, et chaque langue révèle une facette différente de cette intention.




Lundi 8 Juillet 2024
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