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Par Zakaria Garti économiste
La publication concomitante de ces deux rapports pourrait être le fruit du hasard ; mais c'est un heureux hasard en raison de la forte corrélation entre les deux phénomènes. En effet, le déficit croissant des besoins en liquidité des banques résulte en partie de la hausse de la monnaie fiduciaire qui atteint un niveau insoutenable, menaçant ainsi les équilibres macroéconomiques.
A l'instar de nombreux pays en voie de développement, le Maroc connait une large utilisation de la monnaie fiduciaire dans les transactions courantes, au point que le ''cash" est devenu une donnée "culturelle" que tous les acteurs économiques, et bien d'autres, prennent en considération. Ce procédé est de plus en plus utilisé malgré la hausse du taux de bancarisation au Maroc, qui a dépassé 65% avec plus de 35 millions de comptes bancaires.
En revanche, le volume des transactions effectuées en liquide s'est développé avec un taux annuel dépassant 8% (pour une croissance économique ne dépassant pas 3.5%) passant ainsi de 65 milliards de dirhams au début du siècle à 270 milliards de dirhams à la fin du mois de février 2020, quelques semaines avant le début la pandémie du COVID-19, ce qui représente 23% du PIB. Les économistes ont donné à la coexistence de ces deux phénomènes contradictoires le nom de : paradoxe apparent du cash.
La pandémie constitue un tournant dans l'économie marocaine qui a vu le volume des transactions en liquide augmenter de 70 milliards de dirhams au cours des quatre premiers mois de la pandémie. Cela est dû à l'injection massive de liquidités sous forme de subventions destinées à plusieurs millions de familles vivant du secteur informel ou de métiers précaires, mais aussi du fait du retrait des dépôts de certains citoyens en prévision des risques qui pourraient menacer le système bancaire.
Mais pourquoi cette hausse a persisté même après le recul de la pandémie ?
Les transactions en liquide ne participent-elles pas malgré cela à la dynamique de l'économie nationale ? Et sinon quelles sont les solutions à même d'y mettre fin ?
Durant la pandémie ainsi que durant la période qui a suivi, les transferts des Marocains résidant à l'étranger ainsi que le nombre de touristes venus visiter le Maroc, ont connu une augmentation considérable. De nombreuses études montrent que la plupart des transferts passent par les banques, mais les bénéficiaires font vite de retirer leur argent. Il en est de même pour les touristes ; ce qui engendre un déficit au niveau de la liquidité bancaire.
En outre, plus de 70% de la monnaie fiduciaire est non-transactionnelle et sert à la thésaurisation. Une étude publiée par Bank Al-Maghrib confirme l'hypothèse de la thésaurisation et l'inventaire des billets en circulation permet de conclure que le billet de 200 dirhams représente plus de 70%% du total de la monnaie fiduciaire en valeur au Maroc aujourd’hui, contre seulement 47% au début du siècle.
La thésaurisation perturbe l'équilibre du secteur bancaire et aggrave le déficit en liquidité bancaire qui est passé de 65 milliards de dirhams (en moyenne hebdomadaire) il y’a une année à plus de 100 milliards de dirhams à fin novembre 2023. Mais si Bank Al-Maghrib est en mesure de remédier à ce déficit en injectant continuellement de la liquidité en faveur des banques grâce aux réserves importantes de liquidité à sa disposition, lesquelles sont engendrées d'un côté, par la relance des exportations, et d'un autre côté par la capacité du Maroc à s'endetter auprès de l'étranger en devise, ses interventions récurrentes et à des niveaux importants démontrent l'incapacité du système bancaire à financer l'économie nationale en s'appuyant sur les dépôts et l'épargne des marocains ; les dépôts à terme (ceux qui nécessitent un avis de retrait) ont en effet enregistré un recul important de plus de 9% au cours de cette année : ils n'ont pas dépassé les 115 milliards de dirhams à fin novembre 2023, alors que la circulation de la monnaie fiduciaire ne cesse d'augmenter.
La responsabilité des banques est ainsi notoire, car elles rémunèrent faiblement l’épargne en offrant des taux créditeurs aux détenteurs de dépôts ne dépassant pas les 2.5%, particulièrement dans un contexte inflationniste, rendant ainsi négatif le taux d'intérêt réel. Ce qui n’encourage aucunement la collecte de l’épargne des citoyens marocains.
En outre, plus de 70% de la monnaie fiduciaire est non-transactionnelle et sert à la thésaurisation. Une étude publiée par Bank Al-Maghrib confirme l'hypothèse de la thésaurisation et l'inventaire des billets en circulation permet de conclure que le billet de 200 dirhams représente plus de 70%% du total de la monnaie fiduciaire en valeur au Maroc aujourd’hui, contre seulement 47% au début du siècle.
La thésaurisation perturbe l'équilibre du secteur bancaire et aggrave le déficit en liquidité bancaire qui est passé de 65 milliards de dirhams (en moyenne hebdomadaire) il y’a une année à plus de 100 milliards de dirhams à fin novembre 2023. Mais si Bank Al-Maghrib est en mesure de remédier à ce déficit en injectant continuellement de la liquidité en faveur des banques grâce aux réserves importantes de liquidité à sa disposition, lesquelles sont engendrées d'un côté, par la relance des exportations, et d'un autre côté par la capacité du Maroc à s'endetter auprès de l'étranger en devise, ses interventions récurrentes et à des niveaux importants démontrent l'incapacité du système bancaire à financer l'économie nationale en s'appuyant sur les dépôts et l'épargne des marocains ; les dépôts à terme (ceux qui nécessitent un avis de retrait) ont en effet enregistré un recul important de plus de 9% au cours de cette année : ils n'ont pas dépassé les 115 milliards de dirhams à fin novembre 2023, alors que la circulation de la monnaie fiduciaire ne cesse d'augmenter.
La responsabilité des banques est ainsi notoire, car elles rémunèrent faiblement l’épargne en offrant des taux créditeurs aux détenteurs de dépôts ne dépassant pas les 2.5%, particulièrement dans un contexte inflationniste, rendant ainsi négatif le taux d'intérêt réel. Ce qui n’encourage aucunement la collecte de l’épargne des citoyens marocains.
Pour renforcer l'inclusion financière et minimiser le volume des opérations effectuées en liquide, les gouvernements successifs n'ont cessé d'encourager le « mobile-banking ». Mais même si le Maroc dispose de ce système depuis 2018, son usage demeure faible et le nombre de portefeuilles électroniques ne dépasse pas 8 millions de portefeuilles, avec un volume de transactions, de l'ordre de 1.7 milliards de dirhams, et ce selon l'association professionnelle des établissements de paiement. Cela est dû à des facteurs "culturels".
De nombreux acteurs dans le secteur informel croient en effet qu'ils seront sujets à des révisions fiscales ; en plus le coût de chaque opération, assumé par les commerçants, demeure élevé variant entre 0.6% et 0.7% alors que ce taux ne dépasse pas les 0.25% dans le secteur de la distribution des hydrocarbures et dans la grande distribution. Et donc pour encourager le mobile banking il incombe à l'état de diminuer le coût assumé par les commerçants, et pour pas ne pas en assumer lui-même une part.
De nombreux acteurs dans le secteur informel croient en effet qu'ils seront sujets à des révisions fiscales ; en plus le coût de chaque opération, assumé par les commerçants, demeure élevé variant entre 0.6% et 0.7% alors que ce taux ne dépasse pas les 0.25% dans le secteur de la distribution des hydrocarbures et dans la grande distribution. Et donc pour encourager le mobile banking il incombe à l'état de diminuer le coût assumé par les commerçants, et pour pas ne pas en assumer lui-même une part.
Parmi les solutions proposées, il y a l'usage des portefeuilles électroniques pour effectuer les transferts du soutien social direct. Le gouvernement en avait fait usage dans le cadre du programme Tayssir, mais les familles ont procédé au retrait de 90% des montants transférés en moins d'une semaine. D'où l'importance de poursuivre les campagnes de sensibilisation auprès des commerçants et des citoyens.
La solution la plus audacieuse et la plus "radicale" serait de mettre fin à la circulation des billets de certaine valeur (ceux de 200 dirhams par exemple) et d'en émettre de nouveaux à la place.
C'est ce qu'a fait l'Inde en 2016 quand le premier ministre avait aboli l'usage des billets de 500 et de 1000 roupies. Mais cette mesure, prise à la hâte, avait créé un mouvement de panique et avait eu un effet négatif sur les marchés financiers. De ce fait, la mesure la plus appropriée serait de retirer un billet de la circulation et d'accorder aux citoyens un délai raisonnable pour son dépôt aux banques, sans que cela entraine pour autant de révisions fiscales.
C'est ce qu'a fait l'Inde en 2016 quand le premier ministre avait aboli l'usage des billets de 500 et de 1000 roupies. Mais cette mesure, prise à la hâte, avait créé un mouvement de panique et avait eu un effet négatif sur les marchés financiers. De ce fait, la mesure la plus appropriée serait de retirer un billet de la circulation et d'accorder aux citoyens un délai raisonnable pour son dépôt aux banques, sans que cela entraine pour autant de révisions fiscales.