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Ils sont Marocains et ils sont loyaux à leur pays, en principe… Mais qu’est-ce qu’être, véritablement, loyal dans ce monde transversal où la défense des intérêts s’appuie sur de nouveaux instruments, sans cesse renouvelés, toujours plus perfectionnés, plus performants, bien plus puissants ?… Aujourd’hui, avec ces politiques offensives de soft power ici et là, on parle davantage d’allégeance que de loyauté, et au Maroc, nous connaissons ce problème…
Le royaume est une nation tellement ouverte sur tant de civilisations et de cultures que nous trouvons un nombre croissant de Marocain(e)s qui seraient prompts à contester une politique nationale, à protester contre une prise de position publique dès lors qu’elles toucheraient à des domaines, des pays, des cultures autres que la nôtre. Or, c’est la nôtre qui prime, et qui doit irrémédiablement continuer de dominer. Chez nous du moins.
1/ L’arabité. Quelqu’un ayant décrété un jour, un peu trop hâtivement, que nous étions un pays arabe, toute autre discussion, débat, proposition ou suggestion sont frappées d’anathème, et leur auteur excommunié, vilipendé, accusé de félonie, voire de travailler pour d’autres… Que Noureddine Ayouch use de son droit d’expression et s’exprime sur la darija, ou que Saaïd Amzazi défende l’introduction de l’apprentissage dans des langues étrangères, et voilà que les chantres de l’arabité montent au créneau et décochent leurs flèches sur les personnages. Les tenants de l’arabité, droits dans leurs babouches, se moquent éperdument de la formation de nos Marocains d’enfants, pour peu que l’arabe d’ailleurs triomphe. On est plus arabe que Marocain.
2/ L’islam. La Oumma islamique est la seule chose qui compte aux yeux des défenseurs les plus âpres de la religion sur nos terres. Et avec les réseaux sociaux et les télés satellitaires, le carcan religieux est bien plus serré, verrouillé par l’intolérance et cadenassé par l’agressivité. Nous aurons toujours des gens en qamis et/ou en abaya, quand ce n’est pas en khimar pour les femmes (oubliée, la jellaba bien de chez nous), qui viendront beugler notre appartenance à la nation islamique, et peu importe si cette nation islamique n’est plus qu’une chimère au mieux, un leurre au pire. On est d’abord musulman, accessoirement Marocain.
3/ La Palestine. On ne peut qu’être frappé de sidération à la lecture ou à l’audition des commentaires des partis politiques après l’annonce de la reprise des relations avec Israël. N’eût été la décision royale, les « leaders » auraient tous dégainé, et tiré sur celui qui aurait appelé à cette reprise de relations. La Palestine d’abord, la Palestine à fond et à mort… et tant pis pour les Ouïghours ou les Rohingyas, semble-t-il musulmans aussi ! Après l’annonce de la reprise avec Tel Aviv, le PJD, parti « dirigeant » le gouvernement, a sérieusement tangué, et plusieurs de ses hauts responsables ont démissionné, sans que leur parti ne les ramène à la raison. Le voulait-il d’ailleurs ? Le Sahara, à leurs yeux, c’est bien, mais la Palestine, quand même !... Sont-ils Palestiniens ou Marocains, ces gens ?
4/ La France. La République déploie tranquillement son soft power des écoles et lycées, des grandes écoles et universités, fabriquant des supplétifs de France parmi nous. Et voilà que les lobbies des Alumni s’illuminent, surtout ceux des grandes écoles d’ingénieurs. Résultat of course : Nos satellites sont français, notre TGV aussi, sans oublier les trams… La France fait son job, ce qui naturel, en distribuant nationalité et Légion d’Honneur à l’envi, créant une clientèle qui fait du Maroc un client inconditionnel des entreprises hexagonales. Français(e) ou Marocain(e), les cœurs balancent…
Sans ouvrir encore une fois, une fois encore, ce chapitre douloureux qui enflamme les passions et envenime les réactions, défendre sa marocanité contre toute autre forme d’allégeance devrait être la règle. Et l’Etat serait grandement inspiré d’inculquer mieux, plus et sans relâche ce nationalisme passif qui prendrait lieu et place de loyautés multiples et actives. Dans cette mondialisation qui se confirme, les appartenances s’affirment, ou devraient.
Pour cela, il faut actionner – sérieusement – le levier éducation, mais pour ce faire, il faut un vrai gouvernement et une classe politique avérée.
Rédigé par Aziz Boucetta