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Par Taoufiq Boudchiche, Economiste : Vice Président Association Diplomatie Sud-Nord (Paris)
Une notion pour décrire l’intégration, dans les problématiques migratoires, des transferts immatériels liées par exemple aux questions globales (écologie, environnement, solidarités internationales…). Une approche en effet innovante de la migration et un nouveau levier de la coopération migratoire entre pays d’accueil et pays d’origine.
Parmi les autres données présentées, il y a la tendance à la hausse de la migration à l’échelle mondiale dont le nombre est passé de 173 millions migrants en 2000 à 300 millions en 2020 parallèlement à celle des transferts financiers. Un phénomène considéré, du point de vue économique, comme étant contre-cycliques vu le contexte de multi-crises des dernières années qui impactent la croissance économique, l’emploi et le pouvoir d’achat.
Or, pendant la crise de la COVID-19, malgré ses effets très impactant (réduction de la mobilité, baisse de la croissance économique, réduction des emplois et des revenus…), il été observé contre toute attente une résilience remarquable des transferts financiers. Parmi les explications avancées, il y a eu selon le Pr Jamal Bouoiyour de l’Université de Pau, la conjugaison de plusieurs facteurs dont la poursuite de la solidarité familiale chez les migrants (qui se déploie encore plus en temps de crise par l’envoi de fonds à l’occasion de maladies, enterrements, évènements familiaux…).
A côté de cela, il y a eu aussi l’effet positif de la mise en œuvre dans les pays d’accueil de politiques de maintien des activités et des revenus pendant la crise sanitaire pour éviter un effondrement économique à l’instar de la crise de 2008 (par exemple, en France la politique du quoiqu’il en coûte).
D’autres facteurs ont été cités tels que le recours aux circuits formels pour l’envoi des fonds en lieu et place des circuits informels empêchés par la réduction de la mobilité pendant la crise sanitaire. Celle-ci a en effet accéléré le recours à la technologie mobile et aux agences de transferts financiers plus coûteuses mais plus rapides et plus pratiques. A cet égard, le Professeur Bachir Hamdouch de l’INSEA, a précisé, que dans le cas marocain, les circuits bancaires classiques ne représentent plus que 20 % dans la part des envois de fonds contre 90 % auparavant.
Dans le cas marocain, il est aussi observé les mêmes tendances qu’à l’échelle mondiale, à savoir une tendance haussière des transferts financiers des MRE atteignant 118 milliards de DH en 2022 d’une part, et d’autre part, l’évolution du profil migratoire. Par exemple, parmi les 6, 5 millions de marocains résidant à l’étranger (Marocains du Monde inscrits dans les consulats), la part des étudiants et des migrants diplômés augmente notablement, accentuant la problématique de la fuite des cerveaux. Il est constaté en outre, une féminisation croissante de la migration, qui n’est plus corrélée à la migration de famille des années 70-80. Depuis les années 2000, elle concerne des femmes marocaines autonomes s’exilant pour divers motifs : études, emploi, promotion économique et sociale…
Concernant l’affectation des transferts financiers, l’immobilier n’est plus classé en premier. Il est devancé par le secteur du commerce et des services et celui de l’agriculture. De même, il a été souligné un changement de classement dans les sources de devises. Les transferts des MRE ont été dépassés depuis quelques années par les recettes d’exportation dans les secteurs innovants tels que l’automobile et l’électronique.
Les échanges ont abordé en outre certaines questions stratégiques en évoquant par exemple le cas de l’Inde qui forte de 154 Milliards de dollars de transferts financiers annuels a développé une stratégie de négociations internationales notamment pour faire abaisser les coûts de transferts et les taux d’intérêt des prêts internationaux. Un autre volet stratégique a porté sur les incertitudes qui pèsent sur la question migratoire et par ricochet sur les transferts financiers en raison des politiques anxiogènes et restrictives des pays d’accueil, l’échange de données fiscales, la xénophobie montante…
Des incertitudes qui devraient inciter les pays d’origine à repenser la question migratoire sur la base d’analyses plus fines et de politiques publiques plus globales : stratégie d’accueil des compétences, souveraineté scientifique et technologique, développement de circuits de transferts financiers innovants à bas coûts, stratégie de lutte contre l’idéologisation de la migration et contre la xénophobie montante, etc..
Et, vu les tendances haussières de la migration dans le monde, ne convient-il pas de relancer sur de nouvelles bases le Pacte de Marrakech pour des migrations sûres, régulières et organisées dans l’intérêt mutuel et bien compris des pays d’origine et des pays d’accueil ?
Selon Monsieur Jean-Christophe Dumont, Chef de la Division des migrations internationales à l’OCDE, le pacte de Marrakech semble connaître un processus positif d’adhésion, mais vu la sensibilité du sujet dans certains pays, il reste encore du chemin à parcourir pour obtenir un franc consensus à sa mise en œuvre.