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Par Aziz Boucetta
Et, plus grave, cette chose hideuse de l’adoubement par le nom ou le clan se confirme de plus en plus, comme nos confrères de TelQuel viennent de le rappeler pour cette confrérie généreuse qu’est la CGEM. Mais il n’y a pas que dans ce club de (grandes) entreprises que l’inégalité des chances triomphe.
1/ La CGEM, donc… Elle n’a jamais été une véritable démocratie, car elle a éternellement été une réelle ploutocratie. Des frères et des sœurs, des cousins et des cousines, et la fameuse « nsoubiya » marquant la parentèle éternelle.
Ces gens nommés dans les nouvelles instances de la confédération sont-ils incompétents ? Assurément non. Mais la question à poser est de savoir s’il n’existe de la qualité et du talent que chez les proches. Non, encore une fois.
Cela étant, les nouvelles nominations concernent des personnes occupant des fonctions éminentes en entreprise. Et il est naturel qu’un géniteur nanti privilégie son fils, sa fille, leurs conjoints, les amis et les proches. L’entreprise n’est pas une démocratie et le détenteur du capital est aussi détenteur du pouvoir, entre autres celui de nommer qui il veut où il veut… sauf que cela est valable au sein de l’entreprise, pas de la CGEM, organe représentatif et représenté au parlement.
Le problème est là. Car, dans l’entreprise, on recrute des talents et il n’y aura jamais autant de parents que de postes à pourvoir, surtout dans les grandes entreprises qui animent la CGEM. Alors pourquoi n’adoube-t-on dans les instances de la confédération que les fils, filles, neveux, nièces, nsab, ignorant les autres talents de l’entreprise ?
Il semblerait qu’on n’élargisse le champ des nominations qu’après épuisement des proches. Le malaise, déjà palpable, augmente avec cette réaction du chef des chefs Chakib el Alj qui prend son téléphone, sans que personne ne le lui demande, et déclare à medias24 que « si ajustement il doit y voir au sein du Conseil d’administration, il sera fait ».
2/ Le gouvernement. Pourquoi reprocher à la CGEM de rééditer ce qui est déjà fait au gouvernement ? Le cabinet Akhannouch, c’est de notoriété publique, comporte bien des amis et d’ « anciens collaborateurs », des fidèles et des affidés, dont on retrouve des prolongements au sein de la...
CGEM. Des rencontres gouvernement/CGEM ressemblent depuis deux ans à des agapes entre amis, réunissant vassaux et commensaux. Les rumeurs courent sur les affaires qui se font et les dirhams qui pleuvent, mais personne ne les dément, par manque de temps ou insouciance et indifférence d’une ploutocratie qui s’étend et dont les protagonistes et heureux bénéficiaires s’entendent.
Quand on sait comment fonctionnent les partis au Maroc et quand on connaît l’irrésistible pouvoir de l’argent en leur sein, on ne s’étonnera pas de voir une singulière et admirable reproduction des élites politiques dans les appareils politiques puis, logiquement et mécaniquement, au parlement ; souvent, au détriment de la qualité et du talent.
Là encore, fils et filles, conjoints et consanguinité, alliances et nsoubiya triomphent. Pas besoin de citer des noms pour la double raison que la pratique est connue et que, là encore, elle ne contrevient pas à la légalité. Seule l’éthique en prend un coup… l’éthique et l’attractivité de la chose politique car, en effet, écœurés par ces pratiques pratiquées à très large échelle, tant de jeunes tournent le dos à la politique.
Et beaucoup s’en vont, sous d’autres cieux où leurs talents seront mieux appréciés.
Mais c’est tout de même regrettable que cela se produise à si grande échelle au sein d’une institution chargée de mettre en musique le fameux et très ingénu principe de « l’égalité des chances ».
4/ Les avocats. A la proclamation des résultats de l’examen d’accès à la profession d’avocat, les heureuses progénitures ont décroché le gros lot. Illégal ? Pas vraiment, si tant est que les résultats ne fussent pas tripatouillés…
Ce qui gêne est cette vérité qui émerge, crânement revendiquée, voulant que les avocats privilégient leurs enfants pour reprendre leurs cabinets, leurs enfants mieux préparés à l’examen, pour avoir fait leurs classes au sein des structures de leurs parents. On peut reconnaître au ministre de la Justice l'honnêteté et le mérite de l'avoir reconnu en creux.
Question : Combien d’heureux lauréats l’ont-ils été en lieu et place de jeunes « mal nés » ? Encore une fois, un questionnement douloureux pour une profession supposée défendre les droits, et en particulier ceux de jeunes possiblement talentueux dont le seul tort et la seule tare est de ne pas être fils ou fille de ?
« Selon que vous serez puissant ou misérable,… », professait Lafontaine dans les Animaux malades de la peste, au 17ème siècle. Aujourd’hui, sur nos terres, on comprend mieux que les proches de puissants puissent se placer aussi aisément alors que les autres vivent les affres de la misère relationnelle. Et on comprend encore plus que ces derniers s’en aillent à gros bouillons, privant le pays de leurs talents.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost