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2021 sera une année électorale par excellence. Trois scrutins seront organisés, fort probablement le même jour : les législatives, les communales et les régionales.
Prévues en septembre, selon les premiers éléments qui filtrent, ces échéances se tiendront dans leur délai constitutionnel. Une prouesse en ces temps de Covid.
Mais la question qui s’impose aujourd’hui est le taux de participation. Car quel que soit le résultat de ces élections, le taux de participation citoyenne sera le principal indicateur de l’efficience ou non de ces élections. Et surtout de la légitimité des instances (communales, régionales, parlementaires et gouvernementales) qui sortiront des urnes.
Et ce taux de participation, selon plusieurs experts consultés par Médias24, sera très bas.
Un éminent politologue, qui veut garder l’anonymat, prévoit même un des taux les plus bas de l’histoire politique du royaume. « On va certainement descendre sous le seuil des 37% enregistré pendant les législatives de 2007, qui est à ce jour le taux le plus bas de l’histoire électorale du pays depuis l’indépendance », confie-t-il, sûr de lui.
Le constitutionnaliste Najib Ba Mhammed, qui a été membre de la commission de révision de la Constitution de 2011, ne dit pas autre chose, mais sans avancer de chiffres. « La situation est très préoccupante », se contente-t-il de nous dire.
Ces prévisions alarmistes, qui sont également appuyées par des voix au sein même des partis politiques, laissent entendre que ce rendez-vous démocratique sera raté. Car « on se retrouvera encore une fois avec des institutions qui ne représentent pas les aspirations des citoyens, ou leur véritable choix. Et qui confirment la désaffection d’une bonne partie de la population pour la chose politique. Ce qui est très inquiétant et porteur de danger », comme nous le dit notre politologue,
La Covid, l’arbre qui cache la forêt
Les raisons de cette désaffection attendue, et que personne ne nie pour l'instant, sont multiples. Il y a la Covid, bien sûr, mais pas seulement.
« On peut prétexter que la pandémie rendra l’organisation des élections compliquées, que les gens ne vont pas se déplacer en masse vu qu’on n'a pas d’autres moyens de voter à distance, comme dans d’autres pays, mais ce serait l’arbre qui cacherait la forêt, et on se tromperait alors d’analyse », nous dit notre politologue.
Pour lui, Covid ou pas Covid, le taux de participation lors de ces élections sera très bas. Et cela tient pour lui en des raisons structurelles.
Najib Ba Mhammed pense également la même chose. Pour lui, la Covid, au-delà de l’aspect logistique ou organisationnel (et qui sera peut-être même dépassée avec la vaccination qui sera bientôt entamée) est venue renforcer cette désaffection politique des urnes et du processus électoral.
« Le processus de démocratie décisionnelle qui relève de la démocratie participative s’est affaibli. Les gens savent que le décideur majeur se trouve hors du champ électoral. Il n’y a pas de monopole bien sûr de la décision, mais la crise du Covid a démontré cette tendance lourde de présence d’un acteur majeur qui prend les grandes décisions, qui est là pour répondre aux attentes des citoyens, et d’autres acteurs que l’on peut qualifier de secondaires », explique-t-il.
La gestion de la crise du Covid a montré en effet, et prouvé pour ceux qui en doutait encore, la faiblesse des partis politiques, leur absence du champ de bataille, et montré là où se prennent les décisions et se dessinent les grandes orientations du pays.
« Les Marocains, même les moins au fait de l’actualité politique, le savent tous. Pour eux, c’est le palais qui a géré la crise sanitaire, économique et sociale. Ils l’ont vu encore une fois avec les évènements de Guergarate et les succès diplomatiques enchaînés par le Maroc sur la cause du Sahara. A quoi bon donner sa voix à quelqu’un qui n’est pas là quand vous en avez le plus besoin, qui ne pèse pas dans la balance et qui ne fait que profiter d’une situation quasi-rentière de pouvoir sans contenu », lance notre politologue, qui pense que cela conforte la majorité des Marocains dans ce sentiment ‘d’inutilité des élections’…
« La faiblesse des politiques sera la principale cause de la baisse de la participation qu’on anticipe pour cette année. Dire que c’est la Covid qui empêchera les gens de voter serait mentir, se tromper d’analyse, rester dans le déni et ne pas chercher de solutions pour faire revivre le champ politique, recréer de l’intermédiation sociale, et donner un sens à la Constitution et au processus démocratique », précise-t-il.
Pour Najib Ba Mhammed, cette tendance était prévisible, bien avant la crise du Covid. « C’était une tendance prévisible. Mais que les acteurs politiques ont négligé, marginalisé. Ils ont cédé à d’autres priorités, comme si la démocratie n’était qu’une phase finale d’un processus électoral. Or, c’est un processus permanent. Et il y a eu une rupture dans cette permanence. Cela se manifeste par exemple par la non-réalisation des promesses électorales. Ce qui renforce encore plus ce désintérêt pour les urnes. L’électeur se sent négligé, déçu… ».
« Le politique est évalué sur sa capacité à répondre aux besoins de la population. Aujourd’hui, on voit que l’idéologie de l’Etat providence revient, mais cet Etat providence dans l’esprit des gens est incarné par un pouvoir autre que celui du Parlement ou du gouvernement », ajoute Najib Ba Mhammed.
Pour résumer, on vit, comme l’expriment nos deux sources, une sorte de perte de sens du processus électoral. Une perte de sens que l’on aurait pu éviter si les partis avaient trouvé les clés pour maintenir une certaine mobilisation de la population autour de leurs idées ou programmes. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Surtout en ces temps de pandémie qui aurait pu être, selon Najib Ba Mhammed, un facteur de mobilisation électorale par excellence.
« Je risque de vous surprendre en disant cela, mais la démocratie a besoin de peur. La lutte contre la pandémie a impliqué un facteur psychologique qui a maintenu les individus mobilisés par la crainte du mal. On est dans une psychologie de masse favorable à la mobilisation politique. Mais pour que cela se transforme en participation politique, il faudrait que les partis trouvent les clés pour accéder à la masse, répondre à ses peurs, à ses angoisses », analyse Najib Ba Mhammed.
Prévues en septembre, selon les premiers éléments qui filtrent, ces échéances se tiendront dans leur délai constitutionnel. Une prouesse en ces temps de Covid.
Mais la question qui s’impose aujourd’hui est le taux de participation. Car quel que soit le résultat de ces élections, le taux de participation citoyenne sera le principal indicateur de l’efficience ou non de ces élections. Et surtout de la légitimité des instances (communales, régionales, parlementaires et gouvernementales) qui sortiront des urnes.
Et ce taux de participation, selon plusieurs experts consultés par Médias24, sera très bas.
Un éminent politologue, qui veut garder l’anonymat, prévoit même un des taux les plus bas de l’histoire politique du royaume. « On va certainement descendre sous le seuil des 37% enregistré pendant les législatives de 2007, qui est à ce jour le taux le plus bas de l’histoire électorale du pays depuis l’indépendance », confie-t-il, sûr de lui.
Le constitutionnaliste Najib Ba Mhammed, qui a été membre de la commission de révision de la Constitution de 2011, ne dit pas autre chose, mais sans avancer de chiffres. « La situation est très préoccupante », se contente-t-il de nous dire.
Ces prévisions alarmistes, qui sont également appuyées par des voix au sein même des partis politiques, laissent entendre que ce rendez-vous démocratique sera raté. Car « on se retrouvera encore une fois avec des institutions qui ne représentent pas les aspirations des citoyens, ou leur véritable choix. Et qui confirment la désaffection d’une bonne partie de la population pour la chose politique. Ce qui est très inquiétant et porteur de danger », comme nous le dit notre politologue,
La Covid, l’arbre qui cache la forêt
Les raisons de cette désaffection attendue, et que personne ne nie pour l'instant, sont multiples. Il y a la Covid, bien sûr, mais pas seulement.
« On peut prétexter que la pandémie rendra l’organisation des élections compliquées, que les gens ne vont pas se déplacer en masse vu qu’on n'a pas d’autres moyens de voter à distance, comme dans d’autres pays, mais ce serait l’arbre qui cacherait la forêt, et on se tromperait alors d’analyse », nous dit notre politologue.
Pour lui, Covid ou pas Covid, le taux de participation lors de ces élections sera très bas. Et cela tient pour lui en des raisons structurelles.
Najib Ba Mhammed pense également la même chose. Pour lui, la Covid, au-delà de l’aspect logistique ou organisationnel (et qui sera peut-être même dépassée avec la vaccination qui sera bientôt entamée) est venue renforcer cette désaffection politique des urnes et du processus électoral.
« Le processus de démocratie décisionnelle qui relève de la démocratie participative s’est affaibli. Les gens savent que le décideur majeur se trouve hors du champ électoral. Il n’y a pas de monopole bien sûr de la décision, mais la crise du Covid a démontré cette tendance lourde de présence d’un acteur majeur qui prend les grandes décisions, qui est là pour répondre aux attentes des citoyens, et d’autres acteurs que l’on peut qualifier de secondaires », explique-t-il.
La gestion de la crise du Covid a montré en effet, et prouvé pour ceux qui en doutait encore, la faiblesse des partis politiques, leur absence du champ de bataille, et montré là où se prennent les décisions et se dessinent les grandes orientations du pays.
« Les Marocains, même les moins au fait de l’actualité politique, le savent tous. Pour eux, c’est le palais qui a géré la crise sanitaire, économique et sociale. Ils l’ont vu encore une fois avec les évènements de Guergarate et les succès diplomatiques enchaînés par le Maroc sur la cause du Sahara. A quoi bon donner sa voix à quelqu’un qui n’est pas là quand vous en avez le plus besoin, qui ne pèse pas dans la balance et qui ne fait que profiter d’une situation quasi-rentière de pouvoir sans contenu », lance notre politologue, qui pense que cela conforte la majorité des Marocains dans ce sentiment ‘d’inutilité des élections’…
« La faiblesse des politiques sera la principale cause de la baisse de la participation qu’on anticipe pour cette année. Dire que c’est la Covid qui empêchera les gens de voter serait mentir, se tromper d’analyse, rester dans le déni et ne pas chercher de solutions pour faire revivre le champ politique, recréer de l’intermédiation sociale, et donner un sens à la Constitution et au processus démocratique », précise-t-il.
Pour Najib Ba Mhammed, cette tendance était prévisible, bien avant la crise du Covid. « C’était une tendance prévisible. Mais que les acteurs politiques ont négligé, marginalisé. Ils ont cédé à d’autres priorités, comme si la démocratie n’était qu’une phase finale d’un processus électoral. Or, c’est un processus permanent. Et il y a eu une rupture dans cette permanence. Cela se manifeste par exemple par la non-réalisation des promesses électorales. Ce qui renforce encore plus ce désintérêt pour les urnes. L’électeur se sent négligé, déçu… ».
« Le politique est évalué sur sa capacité à répondre aux besoins de la population. Aujourd’hui, on voit que l’idéologie de l’Etat providence revient, mais cet Etat providence dans l’esprit des gens est incarné par un pouvoir autre que celui du Parlement ou du gouvernement », ajoute Najib Ba Mhammed.
Pour résumer, on vit, comme l’expriment nos deux sources, une sorte de perte de sens du processus électoral. Une perte de sens que l’on aurait pu éviter si les partis avaient trouvé les clés pour maintenir une certaine mobilisation de la population autour de leurs idées ou programmes. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Surtout en ces temps de pandémie qui aurait pu être, selon Najib Ba Mhammed, un facteur de mobilisation électorale par excellence.
« Je risque de vous surprendre en disant cela, mais la démocratie a besoin de peur. La lutte contre la pandémie a impliqué un facteur psychologique qui a maintenu les individus mobilisés par la crainte du mal. On est dans une psychologie de masse favorable à la mobilisation politique. Mais pour que cela se transforme en participation politique, il faudrait que les partis trouvent les clés pour accéder à la masse, répondre à ses peurs, à ses angoisses », analyse Najib Ba Mhammed.
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Sauf que « cette réponse à la peur » ne vient pas pour l’instant du politique, qu’il soit acteur local, parlementaire ou gouvernemental.
Les réponses sanitaires, économiques et sociales à la crise sont venues essentiellement du palais. Et sont exécutées, comme l’ont observé les citoyens, par des ministres technocrates, ou des représentants locaux de l’Etat central.
Le pays dispose même aujourd’hui d’une sorte de feuille de route sociale pour les cinq prochaines années, portée encore une fois par le palais, comme le vaste chantier de l’élargissement de la couverture sociale ou la réforme du secteur public. Sans parler du nouveau modèle de développement dont les contours seront connus dans quelques jours et qui donneront une ligne économique et sociale à suivre sur les 15 ou 20 prochaines années.
« Sans rentrer dans une logique de concurrence entre pouvoirs, mais ce travail de prospective, d’analyse des tendances futures, de mise sur la place publique de réponses, de projets, de solutions à débattre… c’est aussi un des devoirs des élites et partis politiques. Mais ces derniers ont laissé le terrain vide. Et le citoyen le remarque bien… », explique notre politologue qui insiste encore une fois sur l’absence du politique comme principale cause de la désaffection des Marocains des urnes, qui battra selon lui un record en 2021.
Najib Ba Mahhmed appuie également sur ce point en rappelant qu’à quelques mois des échéances électorales, « il n’y a pas eu de congrès de partis pour créer un débat. Un congrès dans la vie d’un parti, c’est une occasion de reddition des comptes, de production d'idées, de projets… C’est un exercice de démocratie interne essentiel. Et c’est le reflet de la démocratie externe », explique-t-il.
Combattre les islamistes ne sera pas un moteur de mobilisation
Même la rivalité islamistes-modernistes qui a joué un rôle dans la mobilisation de l’électorat en 2011 et en 2016, avec des taux de participation respectifs de 46 et de 43% ne fera plus recette aujourd’hui, selon nos experts
« Les islamistes sont dépassés. Et je pense que l’on ne peut plus construire une élection aujourd’hui sur la lutte contre les islamistes. Ça va dénaturer l’enjeu des élections. Les partis continuent toutefois de jouer sur ça en alimentant cette démocratie par la menace. On a vu les résultats que cela a donnés en 2016, avec la montée en puissance des islamistes et la chute du PAM. Cette logique conforte en plus les islamistes dans leur discours de victimation et peut conduire à l’effet inverse souhaité qui est l’alternance », explique Najib Ba Mhammed.
Une alternance à laquelle il ne croit pas vraiment, malgré l’usure du PJD après les dix années passées au pouvoir. « Il faudrait un mode de scrutin nouveau pour construire une nouvelle alternance. Tant qu'on n'a pas changé le mode de scrutin, on restera dans le statu quo. Cela ne veut pas dire qu’on remet en cause le processus démocratique en termes de valeurs. Mais un mode de scrutin ne fait pas à lui seul toute la démocratie. La crédibilité démocratique, je pense qu’on l’a acquise. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est de la solvabilité, de l’efficience », précise Ba Mhammed.
« Depuis 2002, il y a eu une surdose de représentation proportionnelle. On a cédé à la justice électorale au détriment d’une démocratie électorale efficiente qui rend compte de la réalité de l’affrontement politique. Ce qui nous a conduit à une balkanisation du champ politique, à une absence de lisibilité pour le citoyen et conduit ainsi à ce désintérêt pour le processus électoral. Il faut remettre de l’ordre dans le champ politique… », ajoute Najib Ba Mhammed.
Cela passe par une refonte des partis politiques, selon lui, mais également par le changement du rapport qu’a le pouvoir avec les partis.
« Pour atteindre cette lisibilité, il faut une vraie polarisation, et cela passe par des partis forts. Mais le pouvoir ne laisse pas émerger des partis forts, par méfiance. Même si dans le discours public, il affirme que le pays a besoin de partis politiques forts. Il faut sortir à mon avis de cette méfiance. Reconstruire une confiance entre les différents acteurs. Les choses méritent en tout cas une clarification », tient-t-il à préciser.
Notre politologue ne dit pas autre chose, même s’il croit que « déloger les islamistes des grandes villes et du gouvernement sera un des enjeux de ces élections ».
Ce sera en tout cas, comme il nous l’explique, le discours porté par les autres partis qui aspirent à prendre la relève. Mais dans les faits, tout cela n’a aucune consistance. « Ce que les islamistes ont démontré ces dix dernières années, c’est qu’ils sont comme les autres. Les Marocains l’ont bien vu. Et le savent. Ils se sont alliés avec tout le monde, et sont même prêts aujourd’hui à s’allier avec le PAM. C’est la nature du pouvoir. Il use. Et les islamistes ont joué le jeu sur ce registre-là surtout ces cinq dernières années. Donc, comme discours électoraliste, battre le PJD peut tenir et mobiliser un certain électorat. Mais si on veut être précis dans l’analyse politique, déloger les islamistes n’est pas véritablement un enjeu essentiel ou vital pour la démocratie marocaine ».
Au mieux, ces élections vont provoquer, comme l’exprime Najib Ba Mhammed, un « dégraissement ». « Pour éviter l’anémie, mais aussi l’obésité », résume-t-il. Mais tout cela, nous dit-il, reste loin des préoccupations des 22 millions de Marocains en âge de voter qui, eux, ont d’autres préoccupations que les partis ne semblent pas porter. Et c’est là où réside le fond du problème.
publié par M.M sur https:// medias24.com
Les réponses sanitaires, économiques et sociales à la crise sont venues essentiellement du palais. Et sont exécutées, comme l’ont observé les citoyens, par des ministres technocrates, ou des représentants locaux de l’Etat central.
Le pays dispose même aujourd’hui d’une sorte de feuille de route sociale pour les cinq prochaines années, portée encore une fois par le palais, comme le vaste chantier de l’élargissement de la couverture sociale ou la réforme du secteur public. Sans parler du nouveau modèle de développement dont les contours seront connus dans quelques jours et qui donneront une ligne économique et sociale à suivre sur les 15 ou 20 prochaines années.
« Sans rentrer dans une logique de concurrence entre pouvoirs, mais ce travail de prospective, d’analyse des tendances futures, de mise sur la place publique de réponses, de projets, de solutions à débattre… c’est aussi un des devoirs des élites et partis politiques. Mais ces derniers ont laissé le terrain vide. Et le citoyen le remarque bien… », explique notre politologue qui insiste encore une fois sur l’absence du politique comme principale cause de la désaffection des Marocains des urnes, qui battra selon lui un record en 2021.
Najib Ba Mahhmed appuie également sur ce point en rappelant qu’à quelques mois des échéances électorales, « il n’y a pas eu de congrès de partis pour créer un débat. Un congrès dans la vie d’un parti, c’est une occasion de reddition des comptes, de production d'idées, de projets… C’est un exercice de démocratie interne essentiel. Et c’est le reflet de la démocratie externe », explique-t-il.
Combattre les islamistes ne sera pas un moteur de mobilisation
Même la rivalité islamistes-modernistes qui a joué un rôle dans la mobilisation de l’électorat en 2011 et en 2016, avec des taux de participation respectifs de 46 et de 43% ne fera plus recette aujourd’hui, selon nos experts
« Les islamistes sont dépassés. Et je pense que l’on ne peut plus construire une élection aujourd’hui sur la lutte contre les islamistes. Ça va dénaturer l’enjeu des élections. Les partis continuent toutefois de jouer sur ça en alimentant cette démocratie par la menace. On a vu les résultats que cela a donnés en 2016, avec la montée en puissance des islamistes et la chute du PAM. Cette logique conforte en plus les islamistes dans leur discours de victimation et peut conduire à l’effet inverse souhaité qui est l’alternance », explique Najib Ba Mhammed.
Une alternance à laquelle il ne croit pas vraiment, malgré l’usure du PJD après les dix années passées au pouvoir. « Il faudrait un mode de scrutin nouveau pour construire une nouvelle alternance. Tant qu'on n'a pas changé le mode de scrutin, on restera dans le statu quo. Cela ne veut pas dire qu’on remet en cause le processus démocratique en termes de valeurs. Mais un mode de scrutin ne fait pas à lui seul toute la démocratie. La crédibilité démocratique, je pense qu’on l’a acquise. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est de la solvabilité, de l’efficience », précise Ba Mhammed.
« Depuis 2002, il y a eu une surdose de représentation proportionnelle. On a cédé à la justice électorale au détriment d’une démocratie électorale efficiente qui rend compte de la réalité de l’affrontement politique. Ce qui nous a conduit à une balkanisation du champ politique, à une absence de lisibilité pour le citoyen et conduit ainsi à ce désintérêt pour le processus électoral. Il faut remettre de l’ordre dans le champ politique… », ajoute Najib Ba Mhammed.
Cela passe par une refonte des partis politiques, selon lui, mais également par le changement du rapport qu’a le pouvoir avec les partis.
« Pour atteindre cette lisibilité, il faut une vraie polarisation, et cela passe par des partis forts. Mais le pouvoir ne laisse pas émerger des partis forts, par méfiance. Même si dans le discours public, il affirme que le pays a besoin de partis politiques forts. Il faut sortir à mon avis de cette méfiance. Reconstruire une confiance entre les différents acteurs. Les choses méritent en tout cas une clarification », tient-t-il à préciser.
Notre politologue ne dit pas autre chose, même s’il croit que « déloger les islamistes des grandes villes et du gouvernement sera un des enjeux de ces élections ».
Ce sera en tout cas, comme il nous l’explique, le discours porté par les autres partis qui aspirent à prendre la relève. Mais dans les faits, tout cela n’a aucune consistance. « Ce que les islamistes ont démontré ces dix dernières années, c’est qu’ils sont comme les autres. Les Marocains l’ont bien vu. Et le savent. Ils se sont alliés avec tout le monde, et sont même prêts aujourd’hui à s’allier avec le PAM. C’est la nature du pouvoir. Il use. Et les islamistes ont joué le jeu sur ce registre-là surtout ces cinq dernières années. Donc, comme discours électoraliste, battre le PJD peut tenir et mobiliser un certain électorat. Mais si on veut être précis dans l’analyse politique, déloger les islamistes n’est pas véritablement un enjeu essentiel ou vital pour la démocratie marocaine ».
Au mieux, ces élections vont provoquer, comme l’exprime Najib Ba Mhammed, un « dégraissement ». « Pour éviter l’anémie, mais aussi l’obésité », résume-t-il. Mais tout cela, nous dit-il, reste loin des préoccupations des 22 millions de Marocains en âge de voter qui, eux, ont d’autres préoccupations que les partis ne semblent pas porter. Et c’est là où réside le fond du problème.
publié par M.M sur https:// medias24.com