Besoins des femmes touchées par le séisme au Maroc : Qu'en est-il ?


Rédigé par le Jeudi 14 Septembre 2023

Pendant la nuit du vendredi 8 septembre, le Maroc a été violemment frappé par un tremblement de terre d'une intensité sans précédent. Cette secousse sismique a engendré des ravages considérables, entraînant la perte tragique de plus de 2 900 vies (chiffre provisoire) et causant des milliers de blessés.



2.900, c’est, au moment d’écrire ces lignes, 5 jours après la catastrophe, le nombre de personnes décédées dans le tragique tremblement de terre ayant eu lieu dans la nuit du vendredi 8 septembre au Maroc. L'épicentre de cette secousse terrifiante a été identifié dans la commune d'Ighil, au cœur de la province d'Al Haouz, précisément à 23h11.

De nombreux villages à proximité de l'épicentre ont été complètement rasés. Dans certaines localités situées en zones montagneuses, l'aide n'a pas encore pu parvenir, en raison de routes bloquées, voire impraticables. Un grand nombre de personnes continuent à lancer des appels à l'aide. La situation demeure critique, exigeant une mobilisation immédiate pour fournir un soutien vital aux victimes, en mettant particulièrement l'accent sur les femmes, dont les besoins spécifiques sont souvent négligés face à l'urgence d'intervention et à la magnitude du défi à relever.

En effet, de manière générale, selon les données du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), les femmes et les filles encourent un risque 14 fois plus élevé que les hommes de perdre la vie lors de catastrophes naturelles. Un exemple pertinent est le séisme de Kobe au Japon en 1995, où la mortalité des femmes a été 50 % plus élevée que celle des hommes, comme le souligne un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental français consacré à cette question. La question qui se pose alors est : Pourquoi cette disparité existe-t-elle ?

Cela s'explique principalement par le fait que les femmes sont plus fréquemment prises au piège à l'intérieur de leur domicile. De plus, elles occupent davantage d'emplois dans le secteur de la santé, les exposant ainsi davantage aux risques en cas d'épidémie, par exemple. Par ailleurs, l'ONU a déjà signalé en 2015 que lorsque les femmes survivent à une catastrophe et sont déplacées, environ 20 % d'entre elles sont victimes de violences sexistes et sexuelles. Enfin, l'accès aux ressources constitue également un facteur qui les désavantage dans ces situations.

Consciente de ces défis cruciaux, Yasmina Benslimane, une militante féministe marocaine et la fondatrice de Politics4her, un mouvement féministe intersectionnel qui promeut la participation inclusive des femmes et des filles en politique, a rédigé un manifeste pour attirer l'attention sur la situation difficile des femmes touchées par la catastrophe au Maroc. Dans ce manifeste, elle met en avant l'importance d'adopter une approche sensible à la dimension du genre, en particulier pour les femmes et les filles résidant dans les zones rurales. À titre d'exemple, elle mentionne que les femmes du village de Zanite Lalla Aziza, près de Chichaoua, se trouvent dans une situation critique, avec certaines d'entre elles enceintes et ayant un besoin urgent d'assistance.

Les besoins des femmes sinistrées au Maroc

“Les femmes et les filles sont souvent les plus vulnérables lors des catastrophes naturelles, et le récent séisme au Maroc ne fait malheureusement pas exception. Il est impératif que nous prenions des mesures concrètes pour répondre à leurs besoins spécifiques et garantir leur dignité et leur sécurité”, alerte la militante féministe Yasmina Benslimane sur son compte Instagram.

Dans son manifeste, Yasmina Benslimane énumère les principaux défis auxquels font face les femmes touchées par le séisme au Maroc.

Premièrement, il y a le problème du manque d'intimité et de dignité. Les abris temporaires offrent rarement un environnement propice à la préservation de la vie privée des femmes et des filles. Yasmina Benslimane souligne que “le manque d’intimité peut causer une grande gêne, notamment pendant les menstruations car les règles sont souvent entourées de tabous.”

Cet intérêt met en évidence les obstacles qui entravent l'accès aux produits menstruels. Yasmina Benslimane souligne avec insistance que “les produits menstruels sont souvent négligés lors des opérations de secours en cas de catastrophe, laissant les filles et les jeunes femmes vulnérables à des problèmes de santé hygiénique.”

Elle dénonce ensuite le risque d'augmentation des violences sexistes et sexuelles. Yasmina Benslimane et ses collègues de Politics4her attirent particulièrement l'attention sur le contenu de messages diffusés sur les médias sociaux, qui encouragent les hommes à épouser de jeunes filles et de jeunes femmes en provenance de milieux ruraux ayant tout perdu, prétendument pour les "sauver" de la catastrophe. Ce phénomène social, déjà préoccupant, pourrait être exacerbé par la catastrophe. Selon les statistiques du ministère de la Justice marocain relayées par l'Unicef, en 2018, pas moins de 32 104 demandes de mariage impliquant des mineurs ont été enregistrées, dont 99 % concernaient des filles.

La militante féministe affirme avec fermeté que le mariage ne doit en aucun cas être perçu comme un geste de charité. Fournir de l'aide en échange d'un mariage constitue une forme de violence sexiste extrême, susceptible d'entraîner d'autres formes de violence, notamment sexuelle, à l'encontre de ces femmes déjà particulièrement vulnérables. Elle appelle à une vigilance accrue dans les douars (villages) et insiste sur l'importance de fournir tout le soutien nécessaire à ces femmes afin de prévenir des situations encore plus tragiques. Elle souligne également que  “les femmes et les filles peuvent craindre pour leur sécurité lorsqu’elles cherchent à accéder aux services essentiels.”

La militante met également en évidence les obstacles pour accéder aux services de santé. Les séismes perturbent souvent l'accès aux services de santé reproductive, ce qui peut avoir des conséquences graves. Yasmina Benslimane insiste sur l'importance de maintenir les soins maternels et la santé sexuelle et reproductive en tant que priorité. En effet, certaines femmes enceintes se trouvent dans des situations critiques, mettant en danger leur propre santé ainsi que celle de leur enfant, en raison du manque d'assistance. Cette situation s'est également produite après le séisme de 2015 au Népal.

Enfin, Yasmina Benslimane aborde la question du stress psychologique. Le traumatisme lié à la survie d'une catastrophe, en l'absence d'un soutien adéquat, peut avoir un impact significatif sur la santé mentale des femmes et des filles.

Les femmes au cœur de la réponse

Yasmina Benslimane exhorte à passer à l'action en offrant des recommandations politiques cruciales pour intégrer de manière adéquate les besoins spécifiques des femmes et des filles lors des opérations de secours en cas de catastrophe. Elle encourage vivement à “garantir l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive, à promouvoir des options d’hébergement sensibles au genre, à soutenir les survivantes de violences sexistes, et à créer des services de soutien psychosocial adaptés.”

La militante féministe conclut en mettant en lumière l'importance de la participation active et du leadership des femmes et des filles dans les processus décisionnels concernant la réponse aux catastrophes, ainsi que dans la gestion préventive des risques. Elle insiste également sur le rôle crucial que jouent les médias et la société civile pour sensibiliser le public à ces questions essentielles.


Salma LABTAR




Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 14 Septembre 2023
Dans la même rubrique :