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Par Aziz Boucetta
Le Maroc n’est pas dans une logique martiale, offensive, agressive, sauf en matière de diplomatie. L’Algérie, acculée précisément sur le plan diplomatique, est autrement plus menaçante. Le Maroc est ouvert sur le monde, l’Algérie a réussi à se fermer sur elle-même et, ce faisant, elle se trouve en prise directe avec sa population. Solution possible : trouver à cette population un ennemi extérieur, source de tous les maux.
Depuis l’avènement du roi Mohammed VI en 1999, l’Algérie a connu deux présidents, Abdelaziz Bouteflika et Abdelmajid Tebboune (l’intérimaire de 2019 important peu). Si, avec le premier, marocain de cœur, les relations avaient pu être maintenues (ambassades actives, canaux de discussion ouverts, circulation aérienne normale, et même un peu de contrebande des deux côtés), avec le second, les choses se sont singulièrement et rapidement détériorées. Les raisons en sont multiples et chaque partie en impute la responsabilité à l’autre.
Le facteur aggravant aujourd’hui la situation de plus en plus délétère entre les deux voisins sont les peuples. Si, en 2019, le Maroc entier avait fêté le sacre africain de l’Algérie à la Coupe d’Afrique aux cris de « khawa khawa », les Marocains ont en revanche peu apprécié le silence des Algériens lors de la chevauchée de la sélection nationale au Mondial de Qatar. De même que l’opinion publique a peu goûté les attaques incessantes du pouvoir algérien contre le Maroc, et la passivité des Algériens, en Algérie et ailleurs. Il est vrai qu’en contrepartie, les médias marocains se montrent plus offensifs et le public marocain donne libre cours à son légendaire sens de l’humour et sa fameuse dérision. L’antagonisme conflictuel n’est donc plus le fait des seuls Etats, mais aussi des populations, favorisant la rupture et abîmant l’idée de la fraternité des peuples.
Et alors que la direction politique algérienne glisse sur la pente de l’isolement international et de l’asphyxie en interne, le Maroc avance tant sur le plan social que diplomatique, économique que politique (malgré la parenthèse gouvernementale actuelle). Les institutions marocaines fonctionnent, même si tout est perfectible, les problèmes sociaux et économiques sont publiquement débattus et la société civile est en effervescence, créant une opinion publique dont le pouvoir politique doit tenir compte et dont il tient compte. Rien de tel en Algérie où la contestation, de quelque niveau qu’elle soit et sur quelque sujet qu’elle porte, équivaut à un aller simple (pour longtemps) vers la case prison.
Alors que Rabat multiplie les amis, Alger collectionne les ennemis ; alors que le Maroc investit et s’investit en Afrique, Alger s’en isole et s’en éloigne ; alors que Rabat entretient des relations normales avec les Etats du Conseil de Coopération du Golfe (malgré les inévitables dissensions et mouvements d’humeur, classiques entre Etats), Alger s’en est fait des adversaires. Et, enfin, dans ce contexte international changeant et menaçant, le Maroc a su lire les nouveaux codes, pendant que l’Algérie refuse de retirer ses lunettes des années 60 et 70 du siècle dernier.
Tout cela favorise l’influence grandissante du Maroc dans les aréopages internationaux… Est-ce un mal si le Maroc se défend et défend bien sa cause nationale, et qu’il marque des points ? Dans le développement durable et la transition énergétique, dans l’enseignement supérieur, dans son programme d’accélération industrielle, dans ses infrastructures et ses modes de transport ultramodernes, et surtout dans l’adhésion de sa population à son concept de nation. En face, et d’une certaine manière, la gestion politique et la communication en Algérie évoquent quelque peu le Maroc des années 80 et 90, où la décision politique et l’approche économique se réduisaient à des déclarations d’intention, laissant Coué assurer la suite…
Le duo Chengriha-Tebboune (dans l’ordre) s’accommode mal des récentes alliances du Maroc (notamment avec Israël) et vit encore plus mal ses avancées diplomatiques, avec les Etats-Unis, avec la France, l’Espagne, l’Allemagne, et même la Russie et la Chine. Le monde d’aujourd’hui veut des engagements et aussi, et surtout, un respect de ces engagements, une maturité diplomatique et politique qui semble manquer à Alger. Le retour de Donald Trump, en attendant qu’il clarifie ses positions pour notre région, pourrait exacerber les tensions entre les deux capitales.
Ce 6 novembre, rompant avec une tradition de discours faite de main tendue et de conciliation, le roi Mohammed VI a été plus rude en direction de l’Algérie. Deux jours après, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, intervenant au parlement, a mis en garde contre les velléités guerrières d’Alger, soupçonnant la « junte civile » à Alger de vouloir transformer le conflit diplomatique en confrontation armée. Le lendemain, comme pour lui donner raison, le Polisario attaque et cible la ville de Mahbès, évitant de justesse un carnage de civils réunis en agapes festives. Ce n’est pas la première fois ; l’année dernière, ce type d’attaque « aveugle » avait causé un mort et, à plus d’une reprise, d’autres drames ont pu être empêchés au dernier moment.
2014, tir algérien à travers la frontière, visant des civils, dont un a été grièvement touché. En 2021, l’armée algérienne s’était tranquillement invitée dans la région de Figuig pour sommer une trentaine de familles vivant là, sur leurs terres, d’évacuer sous peine d’arrestation. En 2023, des jeunes vacanciers en jet-ski ont été pris en chasse par les garde-côtes, qui ont ouvert le feu, faisant deux tués
Le récent (et très résolu) alignement de la France sur la position marocaine et l’élection de Donald Trump, qui avait reconnu la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes, ajoutent à l’irascibilité des généraux algériens, qui voient bien les Russes ménager Rabat et s’approcher du royaume (accord de pêche, atome…).
Faut-il donc craindre des provocations plus rugueuses que celles qui se sont déjà produites ? Faut-il s’alarmer de voir les généraux d’Alger laisser, ou feindre de laisser la bride sur le cou des chefs sahraouis, qui n’agissent en fait que sur ordre et comme proxy ? Faut-il redouter le coup de folie d’un général, ou du général Chengriha, dont l’animosité à l’égard du Maroc est connue ?
Oui, rien n’est plus dangereux qu’un bruit de bottes sous un képi en stress. Et pourtant, disait Clémenceau, « la guerre est une chose bien trop sérieuse pour être confiée à des militaires »…
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost