Par Nadine Mouline
Au Royaume du Maroc et selon les chiffres publiées par le Haut Commissariat au Plan (HCP) l’économie nationale a enregistré en 2022 un produit intérieur brut (PIB) de 1.296 milliards de dirhams (DH) en volume, marquant une croissance modeste de 1,5 % par rapport à 2021, trois régions dominent la création de la richesse nationale, contribuant à elles seules à 57,9 % du PIB. Casablanca-Settat est en tête avec 31,4 %, suivie de Rabat-Salé-Kénitra (16,1 %) et de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (10,4 %). Cinq autres régions génèrent 33,5 % du PIB, avec Marrakech-Safi (8,3 %), Fès-Meknès (7,9 %), Souss-Massa (6,6 %), Béni Mellal-Khénifra (6,1 %) et l’Oriental (5,1 %). Les régions de Drâa-Tafilalet et les trois régions du Sud n’ont contribué qu’à hauteur de 7,9 % à la création du PIB, renforçant ainsi les disparités économiques régionales. L’écart absolu moyen entre les PIB a73, 1 milliards de DH.
Pourquoi ces disparités ? L’analyse des disparités régionales montre à quel point l’importance de la prise en compte de la variable spatiale est fondamentale dans la mise en œuvre des politiques publiques. Ni la nature des déficits socio-économiques ni la vitesse de leur réduction ne sont uniformes au niveau régional. Cela montre clairement la nécessité d’une politique de développement localement repensée et centrée sur une redéfinition des besoins humains, économiques et sociaux.
Le retard accusé dans le développement de certaines régions est attribuable à une série de facteurs dont notamment ceux liés à l'inégalité de la répartition spatiale de l'infrastructure économique et sociale et de l'investissement public et privé dans le capital humain. La poursuite de ce schéma d'investissement risque de creuser les disparités régionales dans des domaines aussi fondamentaux que la capacité des populations à investir dans les ressources humaines et à acquérir les aptitudes professionnelles indispensable à l’insertion dans le marché du travail et la protection contre la dégradation des niveaux de vie.
Comment le Nouveau Modèle de Développement (NMD) peut contribuer pour une justice économique dans les 12 régions du Maroc?
Le Nouveau Modèle de Développement (NMD), élaboré par la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement au Maroc, vise à impulser une dynamique de croissance inclusive, durable et équitable. L’un de ses objectifs est de réduire les disparités régionales et d’instaurer une justice économique à travers les 12 régions du pays.
Le Nouveau Modèle de Développement(NMD) vise à mettre en place une politique de développement équilibrée et inclusive qui réduit les disparités régionales et assure une justice économique. Il repose sur une approche territoriale différenciée, des investissements dans les infrastructures, la diversification économique et le renforcement des capacités régionales. L’objectif est de permettre à chaque région de développer son propre potentiel tout en profitant d’une répartition plus équitable des ressources et des opportunités.
Voici comment le NMD peut contribuer à atteindre cet objectif :
1. Approche territoriale équilibrée
Le NMD reconnaît les différences de potentiel et de développement entre les régions. Il propose une approche territoriale basée sur :
• L'adaptation des politiques publiques aux spécificités de chaque région. Cela signifie que les stratégies économiques régionales doivent être adaptées aux ressources locales et aux besoins particuliers de chaque région.
• Le renforcement de la décentralisation pour permettre aux régions d'avoir plus de compétences et de responsabilités dans la gestion de leur développement économique.
2. Développement des infrastructures régionales
• Améliorer l’accès aux infrastructures de transport, d’énergie, et de numérique dans les régions éloignées ou moins développées. Cela permettrait une meilleure intégration des régions dans l’économie nationale et mondiale, en attirant les investissements et en favorisant la création d’emplois.
• Le NMD met un accent particulier sur la réduction de la fracture numérique entre les régions, ce qui est essentiel pour renforcer les capacités d'innovation et de développement des PME locales.
3. Promotion de l’équité sociale et territoriale
• Accès équitable aux services publics : Le NMD vise à améliorer l’accès à des services essentiels comme la santé, l’éducation, et la formation dans toutes les régions. Cela aidera à combler le fossé entre les régions les plus développées et celles qui sont encore en retard.
• Réduction des inégalités sociales : En favorisant l'inclusion sociale, notamment par la promotion de l’égalité des chances et la lutte contre la pauvreté, le modèle permettrait une redistribution plus équitable des ressources au niveau régional
4. Renforcement du capital humain
Le NMD reconnaît que le développement du capital humain est crucial pour une croissance économique inclusive. Parmi les initiatives proposées :
• Amélioration de l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle dans toutes les régions. Cela permettrait de préparer une main-d’œuvre qualifiée, capable de répondre aux besoins des différents secteurs économiques au niveau régional.
• Création d'opportunités pour les jeunes : Le modèle met l’accent sur la mobilisation des talents locaux et la réduction du chômage des jeunes, en particulier dans les régions éloignées.
5. Appui à la diversification économique régionale
• Promotion des secteurs spécifiques à chaque région : Le NMD propose de capitaliser sur les atouts de chaque région pour développer des secteurs économiques adaptés (agriculture, tourisme, industrie manufacturière, énergies renouvelables). Cela permettrait de diversifier les économies locales et de réduire la dépendance à un seul secteur.
• Encourager l’économie verte dans les régions ayant un potentiel élevé pour les énergies renouvelables (énergie solaire, éolienne), notamment dans les régions comme Souss-Massa et Drâa-Tafilalet.
6. Incitations à l’investissement régional
• Incitations fiscales et financières : Le NMD propose de mettre en place des mesures pour encourager les investissements privés dans les régions moins développées, y compris des incitations fiscales, des subventions à l’investissement, et des facilités pour les investisseurs nationaux et étrangers.
• Création de pôles de compétitivité régionaux : Ces pôles pourraient aider à attirer des industries clés dans des régions comme l’Oriental, Béni Mellal-Khénifra, et d’autres, tout en encourageant le développement d’écosystèmes économiques locaux.
7. Fonds de solidarité interrégionale
Le NMD propose la création d’un fonds de solidarité interrégionale destiné à financer des projets de développement dans les régions les moins favorisées. Ce fonds permettrait de compenser les disparités économiques entre les régions riches et pauvres en finançant des infrastructures, des services publics et des projets générateurs de revenus.
8. Gouvernance et transparence
• Renforcer la gouvernance locale : Le NMD prône une gouvernance locale plus transparente et plus efficace, où les citoyens et les acteurs économiques locaux sont impliqués dans la prise de décisions. Cela permettrait une gestion plus responsable des ressources et des projets de développement.
• Suivi et évaluation : Le NMD propose la mise en place de mécanismes de suivi des performances des régions en termes de développement économique et social. Cela permettrait d’ajuster les politiques régionales en fonction des résultats obtenus.
9. Développement des économies locales et agriculture durable
• Appui à l’agriculture locale : Pour les régions rurales, le NMD propose des stratégies pour moderniser l’agriculture, améliorer la productivité et soutenir les petits exploitants. Cela inclut l’adoption de technologies innovantes et le soutien à l’agriculture durable.
• Encouragement du tourisme durable dans des régions comme Drâa-Tafilalet et le Sud, où le potentiel touristique est encore sous-exploité.
Nadine Mouline