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Cette haine qui nous submerge


Sous ses dehors paisibles et sereins, la société marocaine vit une sorte d’animosité, voire de rejet, parfois, de haine entre ses différentes composantes. Se délecter du malheur d’autrui, en demander plus puis en redemander, attendre la condamnation de celui-là, la déchéance de celui-ci… ainsi marche la société marocaine.



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Par Aziz Boucetta

De tous temps, les peuples ont voulu « du pain et des jeux ». Les Romains, les premiers, avaient théorisé cette judicieuse pensée dès le début de notre ère, puis elle a été reprise ensuite par bien des dirigeants. Les peuples aiment à se divertir, à se réjouir des malheurs des autres ; cela les distrait et permet aux dirigeants de faire entretemps ce qu’ils veulent, les peuples étant occupés ailleurs. Mais au Maroc, cela devient inquiétant.
 

Cela devient inquiétant car les gens ne font plus la distinction entre la sphère privée et l’espace public, l’activité publique. Même la fameuse empathie caractéristique de nos compatriotes se met en retrait face au plaisir de voir nos puissants mordre la poussière ou pour la satisfaction de les accabler lourdement.
 

Que cela soit pour le massacre des Palestiniens qui met en confrontation brutale les deux protagonistes que sont le politique Abdelilah Benkirane et le patron de presse Ahmed Charaï… que cela concerne le footballeur Hakim Ziyech qui exprime son avis (à juste titre) énervé sur Israël et les relations de son pays avec l’Etat hébreu… que ce soit Aziz Akhannouch et ses nouveaux poulains au gouvernement,, violemment décriés… tout n’est plus que violence verbale, agressions sur les réseaux, insultes fusant en cascades, et parfois même menaces.
 

Plus personne ne parle à personne, et à la place on s’invective partout, on s’accuse de tout. La nécessaire prise de distance aux événements a disparu en faveur de la pensée unique, celle de chacun. On ne s’écoute plus, on se comprend de moins en moins, on s’agresse de plus en plus. Et la meute est menée par ces influenceurs/ses d'un type nouveau, qui se répandent à longueur de réseaux sociaux en contre-vérités, approximations, accusations et anathèmes en rafale.
 

Comment notre société en est-elle arrivée là ? On peut dater ce glissement au début des années 2010, avec la nouvelle constitution qui étend le champ politique et ses attributions, élargissant d’autant l’espace de la critique plus enragée qu’engagée et du populisme immodéré et outrancier. Depuis le début des années 2010, aussi, le levier des réseaux sociaux en développement sert aussi de caisse de résonnance aux différentes colères qui s’expriment, débridées, incontrôlées, incontrôlables.
 

La décennie 2010 a connu, sur le plan politique, la domination du PJD, avec le tonitruant et excellent tribun Abdelilah Benkirane. Son verbe et sa présence ont été « contrés » par un déferlement de violence, de haine, contre son parti et sa mouvance, d’une manière générale, scindant la société en deux. L’homme et ses hommes (et femmes) ont répondu de manière encore plus véhémente, excommuniant à tour de bras, vouant leurs contempteurs à la géhenne, lesquels contempteurs accusent à leur tour les PJDistes de félonie cachée et de déloyauté masquée. Le discours politique s’éloigne, la violence s’installe, et avec elle le danger.
 

En 2018, la campagne de boycott qui avait ciblé trois enseignes commerciales et les entreprises qui vont avec s’était déchaînée contre l’une d’elles en particulier, celle du chef du gouvernement. La violence était inouïe, les dégâts financiers pour l’entreprise et mentaux pour son propriétaire étaient considérables. Pour M. Akhannouch alors, la phase du fameux blocage institutionnel de début 2017 se payait cash et trash.

 


Et aujourd’hui, voilà que l’opinion publique marocaine est secouée par une affaire très simple, un faits divers portant sur un présumé viol en réunion, ou non, sur une dame consentante, ou non, avec violence, ou non, par deux, trois, quatre individus, ou personne. Rien n’est précis dans cette histoire, en dehors des filiations des présumés coupables et réels détenus, mais les condamnations de la rue sont déjà tombées. Que le fils du chef d’une grande organisation professionnelle soit impliqué, et voilà que tout retombe sur le père ; son nom est partout et, comme si cela ne suffisait pas, sa photo aussi, comme s’il était coupable de ce pourquoi la justice interroge son fils et d'autres progénitures aux parents tous aussi bien placés.
 

Cela étant, il faut dire que tant cette organisation que l’actuel chef du gouvernement, ou encore Abdelilah Benkirane, tous auront alimenté cette animosité, cette haine pour tout dire, qui aujourd’hui agite notre société. Clientélisme et ostracisme, condescendance et mauvaise gouvernance, vanités diverses et ambitions multiples, permissivité coupable de parents nantis à l’égard de leurs progénitures dorées, autant de comportements qui nourrissent le doute, puis la rancœur et enfin l’animosité de la population à l’égard des puissants, le tout hissé par le levier numérique jusqu’aux sommets de la colère.
 

D’un côté, une oligarchie économique agissant en groupe(s) et plutôt prédatrice et un gouvernement mené par un technocrate et ses créatures (au sens premier du terme) renfermés sur eux-mêmes, de l’autre, une population qui ne se remet pas des crises successives, de la permacrise qui secoue tous les pays dont le Maroc, et une technologie numérique qui permet d’accabler qui on veut, comme on veut, autant qu'on peut… voilà le schéma d’aujourd’hui au sein de notre société.
 

La solution pour endiguer cette colère croissante ? Une justice juste, équitable, indépendante, et exhaustive, non sélective. Est-ce le cas ? A chacun son avis.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 

 




Jeudi 5 Décembre 2024

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