Décryptage des NEETs au Maroc

Enjeux et Perspectives pour l'Inclusion Socio-Économique des Jeunes


Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue à notre entretien spécial sur les jeunes NEETs (ni en emploi, ni en éducation, ni en formation) au Maroc. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Adnane Benchakroun en sa qualité de vice-président de l'AEI pour le faire réagir sur le rapport "Profils et déterminants des jeunes NEETs au Maroc : Un éclairage à partir de l’enquête nationale sur l’emploi 2022".



L'ODJ Média : Bonjour Monsieur Benchakroun, et merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, pouvez-vous nous parler de la méthodologie utilisée dans cette étude pour identifier et analyser les jeunes NEET au Maroc réalisée par les professeurs Khamissa ELKACHACH et Zineb EL OUAZANI TOUHAMI et publiée par le HCP ?

A. Benchakroun : Bien sûr, j'ai prie connaissance de cette étude publiée par le HCP et je pense ques les auteurs de cette étude ont utilisé une approche de sondage aléatoire stratifié pour recueillir des données représentatives à l'échelle nationale. Ils ont employé une régression logistique pour analyser les relations entre le statut NEET et diverses variables explicatives telles que le niveau d'éducation, l'âge, le genre, la situation matrimoniale, et la localisation géographique. Cette méthodologie permet d'estimer les probabilités d'être NEET en fonction de ces facteurs et de quantifier leur influence.

L'ODJ Média : Quelles variables spécifiques ont été les plus déterminantes dans la régression logistique pour prédire le statut NEET parmi les jeunes ?

A. Benchakroun : Les variables les plus déterminantes sont le niveau d'éducation, le genre, l'âge, la situation matrimoniale, et la région de résidence. Parmi celles-ci, le niveau d'éducation et le genre se révèlent particulièrement influents. Les jeunes ayant un faible niveau d'éducation et les jeunes femmes présentent des risques nettement plus élevés d'être NEET.

L'ODJ Média : Selon les résultats de cette étude, quels niveaux d'éducation présentent les plus grands risques de NEETitude et pourquoi ?

A. Benchakroun : Les jeunes ayant un niveau d'éducation inférieur, notamment ceux dont le niveau d'éducation n'excède pas le primaire, courent un risque beaucoup plus élevé d'être NEET. En effet, le risque est 15 fois plus élevé pour ceux dont le niveau d'éducation est faible par rapport à ceux ayant un niveau d'études supérieur. Cela s'explique par le manque de qualifications nécessaires pour accéder à des emplois stables et bien rémunérés.

L'ODJ Média : Pourriez-vous expliquer les raisons sous-jacentes aux disparités régionales observées dans les taux de NEET, notamment entre les régions urbaines et rurales ?

A. Benchakroun : Les disparités régionales dans les taux de NEET sont principalement dues aux différences économiques et au niveau de développement infrastructurel entre les régions. Les régions urbaines, bien que présentant des taux de NEET élevés, offrent plus d'opportunités d'emploi et d'éducation que les régions rurales. Par exemple, les taux de NEET sont particulièrement élevés dans des régions comme Béni Mellal-Khénifra et l'Oriental, où les opportunités économiques sont plus limitées.

L'ODJ Média : Quels sont les principaux obstacles que rencontrent les jeunes femmes NEET, et quelles mesures spécifiques recommandez-vous pour améliorer leur situation ?

A. Benchakroun : Les jeunes femmes NEET sont souvent confrontées à des obstacles liés aux responsabilités familiales et domestiques, aux normes socioculturelles, et à un accès limité à l'éducation et à la formation. Pour améliorer leur situation, il est essentiel de promouvoir l'accès à l'éducation, de fournir des services de garde d'enfants, et de mettre en place des programmes de formation professionnelle adaptés. Il est également crucial de sensibiliser les familles et les communautés aux avantages de l'éducation et de l'emploi pour les femmes.

L'ODJ Média : Comment les responsabilités familiales influencent-elles la probabilité d'être NEET, particulièrement pour les jeunes femmes ?

A. Benchakroun : Les responsabilités familiales, notamment les soins aux enfants et les tâches ménagères, jouent un rôle majeur dans la probabilité d'être NEET, surtout pour les jeunes femmes. Environ 94,5% des femmes NEET sont des femmes au foyer. Ces responsabilités limitent leur disponibilité et leur capacité à rechercher un emploi ou à poursuivre des études. Des politiques de soutien telles que des horaires de travail flexibles, des services de garde d'enfants, et des congés parentaux pourraient aider à atténuer cet impact.

L'ODJ Média : Comment la pandémie de COVID-19 a-t-elle influencé les taux de NEET au Maroc, et quelles mesures ont été prises pour atténuer ces impacts ?

A. Benchakroun : La pandémie de COVID-19 a exacerbé le phénomène NEET en entraînant des pertes d'emploi disproportionnées parmi les jeunes et en perturbant leur parcours éducatif. Des mesures telles que des programmes de soutien financier, des initiatives de formation en ligne, et des politiques de protection de l'emploi ont été mises en place pour atténuer ces impacts. Toutefois, des efforts continus sont nécessaires pour soutenir la reprise économique et l'inclusion des jeunes dans le marché du travail.

L'ODJ Média : Quelles politiques publiques actuelles ont montré une efficacité dans la réduction du taux de NEET au Maroc, et quelles nouvelles initiatives proposez-vous ?

A. Benchakroun : Des politiques publiques telles que le Programme de Stages d’Insertion Professionnelle et les initiatives de formation professionnelle ont montré une certaine efficacité dans la réduction du taux de NEET. Cependant, pour maximiser leur impact, il est crucial d'améliorer la qualité et l'accès à l'éducation, de renforcer les programmes de formation professionnelle, et de promouvoir l'égalité des chances. De nouvelles initiatives devraient également cibler les régions et les groupes les plus vulnérables, notamment les jeunes femmes et les habitants des zones rurales.

L'ODJ Média : Quel rôle joue la formation professionnelle dans la réduction du statut NEET, et quelles sont les recommandations pour améliorer l'accès et l'efficacité de ces programmes ?

A. Benchakroun : La formation professionnelle joue un rôle clé dans la réduction du statut NEET en offrant aux jeunes les compétences nécessaires pour accéder à des emplois qualifiés. Pour améliorer l'accès et l'efficacité de ces programmes, il est recommandé d'adapter les formations aux besoins du marché du travail, de promouvoir des partenariats avec les entreprises locales, et de fournir un soutien financier aux jeunes issus de milieux défavorisés. La création de centres de formation dans les régions rurales pourrait également aider à réduire les disparités géographiques.

L'ODJ Média : Quels sont les principaux défis à surmonter pour réduire le taux de NEET au Maroc dans les années à venir, et quelles sont les stratégies à long terme suggérées par votre étude ?

A. Benchakroun : Les principaux défis à surmonter pour réduire le taux de NEET au Maroc incluent l'amélioration de l'accès à une éducation de qualité, la création d'opportunités d'emploi dans les régions défavorisées, et la promotion de l'égalité des genres. Les stratégies à long terme devraient inclure des réformes éducatives, des investissements dans le développement économique régional, et des programmes de soutien ciblés pour les jeunes femmes et les populations rurales. La collaboration entre les secteurs public et privé sera essentielle pour mettre en œuvre ces stratégies de manière efficace et durable.

L'ODJ Média : Merci beaucoup, M. Benchakroun, pour cet entretien très instructif. Nous espérons que ces informations contribueront à une meilleure compréhension et à des actions concrètes pour aider les jeunes NEETs au Maroc.


Jeudi 16 Mai 2024

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