Par Aziz Boucetta
Le 10 décembre dernier, les Etats-Unis reconnaissaient la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara, et le Maroc renouait ses relations avec l’Etat d’Israël… et le 22 décembre, la signature officielle de ces accords avait lieu sous le regard du roi Mohammed VI. Un exercice de haute voltige diplomatique, à la démarche assurée et aux perspectives sereines. Entretemps, les acteurs ont changé.
Le Maroc, très impliqué dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien, sait entretenir des relations avec l’ensemble des parties concernées et, depuis plusieurs mois, déploie une diplomatie tantôt bruyante et offensive, tantôt faite de contacts plus discrets et ô combien efficaces. Tour d’horizon.
1/ Avec les Etats-Unis. A Washington, l’équipe dirigeante a changé, les démocrates sont arrivés et, globalement, on peut raisonnablement penser qu’ils maintiennent l’accord conclu le 22 décembre par l’administration républicaine. Ils ne le disent pas formellement, mais leurs actes le suggèrent… Les mots employés lors des entretiens téléphoniques entre Antony Blinken et Nasser Bourita placent le royaume comme « partenaire stratégique », et en diplomatie, les mots ont un sens. Par ailleurs, l’exercice « Africa Lion » est programmé en juin, à Mahbès entre autres, concomitamment au Sommet de l’OTAN (mais c’est sûrement une coïncidence, sachant que les exercices précédents se tenaient plutôt entre mars et avril…).
Enfin, à observer les derniers sommets, G7 et OTAN, il est permis de penser que l’approche géopolitique de l’Amérique de Biden ne s’éloigne pas fondamentalement de celle de son prédécesseur, malgré les sourires et les mots aimables qui cachent mal une forme de condescendance à l’égard de l’Europe, ainsi que le montrent les images quasi douloureuses de la très brève « rencontre » entre Joe Biden et Pedro Sanchez.
2/ Avec Israël. L’équipe qui était aux commandes en décembre ne l’est plus, un nouveau gouvernement est installé. Fidèle à sa tradition diplomatique, empreinte de courtoisie, le roi Mohammed VI a échangé avec le nouveau Premier ministre israélien Naftali Bennett. Les deux dirigeants sont d’accord pour parler des problèmes de la région, et faire avancer le processus de paix. Bennett, un faucon, a besoin d’une telle reconnaissance, et le roi Mohammed VI la lui a offerte.
3/ Avec les Palestiniens. Les relations de Rabat avec Mahmoud Abbas sont régulières et de bonne facture, le roi du Maroc étant le président du Comité al-Qods. Reste le Hamas… Les contacts sont plus hachurés, mais les choses évoluent. Aujourd’hui, Ismaël Haniyeh est dans nos murs. Chef du Hamas, icône des gens du PJD qui, à sa venue sur nos terres, ont agi comme des groupies béates, l’homme sort d’une confrontation asymétrique avec Israël.
Sa présence au Maroc montre l’équilibre réussi par la diplomatie marocaine entre les factions rivales en Palestine… et qu’Ismaël Haniyeh affirme que sa venue est placée sous l’égide du palais et que des dossiers sont sur la table royale est très significatif du rôle du souverain marocain dans la résolution du conflit israélo-palestinien.
La diplomatie marocaine, agressive envers l’Europe, est bien plus soft dans la question palestinienne. Elle a réussi un double équilibre : entre Israéliens et Palestiniens d’une part, puis entre Palestiniens eux-mêmes d’autre part. Ce positionnement lui confère sans nul doute une position particulière dans le rapprochement des vues des uns et des autres, ainsi que dans l’implication de la nouvelle administration américaine, comme Antony Blinken le précise et comme les médias israéliens le confirment.
Le Jerusalem Post précise qu’au sein de la population israélienne, le Maroc n’est pas considéré comme un simple « autre Etat » dans le conflit et dans la région, mais un Etat qui occupe une position très particulière. Et les Palestiniens pensent la même chose…
De la diplomatie royale de haute voltige, discrète, sereine et efficace… consolidant de jour en jour l’accord du 22 décembre.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com