Écouter le podcast de cet article :
Par Kamal Lakhdar
L’Europe s’est toujours prise, et continue de se prendre pour la Mère des Civilisations.
Le problème, c’est que le Vieux Continent se fonde sur le passé pour extrapoler sur le présent et sur l’avenir :
Nous ne dirons jamais assez « merci » à l’Europe pour tous ses apports qui ont façonné –avec tous les couacs prévisibles et imprévisibles- le monde dans lequel nous vivons : la Philosophie et la Démocratie, l’imprimerie et le chemin de fer, Léonard de Vinci et Van Gogh, Victor Hugo et Cervantès, Pasteur et Marie Curie, et tant et tant de penseurs et de scientifiques, d’explorateurs et d’artistes, de capitaines d’industrie et d’hommes politiques, et j’en passe, et des meilleurs…
…Le tout ponctué du fracas des armes, qui font intimement partie de cette civilisation, dénommée tantôt « indo – européenne » tantôt « judéo – chrétienne ». Je me suis souvent demandé ce que l’Inde et la Judée avaient à voir dans l’affaire, mais passons…
Donc, les Européens ont de tous temps été convaincus qu’on ne civilise pas seulement par le « soft power », comme on dit maintenant ( éducation, santé, techniques, infrastructures… ), mais qu’il faut parfois, voire souvent, avoir recours à la manière forte pour rendre les populations indigènes plus dociles et plus réceptives, surtout quand il s’agit de sauvages, de barbares ou de mécréants…
Et les Européens – Anglo-Saxons et Ibériques, Flamands et Français, Italiens et Germains, sans oublier les petites mains grecques ou slaves – déferlèrent sur les Amériques, l’Asie, l’Afrique et jusqu’à la lointaine Australie. Ces colonisations s’étalèrent sur plusieurs siècles, et permirent l’exploitation effrénée des ressources des territoires conquis sous couvert d’une domination politique « légitime » ( ! ).
Certes, ce n’est pas l’Europe qui a inventé le colonialisme, et en extrapolant un peu, on peut estimer qu’une horde d’hominidés préhistorique qui investissait le territoire d’une horde rivale pour la spolier de sa cueillette et de son gibier aurait pu être qualifiée de colonialiste, si le langage en usage l’avait permis…
Mais la véritable colonisation stricto sensu fut intra-continentale : les Romains en Europe, les Incas et les Aztèques en Amérique du Sud, les Chinois et les Japonais en Asie, sans oublier les conquêtes islamiques au Moyen Orient ou l’expansion tentaculaire de l’Empire Ottoman et les jeux de yoyo des Royaumes et Empires Africains que les historiens (occidentaux) se sont empressés de mettre sous le boisseau, quand ils ne les ont pas tout simplement gommés dans le cadre de leur entreprise sournoise de déculturation féroce…
S’agissant en particulier des conquêtes musulmanes, on ne saurait les considérer comme des entreprises de colonisation au sens propre du terme, sachant que l’objectif d’exploitation et de pillage n’était pas, au départ, à l’ordre du jour et que seule primait la diffusion de la nouvelle foi ; d’ailleurs, cette islamisation plus ou moins forcée a essentiellement profité aux territoires « conquis » (Iraq, Cham, Egypte, Anatolie, Perse, Maghreb, Al Andalus…), alors que le Hedjaz, « pays émetteur » de cette foi, a stagné durant de longs siècles, dans son tribalisme primaire… Je m’égare, mais je me défoule.
Pour en venir au sujet central de cette chronique, à savoir la colonisation de l’Afrique, il importe de signaler que notre continent a suscité de tout temps les appétits des puissances étrangères qui y ont installé des comptoirs et de véritables cités depuis l’Antiquité, mais c’est au XIXe siècle qu’il a été positivement mis en coupe réglée par plusieurs Etats européens, avec à leur tête la France et le Royaume- Uni et incluant l’Espagne, le Portugal, la Belgique, l’Allemagne et l’Italie.
Ces prédateurs se réunirent en 1884 à Berlin pour réguler le dépeçage de leur impuissante proie et tracer au cordeau les « frontières » des nouveaux prés carrés , en faisant fi des réalités ethniques en place, certaines groupes se trouvaient dès lors éparpillés entre plusieurs pays, l’exemple typique, et non l’unique, étant celui des Touaregs dont les deux millions et demi de membres actuels vivent jusqu’à ce jour dans cinq pays différents (Niger, Mali, Algérie, Burkina Faso, Libye)…
Mais dès 1830, la France avait ouvert le bal en envahissant ce qui était alors connu comme « la Régence d’Alger » relevant de l’Empire Ottoman, et lui donna le nom d’»Algérie », de même qu’elle donnera plus tard le nom de « Tunisie » à l’ex Régence Ottomane de Tunis qu’elle colonisa est 1881.
A cet égard, il est intéressant de noter que lorsque les Européens parlent de « la colonisation de l’Afrique », ils ne pensent qu’à l’Afrique subsaharienne, qu’ils démarrent à partir des années 1870 , ce qui dénote, à mon avis, une sorte de colonialisme au carré, à savoir un colonialisme mitigé de racisme, comme si l’Afrique « blanche » n’était pas soumise au même colonialisme que l’Afrique « noire », ce qui n’a jamais été prouvé… sauf pour les colons qui trouvaient, à Meknès, Oran ou Monastir, des conditions de vie plus conformes à leurs modèles métropolitains que dans la plupart des villes du Sénégal, du Kenya ou des deux Congo…
Les règles du jeu étant posées, les Européens se sont doublement goinfrés en Afrique :
• Ils ont fourgué aux populations africaines, dont les pays ne disposaient pas d’industries fabriquant en séries les produits d’usage quotidien, tous leurs surplus, leurs invendus et leur camelote défectueuse, ce qui impliquait l’interdiction, ou du moins le freinage de toute industrialisation inconsidérée des possessions concernées.
• Ils ont puisé, sans limites et sans vergogne, dans les ressources naturelles de l’Afrique, minérales et végétales, pour alimenter leur industrie et leur artisanat, et augmenter leur développement et leur prospérité, le tout sans pratiquement nulle retombée pour les travailleurs africains sur place, maintenus dans une situation de quasi esclavagisme. Malheureusement, je n’exagère pas.
Mais vous connaissez la rengaine des « bienfaits de la colonisation ». Sans nous, disent les héritiers putatifs des civilisateurs, vous n’auriez eu ni électricité, ni eau courante ni écoles, ni hôpitaux, ni routes ni … ni…
-OK, mais qui a payé toutes ces belles choses ?
-les caisses de l’occupant.
- OK, mais à quelle hauteur ces caisses ont –elles-été alimentées par les ressources africaines ?
-certes, l’argent était peut –être africain d’origine, mais rien n’aurait pu être fait sans notre apport scientifique et technologique.
A ce niveau, je me permets une digression qui peut paraître hors de propos, mais qui est passablement édifiante :
Dans le lointain Japon, un certain empereur Meiji régna entre 1867 et 1912 . Redoutant les velléités colonialistes de l’Occident, il se lança dans une course effrénée vers la modernisation de son pays, coupant l’herbe sous les pieds des colonisateurs potentiels, et devenant un leader non seulement respecté et admiré, mais redouté. Et on connait la suite de l’itinéraire nippon.
A la même période, un jeune sultan nommé Moulay Abdelaziz a régné entre 1894 et 1908.
Sans avoir probablement jamais entendu parler de Meiji, il s’évertua à suivre la même trajectoire, à savoir moderniser l’Empire Chérifien aux niveaux administratif, fiscal et infrastructurel. Il prépara une constitution et un code des impôts, et se fit même livrer des bicyclettes et une locomotive pour tester ces moyens de transport modernes.
La France, à l’affût depuis sa possession algérienne, voyait d’un très mauvais œil cette agitation qui contrecarrait ses plans expansionnistes. Elle trouva un complice inespéré dans le corps des Ulemas, intimement lié à la grande féodalité qui était révulsée par ces projets contraires à l’ordre établi, et donc à l’ordre divin… Moulay Abdelaziz fut déclaré « Sultan Mahboul », un personnage irresponsable, inapte à assumer ses responsabilités envers une nation musulmane… Moulay Abdelaziz s’en alla, laissant le Maroc rétrograde à la merci des colonialistes installés dans le voisinage immédiat, et qui n’en demandaient pas tant…
« Comparaison n’est pas raison », certes, mais ça donne à réfléchir…
Une demi- douzaine d’années après l’exil forcé de Moulay Abdelaziz et deux petites années après l’instauration du Protectorat sur le Maroc, , voilà que l’Europe est rattrapée par ses vieux démons et ses Nations se dressent, de nouveau, les unes contre les autres. C’est la première guerre mondiale (1914-1918)i se termine par 18 millions de morts (9 millions de chaque côté),dont 150.000 combattants africains sur les 400.000 engagés, dont 40.000 Marocains recrutés par le Sultan.
Politiquement, la Grande Guerre déboucha sur le démantèlement de l’Empire Ottoman, la création de l’URSS, la transformation de l’Empire Germanique en République Allemande, la restructuration de l’Empire Austro Hongrois, l’affaiblissement de l’Europe et la montée en puissance des Etats Unis.
Ce qu’on ne dit pas suffisamment, c’est que la guerre a été délocalisée en Afrique, les Alliés ayant eu à cœur de déloger les Allemands de l’Afrique « coûte que coûte », et ça a coûté effectivement très cher…aux Africains, qui ont fourni l’essentiel des troupes qui dépassèrent deux millions de personnes, entre combattants et porteurs. Ce contingent africain subit des pertes terrifiantes, non seulement lors des opérations militaires, mais aussi en raison des maladies.
En tout état de cause, les Allemands furent boutés hors de l’Afrique et leurs colonies furent partagées entre la France, l’Angleterre, la Belgique et l’Afrique du Sud…
Entre temps, les Alliés occidentaux avaient fait des promesses formelles à des leaders d’opinion africains d’accorder, après la guerre, des avancées politiques et sociales significatives au profit des populations autochtones, mais au lendemain de la guerre, les Européens n’honorèrent pas le moindre de leurs engagements et l’on revint au petit train-train colonial d’antan …
En apparence, parce que la grande nouveauté, c’était la naissance de l’élan nationaliste en Afrique, un élan qui ira jusqu’au bout, cahin -caha…
Et cahin-caha arriva la seconde guerre mondiale, dont les tenants et les aboutissants échappaient totalement aux Africains mais dont ils allaient, encore une fois subir, dans leur chair et dans leur sang, les conséquences de cette effroyable boucherie qui fera 50 à 60 millions de morts et des dizaines de millions de déplacés.
Parmi ces victimes figurent des centaines de milliers d’ Africains sur ou sub-sahariens (les statistiques détaillées semblent difficiles d’accès voire inexistantes )par contre nul n’ignore qu’il y eut 6 millions de juifs civils qui furent exterminés par les nazis pour des raisons purement racistes, ce qui eut comme conséquence indirecte le partage de la Palestine en 1947 et la création de l’Etat d’Israël, l’Occident triomphant croyant ainsi se dédouaner de toutes les humiliations et toutes les frustrations qu’ils avaient infligées à « leurs » juifs durant des siècles, mais avaient ouvert une boîte de Pandore et créé un une des zones de conflit et d’insécurité les plus explosives depuis…la seconde guerre mondiale….
Et ce n’est malheureusement pas près de s’arrêter, en raison en particulier du soutien indéfectible et inconditionnel de l’Occident aux gouvernants israéliens, quels qu’ils soient, sachant que ces derniers n’ont cessé de s’accrocher aux fondamentaux de leurs pères fondateurs, à savoir l’idéologie sioniste qui sous- tend l’existence d’un « foyer national » revenant de droit divin au « Peuple Elu » et situé, bien évidemment, en Judée – Samarie et quelque peu au-delà (toujours un peu plus au-delà..), et tant pis pour les Arabes palestiniens, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou agnostiques, et qui occupent depuis des siècles ces terres ancestrales où sont enracinées leur mémoire historique et leurs valeurs spirituelles… ils n’ont qu’à aller se chercher un foyer national ailleurs, tous les vœux posthumes de Theodor Hezl, de Ben Gourion et de Ben Gvir les accompagnent...
Personnellement, je veux, de bon cœur, admettre le fait accompli et accepter l’existence sur le sol et dans la communauté internationale d’un Etat d’Israël, tel qu’il a été défini et tracé en 1947, pourvu qu’il ne maquille pas son propre terrorisme d’Etat en défense de la Démocratie et en lutte contre l’antisémitisme… et basta…
Encore une fois je m’égare et pour revenir à notre propos, il importe de signaler que l’Afrique n’a pas seulement apporté son tribut humain à la guerre, mais qu’elle a fourni aux Alliés de précieuses matières premières alimentaires, végétales, et minérales essentielles pour l’effort de guerre. A cet égard, savez-vous que l’uranium qui a permis la fabrication des bombes atomiques américaines larguées sur le Japon en 1945 provenait du Katanga (actuel République Démocratique du Congo) ?… Il n’y a pas de quoi se vanter, mais c’est bon à savoir…
Ni l’Europe, ni les Etats Unis n’ont jamais exprimé leur reconnaissance, ni même un constat neutre de cette contribution de chair et de sang des citoyens africains, à preuve qu’il n’y a jamais eu, quelque part que ce soit, une cérémonie officielle et nationale, avec un mémorial ostentatoire dans le centre d’une grande ville européenne ou occidentale dédié aux centaines de milliers de morts africains « pour que vive le monde libre » .
Le problème, c’est que le Vieux Continent se fonde sur le passé pour extrapoler sur le présent et sur l’avenir :
Nous ne dirons jamais assez « merci » à l’Europe pour tous ses apports qui ont façonné –avec tous les couacs prévisibles et imprévisibles- le monde dans lequel nous vivons : la Philosophie et la Démocratie, l’imprimerie et le chemin de fer, Léonard de Vinci et Van Gogh, Victor Hugo et Cervantès, Pasteur et Marie Curie, et tant et tant de penseurs et de scientifiques, d’explorateurs et d’artistes, de capitaines d’industrie et d’hommes politiques, et j’en passe, et des meilleurs…
…Le tout ponctué du fracas des armes, qui font intimement partie de cette civilisation, dénommée tantôt « indo – européenne » tantôt « judéo – chrétienne ». Je me suis souvent demandé ce que l’Inde et la Judée avaient à voir dans l’affaire, mais passons…
Donc, les Européens ont de tous temps été convaincus qu’on ne civilise pas seulement par le « soft power », comme on dit maintenant ( éducation, santé, techniques, infrastructures… ), mais qu’il faut parfois, voire souvent, avoir recours à la manière forte pour rendre les populations indigènes plus dociles et plus réceptives, surtout quand il s’agit de sauvages, de barbares ou de mécréants…
Et les Européens – Anglo-Saxons et Ibériques, Flamands et Français, Italiens et Germains, sans oublier les petites mains grecques ou slaves – déferlèrent sur les Amériques, l’Asie, l’Afrique et jusqu’à la lointaine Australie. Ces colonisations s’étalèrent sur plusieurs siècles, et permirent l’exploitation effrénée des ressources des territoires conquis sous couvert d’une domination politique « légitime » ( ! ).
Certes, ce n’est pas l’Europe qui a inventé le colonialisme, et en extrapolant un peu, on peut estimer qu’une horde d’hominidés préhistorique qui investissait le territoire d’une horde rivale pour la spolier de sa cueillette et de son gibier aurait pu être qualifiée de colonialiste, si le langage en usage l’avait permis…
Mais la véritable colonisation stricto sensu fut intra-continentale : les Romains en Europe, les Incas et les Aztèques en Amérique du Sud, les Chinois et les Japonais en Asie, sans oublier les conquêtes islamiques au Moyen Orient ou l’expansion tentaculaire de l’Empire Ottoman et les jeux de yoyo des Royaumes et Empires Africains que les historiens (occidentaux) se sont empressés de mettre sous le boisseau, quand ils ne les ont pas tout simplement gommés dans le cadre de leur entreprise sournoise de déculturation féroce…
S’agissant en particulier des conquêtes musulmanes, on ne saurait les considérer comme des entreprises de colonisation au sens propre du terme, sachant que l’objectif d’exploitation et de pillage n’était pas, au départ, à l’ordre du jour et que seule primait la diffusion de la nouvelle foi ; d’ailleurs, cette islamisation plus ou moins forcée a essentiellement profité aux territoires « conquis » (Iraq, Cham, Egypte, Anatolie, Perse, Maghreb, Al Andalus…), alors que le Hedjaz, « pays émetteur » de cette foi, a stagné durant de longs siècles, dans son tribalisme primaire… Je m’égare, mais je me défoule.
Pour en venir au sujet central de cette chronique, à savoir la colonisation de l’Afrique, il importe de signaler que notre continent a suscité de tout temps les appétits des puissances étrangères qui y ont installé des comptoirs et de véritables cités depuis l’Antiquité, mais c’est au XIXe siècle qu’il a été positivement mis en coupe réglée par plusieurs Etats européens, avec à leur tête la France et le Royaume- Uni et incluant l’Espagne, le Portugal, la Belgique, l’Allemagne et l’Italie.
Ces prédateurs se réunirent en 1884 à Berlin pour réguler le dépeçage de leur impuissante proie et tracer au cordeau les « frontières » des nouveaux prés carrés , en faisant fi des réalités ethniques en place, certaines groupes se trouvaient dès lors éparpillés entre plusieurs pays, l’exemple typique, et non l’unique, étant celui des Touaregs dont les deux millions et demi de membres actuels vivent jusqu’à ce jour dans cinq pays différents (Niger, Mali, Algérie, Burkina Faso, Libye)…
Mais dès 1830, la France avait ouvert le bal en envahissant ce qui était alors connu comme « la Régence d’Alger » relevant de l’Empire Ottoman, et lui donna le nom d’»Algérie », de même qu’elle donnera plus tard le nom de « Tunisie » à l’ex Régence Ottomane de Tunis qu’elle colonisa est 1881.
A cet égard, il est intéressant de noter que lorsque les Européens parlent de « la colonisation de l’Afrique », ils ne pensent qu’à l’Afrique subsaharienne, qu’ils démarrent à partir des années 1870 , ce qui dénote, à mon avis, une sorte de colonialisme au carré, à savoir un colonialisme mitigé de racisme, comme si l’Afrique « blanche » n’était pas soumise au même colonialisme que l’Afrique « noire », ce qui n’a jamais été prouvé… sauf pour les colons qui trouvaient, à Meknès, Oran ou Monastir, des conditions de vie plus conformes à leurs modèles métropolitains que dans la plupart des villes du Sénégal, du Kenya ou des deux Congo…
Les règles du jeu étant posées, les Européens se sont doublement goinfrés en Afrique :
• Ils ont fourgué aux populations africaines, dont les pays ne disposaient pas d’industries fabriquant en séries les produits d’usage quotidien, tous leurs surplus, leurs invendus et leur camelote défectueuse, ce qui impliquait l’interdiction, ou du moins le freinage de toute industrialisation inconsidérée des possessions concernées.
• Ils ont puisé, sans limites et sans vergogne, dans les ressources naturelles de l’Afrique, minérales et végétales, pour alimenter leur industrie et leur artisanat, et augmenter leur développement et leur prospérité, le tout sans pratiquement nulle retombée pour les travailleurs africains sur place, maintenus dans une situation de quasi esclavagisme. Malheureusement, je n’exagère pas.
Mais vous connaissez la rengaine des « bienfaits de la colonisation ». Sans nous, disent les héritiers putatifs des civilisateurs, vous n’auriez eu ni électricité, ni eau courante ni écoles, ni hôpitaux, ni routes ni … ni…
-OK, mais qui a payé toutes ces belles choses ?
-les caisses de l’occupant.
- OK, mais à quelle hauteur ces caisses ont –elles-été alimentées par les ressources africaines ?
-certes, l’argent était peut –être africain d’origine, mais rien n’aurait pu être fait sans notre apport scientifique et technologique.
A ce niveau, je me permets une digression qui peut paraître hors de propos, mais qui est passablement édifiante :
Dans le lointain Japon, un certain empereur Meiji régna entre 1867 et 1912 . Redoutant les velléités colonialistes de l’Occident, il se lança dans une course effrénée vers la modernisation de son pays, coupant l’herbe sous les pieds des colonisateurs potentiels, et devenant un leader non seulement respecté et admiré, mais redouté. Et on connait la suite de l’itinéraire nippon.
A la même période, un jeune sultan nommé Moulay Abdelaziz a régné entre 1894 et 1908.
Sans avoir probablement jamais entendu parler de Meiji, il s’évertua à suivre la même trajectoire, à savoir moderniser l’Empire Chérifien aux niveaux administratif, fiscal et infrastructurel. Il prépara une constitution et un code des impôts, et se fit même livrer des bicyclettes et une locomotive pour tester ces moyens de transport modernes.
La France, à l’affût depuis sa possession algérienne, voyait d’un très mauvais œil cette agitation qui contrecarrait ses plans expansionnistes. Elle trouva un complice inespéré dans le corps des Ulemas, intimement lié à la grande féodalité qui était révulsée par ces projets contraires à l’ordre établi, et donc à l’ordre divin… Moulay Abdelaziz fut déclaré « Sultan Mahboul », un personnage irresponsable, inapte à assumer ses responsabilités envers une nation musulmane… Moulay Abdelaziz s’en alla, laissant le Maroc rétrograde à la merci des colonialistes installés dans le voisinage immédiat, et qui n’en demandaient pas tant…
« Comparaison n’est pas raison », certes, mais ça donne à réfléchir…
Une demi- douzaine d’années après l’exil forcé de Moulay Abdelaziz et deux petites années après l’instauration du Protectorat sur le Maroc, , voilà que l’Europe est rattrapée par ses vieux démons et ses Nations se dressent, de nouveau, les unes contre les autres. C’est la première guerre mondiale (1914-1918)i se termine par 18 millions de morts (9 millions de chaque côté),dont 150.000 combattants africains sur les 400.000 engagés, dont 40.000 Marocains recrutés par le Sultan.
Politiquement, la Grande Guerre déboucha sur le démantèlement de l’Empire Ottoman, la création de l’URSS, la transformation de l’Empire Germanique en République Allemande, la restructuration de l’Empire Austro Hongrois, l’affaiblissement de l’Europe et la montée en puissance des Etats Unis.
Ce qu’on ne dit pas suffisamment, c’est que la guerre a été délocalisée en Afrique, les Alliés ayant eu à cœur de déloger les Allemands de l’Afrique « coûte que coûte », et ça a coûté effectivement très cher…aux Africains, qui ont fourni l’essentiel des troupes qui dépassèrent deux millions de personnes, entre combattants et porteurs. Ce contingent africain subit des pertes terrifiantes, non seulement lors des opérations militaires, mais aussi en raison des maladies.
En tout état de cause, les Allemands furent boutés hors de l’Afrique et leurs colonies furent partagées entre la France, l’Angleterre, la Belgique et l’Afrique du Sud…
Entre temps, les Alliés occidentaux avaient fait des promesses formelles à des leaders d’opinion africains d’accorder, après la guerre, des avancées politiques et sociales significatives au profit des populations autochtones, mais au lendemain de la guerre, les Européens n’honorèrent pas le moindre de leurs engagements et l’on revint au petit train-train colonial d’antan …
En apparence, parce que la grande nouveauté, c’était la naissance de l’élan nationaliste en Afrique, un élan qui ira jusqu’au bout, cahin -caha…
Et cahin-caha arriva la seconde guerre mondiale, dont les tenants et les aboutissants échappaient totalement aux Africains mais dont ils allaient, encore une fois subir, dans leur chair et dans leur sang, les conséquences de cette effroyable boucherie qui fera 50 à 60 millions de morts et des dizaines de millions de déplacés.
Parmi ces victimes figurent des centaines de milliers d’ Africains sur ou sub-sahariens (les statistiques détaillées semblent difficiles d’accès voire inexistantes )par contre nul n’ignore qu’il y eut 6 millions de juifs civils qui furent exterminés par les nazis pour des raisons purement racistes, ce qui eut comme conséquence indirecte le partage de la Palestine en 1947 et la création de l’Etat d’Israël, l’Occident triomphant croyant ainsi se dédouaner de toutes les humiliations et toutes les frustrations qu’ils avaient infligées à « leurs » juifs durant des siècles, mais avaient ouvert une boîte de Pandore et créé un une des zones de conflit et d’insécurité les plus explosives depuis…la seconde guerre mondiale….
Et ce n’est malheureusement pas près de s’arrêter, en raison en particulier du soutien indéfectible et inconditionnel de l’Occident aux gouvernants israéliens, quels qu’ils soient, sachant que ces derniers n’ont cessé de s’accrocher aux fondamentaux de leurs pères fondateurs, à savoir l’idéologie sioniste qui sous- tend l’existence d’un « foyer national » revenant de droit divin au « Peuple Elu » et situé, bien évidemment, en Judée – Samarie et quelque peu au-delà (toujours un peu plus au-delà..), et tant pis pour les Arabes palestiniens, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou agnostiques, et qui occupent depuis des siècles ces terres ancestrales où sont enracinées leur mémoire historique et leurs valeurs spirituelles… ils n’ont qu’à aller se chercher un foyer national ailleurs, tous les vœux posthumes de Theodor Hezl, de Ben Gourion et de Ben Gvir les accompagnent...
Personnellement, je veux, de bon cœur, admettre le fait accompli et accepter l’existence sur le sol et dans la communauté internationale d’un Etat d’Israël, tel qu’il a été défini et tracé en 1947, pourvu qu’il ne maquille pas son propre terrorisme d’Etat en défense de la Démocratie et en lutte contre l’antisémitisme… et basta…
Encore une fois je m’égare et pour revenir à notre propos, il importe de signaler que l’Afrique n’a pas seulement apporté son tribut humain à la guerre, mais qu’elle a fourni aux Alliés de précieuses matières premières alimentaires, végétales, et minérales essentielles pour l’effort de guerre. A cet égard, savez-vous que l’uranium qui a permis la fabrication des bombes atomiques américaines larguées sur le Japon en 1945 provenait du Katanga (actuel République Démocratique du Congo) ?… Il n’y a pas de quoi se vanter, mais c’est bon à savoir…
Ni l’Europe, ni les Etats Unis n’ont jamais exprimé leur reconnaissance, ni même un constat neutre de cette contribution de chair et de sang des citoyens africains, à preuve qu’il n’y a jamais eu, quelque part que ce soit, une cérémonie officielle et nationale, avec un mémorial ostentatoire dans le centre d’une grande ville européenne ou occidentale dédié aux centaines de milliers de morts africains « pour que vive le monde libre » .
Mais les choses n’en sont malheureusement pas restées là, puisque les « anciens combattants » africains ont été traités après la guerre comme des sous hommes ne méritant que des sous retraites, les pensions servies aux Africains ayant été sans commune mesure avec les pensions servies aux Blancs de souche…
Qu’en est-il maintenant ?
La fin de la seconde guerre mondiale a ouvert une ère nouvelle et inédite dans les équilibres internationaux : le monde obéissait désormais à une bipolarisation USA/URSS, l’Europe ne conservant plus que la portion congrue, étant en plus obligée de concéder l’indépendance aux peuples des territoires coloniaux .
Cette dynamique concernait en particulier la Grande Bretagne et la France.
La Couronne Britannique constitua, en 1949, avec ses désormais anciennes colonies, le « Commonwealth », ensemble de 56 Etats unis autour de la communauté d’histoire, de langue et de valeurs politiques et sociales.
La France, quant à elle, était plus attachée à ses acquis économiques et financiers, et particulièrement en Afrique, et voulut garder une mainmise ostensible ou occulte sur cette Afrique où les intérêts géostratégiques de l’Etat français se croisaient si bénéfiquement avec les intérêts miniers, financiers, agricoles et autres des grands banquiers et chefs d’entreprises de la métropole…
Ainsi naquirent deux néologismes non seulement linguistiques, mais aussi géopolitiques, économiques, financiers et socio-culturels, dans le lexique français …eh oui !!!
1/ La Françafrique : ce terme a été utilisé pour la première fois avant les indépendances par Houphouet-Boigny quand il était membre du gouvernement français et qu’il prônait des relations privilégiées entre la Métropole et ses colonies. Par la suite, le mot a pris une connotation nettement péjorative, renvoyant à des liens néocolonialistes opaques et déséquilibrés entre la France et des Etats subsahariens « libres, indépendants et souverains »…
Dans ce cadre, l’Etat français a institué et institutionnalisé la fameuse « Cellule Afrique » à l’Elysée, véritable et redoutable instrument d’ingérence ayant ses antennes au cœur des pouvoirs africains en quasi-totale autonomie vis-à-vis du Gouvernement et du Parlement à Paris…
De De Gaulle à Sarkozy, la Françafrique a manigancé, magouillé, bidouillé pour garder la main sur ces pays longtemps perméables au chantage et à la corruption, sur ces vastes territoires regorgeant de ressources et de potentialités, non seulement pour le pouvoir français, mais aussi pour le CAC 40, ce qui n’est ni marginal ni anodin, mais bien plutôt essentiel…
A titre anecdotique, signalons que Sarkozy, qui n’avait aucun atome crochu avec l’Afrique, a démantelé à son arrivée au pouvoir ladite cellule Afrique et créé un Ministère de la Coopération, mais quand l’éphémère titulaire de ce portefeuille a eu l’imprudence d’annoncer son intention de « signer l’acte de décès de la Françafrique », il fut gentiment reconduit à la porte de sortie, et tout rentra dans l’ordre …ou le désordre.
Bien plus, le Président français brûla ses dernières cartes avec l’Afrique en déclarant tout de go (à Dakar !), que «l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’Histoire », alors que ceux qui lui écrivaient ses discours, et lui-même, auraient dû savoir que c’est justement par l’Afrique que l’Humanité tout entière est entrée dans l’Histoire, mais le racisme rend sourd, aveugle et inculte…
Depuis les indépendances africaines qui datent des années 1960, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts des fleuves Casamance, Niger, Congo tout autant que sous les ponts des fleuves Bou Regreg, Oum Errabia et Sebou…
Pour dire les choses clairement, l’Afrique possède désormais des élites politiques, économiques, socioculturelles et communicantes n’ayant rien à envier à celles issues de la Sorbonne, de Polytechnique ou de Sciences Po, de même que les sociétés civiles africaines montent rapidement en puissance en matière de défense de leurs droits politiques, civiques et individuels, tout en se débarrassant progressivement, mais sûrement de ce complexe du colonisé qui veut, coûte que coûte, nous persuader que nous sommes et que nous resterons des mineurs irresponsables accrochés aux mamelles de leur nounou…
Cette époque ringarde n’est pas totalement révolue, mais presque ; et l’Afrique anciennement française se dirige tranquillement, mais résolument, vers une intégration intra-africaine fondée sur une coopération sincère et décomplexée, mutuellement profitable et pariant sur le long terme et non pas sur les profits immédiats comme le prônait la vision colonialiste.
2/ Le Franc CFA : mis en place dès 1945, ce système monétaire est actuellement adopté par 14 pays subsahariens, anciennement colonies françaises. Indexé sur l’Euro, il permet aux pays membres une certaine stabilité financière, mais leurs banques centrales ont l’obligation de placer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Par ailleurs, leurs Ministres des Finances se réunissent régulièrement à Paris avec les autorités françaises pour s’entendre sur un programme d’utilisation des ressources…
On l’aura compris : le Franc CFA est le bras séculier de la Françafrique, lui permettant de déployer sa politique de domination et sa stratégie d’exploitation, sans coup férir. Cet outil de travail est tellement précieux pour ses promoteurs que sa préservation, coûte que coûte, est liée, selon certains, à des actes criminels, et de citer en particulier deux cas effrayants :
• LA GUINEE : à l’indépendance de son pays, son Président Sékou Touré quitta la zone CFA et créa le Franc Guinéen. Du jour au lendemain, la Guinée fut inondée de fausse monnaie, ce qui entraîna l’effondrement de l’économie guinéenne…
• LE TOGO : quelque temps apès son accession à la Présidence, Sylvanus Olympio, (qui était auparavant Premier Ministre et qui savait de quoi il parlait), annonça officiellement sa décision de sortir son pays de la zone CFA. Cette déclaration suffit pour déclencher un coup d’Etat et son assassinat…demeuré impuni.
Avis aux amateurs ?
Malheureusement pour nos amis Français (et nous en avons plusieurs), leur pays fait de plus en plus figure de has been sur la scène internationale. Et ceci est particulièrement flagrant pour ce qui concerne l’Afrique où la concurrence est devenue très rude avec l’entrée en scène de gros calibres comme les Etats Unis, la Chine, la Russie, le Japon, sans oublier la Turquie… et le Maroc.
La dernière carte que voulait jouer l’Elysée en Afrique, celle de la sécurisation des régimes « amis » par des opérations militaires interminables et sans réelle efficacité, a atteint ses limites et les troupes françaises ont été poliment invitées à réintégrer leurs casernes hexagonales.
Et voilà ! maintenant nous en sommes là, et je ne voudrais pas, pour conclure, verser dans la gloriole ou le lyrisme. Je me contenterai de quelques chiffres qui parlent d’eux même, et dont chacun peut tirer (ou pas) les conclusions qu’il veut :
• EUROPE : 10.000.000 km2 AFRIQUE : 30.000.000km2
• EUROPE : 700.000.000 habts AFRIQUE : 1.200.000.000 habts
• EUROPE : un des leaders de l’agriculture mondiale, mais terres saturées, techniques contestées et besoin d’importation de plus en plus de produits « exotiques »ou rares…
AFRIQUE : 70% des Africains vivent en zones rurales souvent sous le seuil de pauvreté, alors que seuls 10% des terres arables sont exploitées et des études sérieuses affirment que l’exploitation toutes les terres agricole africaines permettrait de nourrir entre 6 et 10 milliards d’êtres humains. Ceci sans oublier les richesses halieutiques qui sont allègrement pillés et qui jouent un rôle incomparable dans la filière alimentaire du genre humain.
• EUROPE : épuisement rapide et Irréversible des richesses naturelles devenues essentielles pour la survie et le développement des industries et des hautes technologies occidentales.
Pour résumer, disons que l’Afrique dispose de pratiquement tout ce dont le monde entier a besoin en termes de ressources minérales, énergétiques, agricoles, halieutiques, pour poursuivre le développement de l’Humanité, et son existence même…
Il suffirait de se retrousser les manches.
Redigé par Kamal Lakhdar
Qu’en est-il maintenant ?
La fin de la seconde guerre mondiale a ouvert une ère nouvelle et inédite dans les équilibres internationaux : le monde obéissait désormais à une bipolarisation USA/URSS, l’Europe ne conservant plus que la portion congrue, étant en plus obligée de concéder l’indépendance aux peuples des territoires coloniaux .
Cette dynamique concernait en particulier la Grande Bretagne et la France.
La Couronne Britannique constitua, en 1949, avec ses désormais anciennes colonies, le « Commonwealth », ensemble de 56 Etats unis autour de la communauté d’histoire, de langue et de valeurs politiques et sociales.
La France, quant à elle, était plus attachée à ses acquis économiques et financiers, et particulièrement en Afrique, et voulut garder une mainmise ostensible ou occulte sur cette Afrique où les intérêts géostratégiques de l’Etat français se croisaient si bénéfiquement avec les intérêts miniers, financiers, agricoles et autres des grands banquiers et chefs d’entreprises de la métropole…
Ainsi naquirent deux néologismes non seulement linguistiques, mais aussi géopolitiques, économiques, financiers et socio-culturels, dans le lexique français …eh oui !!!
1/ La Françafrique : ce terme a été utilisé pour la première fois avant les indépendances par Houphouet-Boigny quand il était membre du gouvernement français et qu’il prônait des relations privilégiées entre la Métropole et ses colonies. Par la suite, le mot a pris une connotation nettement péjorative, renvoyant à des liens néocolonialistes opaques et déséquilibrés entre la France et des Etats subsahariens « libres, indépendants et souverains »…
Dans ce cadre, l’Etat français a institué et institutionnalisé la fameuse « Cellule Afrique » à l’Elysée, véritable et redoutable instrument d’ingérence ayant ses antennes au cœur des pouvoirs africains en quasi-totale autonomie vis-à-vis du Gouvernement et du Parlement à Paris…
De De Gaulle à Sarkozy, la Françafrique a manigancé, magouillé, bidouillé pour garder la main sur ces pays longtemps perméables au chantage et à la corruption, sur ces vastes territoires regorgeant de ressources et de potentialités, non seulement pour le pouvoir français, mais aussi pour le CAC 40, ce qui n’est ni marginal ni anodin, mais bien plutôt essentiel…
A titre anecdotique, signalons que Sarkozy, qui n’avait aucun atome crochu avec l’Afrique, a démantelé à son arrivée au pouvoir ladite cellule Afrique et créé un Ministère de la Coopération, mais quand l’éphémère titulaire de ce portefeuille a eu l’imprudence d’annoncer son intention de « signer l’acte de décès de la Françafrique », il fut gentiment reconduit à la porte de sortie, et tout rentra dans l’ordre …ou le désordre.
Bien plus, le Président français brûla ses dernières cartes avec l’Afrique en déclarant tout de go (à Dakar !), que «l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’Histoire », alors que ceux qui lui écrivaient ses discours, et lui-même, auraient dû savoir que c’est justement par l’Afrique que l’Humanité tout entière est entrée dans l’Histoire, mais le racisme rend sourd, aveugle et inculte…
Depuis les indépendances africaines qui datent des années 1960, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts des fleuves Casamance, Niger, Congo tout autant que sous les ponts des fleuves Bou Regreg, Oum Errabia et Sebou…
Pour dire les choses clairement, l’Afrique possède désormais des élites politiques, économiques, socioculturelles et communicantes n’ayant rien à envier à celles issues de la Sorbonne, de Polytechnique ou de Sciences Po, de même que les sociétés civiles africaines montent rapidement en puissance en matière de défense de leurs droits politiques, civiques et individuels, tout en se débarrassant progressivement, mais sûrement de ce complexe du colonisé qui veut, coûte que coûte, nous persuader que nous sommes et que nous resterons des mineurs irresponsables accrochés aux mamelles de leur nounou…
Cette époque ringarde n’est pas totalement révolue, mais presque ; et l’Afrique anciennement française se dirige tranquillement, mais résolument, vers une intégration intra-africaine fondée sur une coopération sincère et décomplexée, mutuellement profitable et pariant sur le long terme et non pas sur les profits immédiats comme le prônait la vision colonialiste.
2/ Le Franc CFA : mis en place dès 1945, ce système monétaire est actuellement adopté par 14 pays subsahariens, anciennement colonies françaises. Indexé sur l’Euro, il permet aux pays membres une certaine stabilité financière, mais leurs banques centrales ont l’obligation de placer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Par ailleurs, leurs Ministres des Finances se réunissent régulièrement à Paris avec les autorités françaises pour s’entendre sur un programme d’utilisation des ressources…
On l’aura compris : le Franc CFA est le bras séculier de la Françafrique, lui permettant de déployer sa politique de domination et sa stratégie d’exploitation, sans coup férir. Cet outil de travail est tellement précieux pour ses promoteurs que sa préservation, coûte que coûte, est liée, selon certains, à des actes criminels, et de citer en particulier deux cas effrayants :
• LA GUINEE : à l’indépendance de son pays, son Président Sékou Touré quitta la zone CFA et créa le Franc Guinéen. Du jour au lendemain, la Guinée fut inondée de fausse monnaie, ce qui entraîna l’effondrement de l’économie guinéenne…
• LE TOGO : quelque temps apès son accession à la Présidence, Sylvanus Olympio, (qui était auparavant Premier Ministre et qui savait de quoi il parlait), annonça officiellement sa décision de sortir son pays de la zone CFA. Cette déclaration suffit pour déclencher un coup d’Etat et son assassinat…demeuré impuni.
Avis aux amateurs ?
Malheureusement pour nos amis Français (et nous en avons plusieurs), leur pays fait de plus en plus figure de has been sur la scène internationale. Et ceci est particulièrement flagrant pour ce qui concerne l’Afrique où la concurrence est devenue très rude avec l’entrée en scène de gros calibres comme les Etats Unis, la Chine, la Russie, le Japon, sans oublier la Turquie… et le Maroc.
La dernière carte que voulait jouer l’Elysée en Afrique, celle de la sécurisation des régimes « amis » par des opérations militaires interminables et sans réelle efficacité, a atteint ses limites et les troupes françaises ont été poliment invitées à réintégrer leurs casernes hexagonales.
Et voilà ! maintenant nous en sommes là, et je ne voudrais pas, pour conclure, verser dans la gloriole ou le lyrisme. Je me contenterai de quelques chiffres qui parlent d’eux même, et dont chacun peut tirer (ou pas) les conclusions qu’il veut :
• EUROPE : 10.000.000 km2 AFRIQUE : 30.000.000km2
• EUROPE : 700.000.000 habts AFRIQUE : 1.200.000.000 habts
• EUROPE : un des leaders de l’agriculture mondiale, mais terres saturées, techniques contestées et besoin d’importation de plus en plus de produits « exotiques »ou rares…
AFRIQUE : 70% des Africains vivent en zones rurales souvent sous le seuil de pauvreté, alors que seuls 10% des terres arables sont exploitées et des études sérieuses affirment que l’exploitation toutes les terres agricole africaines permettrait de nourrir entre 6 et 10 milliards d’êtres humains. Ceci sans oublier les richesses halieutiques qui sont allègrement pillés et qui jouent un rôle incomparable dans la filière alimentaire du genre humain.
• EUROPE : épuisement rapide et Irréversible des richesses naturelles devenues essentielles pour la survie et le développement des industries et des hautes technologies occidentales.
Pour résumer, disons que l’Afrique dispose de pratiquement tout ce dont le monde entier a besoin en termes de ressources minérales, énergétiques, agricoles, halieutiques, pour poursuivre le développement de l’Humanité, et son existence même…
Il suffirait de se retrousser les manches.
Redigé par Kamal Lakhdar