Par Aziz Boucetta
Certains les voulaient, d’autres pas, mais le fait est qu’aujourd’hui les technocrates sont là, au gouvernement, peints en bleu, voyant la vie en rose ou cheveux au vent sur un tracteur pétaradant. Et des technocrates, on sait qu’ils ne se préoccupent pas beaucoup de communication, mais d’action. Et c’est ce que vient de faire Chakib Benmoussa, le ministre RNI (!!) du Préscolaire, de l’Éducation nationale et des Sports. S’attirant un immense mouvement de colère…
Pourquoi la colère ? Parce que voici les faits. Pour le recrutement des cadres de l’éducation publique (enseignants, corps administratif…) par les Académies régionales d’éducation et de formation (AREF pour les initiés), il faut passer par un concours, et pour passer ce concours, il faut répondre à de nouvelles conditions de présélection : mention au bac et à la licence (autre que celle de l’éducation, dont les titulaires sont dispensés de présélection), durée d’obtention de la licence et production d’une lettre de motivation. Et tout cela pour des candidat(e)s de moins de 30 ans.
C’est cette dernière condition qui a mis le feu aux poudres et titillé les nerfs des foudres de guerre. Haro, banzaï et feu sur Benmoussa ! Tout y passe, de celui qui a des arguments à celui qui ment, en passant par ceux qui veulent en découdre, sans trop savoir pourquoi. Lmouhim est que Benmoussa est un technocrate et qu’un technocrate, c’est bien connu, n’a pas d’âme.
Or, la mesure est éminemment politique, car l’objectif n°1 de ce gouvernement est l’emploi et pour ce train de mesures prises par et pour les AREFs, le gouvernement fait front. Il faut recruter 15.000 enseignants contractuels, fort bien, alors faisons dans la qualité. Et là, il y a rupture entre les deux camps : celui du populisme démagogique, de la démagogie populiste et de la politique politicienne, et celui du gouvernement qui cherche la compétence, laquelle passe par la motivation, l’aptitude à faire le job, la capacité à intégrer les nouvelles technologies, l’envie ! D’où l’exemption des titulaires d’une licence d’éducation qui, eux, ont manifesté par leur choix d’études leur envie d’enseigner. Il y a ainsi une logique dans cette décision de l’équipe Benmoussa.
Les AREFs recrutent donc, mais un jour elles seront comptables des résultats, et ces résultats, ce sont nos enfants et leur vie, leur avenir, leurs carrières… Mais on peut aussi penser comme Hamid Mehdaoui, qui a fait une vidéo appelée « puissante riposte à Chakib Benmoussa ». Qu’y dit-il, que les 120.000 visionneurs ont bruyamment applaudi ? « La mesure de 30 ans n’est pas constitutionnelle » (sachant que M. Mehdaoui n’est pas membre de la Cour constitutionnelle), « ce job d’enseignant est pour les pauvres et les fauchés » (argument puissant s’il en est, les enseignants apprécieront), « laissez les gens, les quinquas et les quadras, passer le concours et trouver une pitance, et après faites même passer qui vous voulez ! » (merci pour nos chères petites têtes brunes).
La présélection sur des critères d’âge est-elle anticonstitutionnelle ? À la Cour constitutionnelle d’y répondre, partant de la décision ministérielle conjointe de fixer la fourchette d’âge entre 18 et 40 ans, sans que rien n’y interdise la création d’une sous-catégorie d’âge, fixée donc à 30 ans. Les gens de cette catégorie d’âge sont ceux de la génération Y, qui se caractérise par : Absence de résistance au changement, forte capacité d’adaptation et forte autonomie, facilité d’apprentissage et d’entreprendre, parfaite maîtrise des outils technologiques, ouverture d’esprit... De plus, l’Etat peut engager des investissements de formation pour des trentenaires, plus difficilement pour des quadras ou plus, un peu rétifs au changement, un peu perdus en milieu de carrière, sachant qu’on ne doit pas confier nos enfants à de pareils profils car le métier d’enseignant ne doit pas être choisi par défaut, par des gens qui présentent des failles et qui produiront donc une génération défaillante !
Alors résumons : Tout le monde est d’accord pour une restructuration totale de l’éducation nationale, et cela passe essentiellement par les infrastructures et l’encadrement pédagogique. Il faut donc des gens bien formés (les licenciés en éducation et les autres, aux compétences prouvées et à la volonté affirmée d’enseigner) qui ne soient pas recrutés pour résorber le chômage d’aujourd’hui (il y a d’autres plans pour cela) mais pour éviter qu’il y en ait demain !
La mesure de Chakib Benmoussa est audacieuse et prometteuse. Il l’a donc prise, s’exposant à la vindicte publique, mais le public est bien plus porté par le populisme et la démagogie que la rationalité et l’efficacité. Il est aujourd’hui important de changer le statut social de l’enseignant, dont on dit trop souvent, tristement : « Vous savez bien, il est démuni et pauvre, il n’est que prof, meskine », et les apprenants en seront les victimes involontaires.
Laissons donc ces technos travailler, et au lieu de les agonir d’injures à chaque décision, demandons-leur des explications et des arguments car ils en ont généralement de bons. Puis attendons… et jugeons-les sur leurs résultats !
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com