Dans un rapport de la Banque mondiale, publié en août 2019, le paradoxe d’un Maroc qui a, depuis le milieu des années 2000, l’un des taux d’investissement les plus élevés au monde, 34 % du PIB, mais de faibles taux de croissance et de création d’emplois suscitait de profondes interrogations.
Le « que faire ? » à ce sujet était d’ailleurs l’un des motifs de création de la commission pour un nouveau modèle de développement, dont on attend toujours le fruit de l’effort de réflexion.
De l’efficacité des investissements
De 2000 à 2017, le taux de croissance du PIB était de 2,9 %, selon la Banque mondiale. Il en faut au moins 4 % sur une période de plusieurs décennies pour prétendre à l’émergence. Par ailleurs, les volumes des nouveaux arrivants sur le marché du travail étaient, de 2012 à 2017, de 270 mille personnes, alors que l’économie nationale parvenait à peine à créer quelque 26.400 emplois.
Contexte défavorable
Première évidence, ce n’est pas avec les politiques mises en œuvre jusqu’à présent que le Maroc pourra absorber ce trop-plein de chômeurs, puisqu’elles s’étaient déjà avérées inefficaces quand le stock de sans-emploi était beaucoup moindre.
Deuxième élément à prendre en considération, la modestie de la demande, autant nationale qu’étrangère, n’est pas de nature à stimuler la relance tant escomptée des activités productives et de l’investissement. Le marché de l’emploi n’est donc pas prêt de connaître une dynamique apte à absorber l’énorme stock de chômeurs constitué.
La 4e révolution industrielle
À tous ces facteurs classiques, il faudrait désormais rajouter celui de la digitalisation. La crise sanitaire a mis en évidence l’état d’avancement de la 4e révolution industrielle, friande de compétences pointues, sans appétit pour la main d’œuvre peu qualifiée.
La réponse est, bien entendue, dans la formation et l’initiation du plus grand nombre de citoyens à la culture, aux comportements et exigences de l’ère numérique. Or, rien jusqu’à présent ne pourrait laisser croire que le Maroc s’est engagé dans cette voie.
Il n’y a qu’à voir la manière dont l’enseignement à distance a été organisé pour se rendre compte que nous sommes encore loin du compte. Au lieu de raisonner en termes d’amélioration des capacités et compétences des ressources humaines, pour renforcer l’employabilité, on persiste à s’imaginer que l’édification d’infrastructures et l’acquisition d’équipements suffiraient à tout résoudre.
C’est indéniablement vrai sur le long terme, mais ça l’est beaucoup moins sur le court terme, ce piège de l’instantanéité dans lequel sont coincés les chômeurs. C’est dès à présent qu’ils ont besoin de travailler pour pouvoir fonder un foyer. Sur le long terme, nous sommes tous morts, disait Keynes.
Par Ahmed NAJI