Bank Al-Maghrib décide de maintenir inchangé le taux directeur à 3%


Rédigé par La Rédaction le Mardi 20 Juin 2023

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le mardi 20 juin sa deuxième réunion trimestrielle de l’année 2023. Lors de cette rencontre, il a d’abord examiné et approuvé le rapport annuel sur la situation économique, monétaire et financière du pays ainsi que sur les activités de la Banque au titre de l’exercice 2022. Il a analysé par la suite l’évolution et les perspectives de l’économie mondiale qui restent entourées de fortes incertitudes en lien notamment avec les implications du conflit en Ukraine. Il a relevé en particulier que l’inflation dans les principales économies avancées connait une baisse graduelle, tirée
par le recul des cours des produits énergétiques et alimentaires, mais continue toutefois d’évoluer largement au-dessus des cibles des banques centrales.



Au niveau national, le Conseil a passé en revue les développements récents relatifs à la conjoncture économique et a examiné les projections macroéconomiques de la Banque à moyen terme. Il a noté à cet égard qu’après un taux de 6,6% en 2022, l’inflation a continué de s’accélérer pour atteindre un pic de 10,1% en février 2023.

Depuis, elle s’est inscrite en décélération mais reste à des niveaux élevés en lien avec le renchérissement des produits alimentaires frais, revenant à 8,2% en mars, à 7,8% en avril puis à 7,1% en mai. Tenant compte de ces données, l’inflation devrait ressortir à 6,2%
en moyenne cette année et à 3,8% en 2024. Sa composante sous-jacente devrait connaitre une trajectoire similaire, passant de 6,6% en 2022 à 6,1% cette année puis à 2,9% en 2024.

Au regard de ces évolutions et en prenant en compte les délais de transmission de ses décisions à
l’économie réelle, le Conseil a décidé, après trois hausses successives du taux directeur d’un total de
150 points de base, de marquer une pause dans le cycle de resserrement de la politique monétaire,
maintenant ainsi le taux directeur inchangé à 3%. Lors de ses prochaines réunions, ses décisions
tiendront compte notamment de l’évaluation approfondie et actualisée des effets cumulés de ses
hausses de taux et de l’impact des différentes mesures mises en place par le Gouvernement pour
soutenir certaines activités économiques et le pouvoir d’achat des ménages.

Sur les marchés internationaux des matières premières, les cours poursuivent leur recul revenant à
des niveaux en deçà de ceux enregistrés avant le début du conflit en Ukraine.

En particulier, le prix du Brent s’est établi à 75,7 USD le baril en moyenne en mai, en baisse annuelle de 32,6% et devrait
osciller autour de 79 USD d’ici fin 2024, sous l’effet conjugué de la modération de la demande et
de la politique de contrôle de l’offre de l’OPEP+. S’agissant des denrées alimentaires, leurs cours
ressortiraient en repli de 10,9% cette année et en quasi-stabilité en 2024.

Pour le phosphate et ses dérivés, la tendance baissière se maintiendrait à mesure que les ruptures d’approvisionnement
s’atténuent et que le coût des intrants diminue. Selon les projections de la Banque mondiale d’avril
dernier, le cours du brut reviendrait de 266 USD/t en 2022 à 260 USD/t en 2023 et à 240 USD/t
en 2024 et celui du DAP passerait de 772 USD/t à 580 USD/t puis à 570 USD/t respectivement.

Dans ces conditions, l’inflation poursuit son atténuation, à un rythme toutefois moins rapide que
prévu précédemment. Aux Etats-Unis, tirée par sa composante fondamentale, elle passerait de 8%
en 2022 à 4,4% en 2023 puis à 2,7% en 2024, et dans la zone euro, elle reculerait à 6,1% en 2023
puis à 3,3% en 2024, après avoir atteint 8,4% en 2022.

S’agissant des décisions des banques centrales des principales économies avancées, la FED, après
avoir opéré dix hausses successives d’un total de 500 points de base, a décidé à l’issue de sa réunion
des 13 et 14 juin de maintenir inchangée la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à [5,00%-
5,25%], tout en indiquant qu’elle anticipe que des augmentations supplémentaires cette année
seraient appropriées.

De même, invoquant ses prévisions d’une inflation trop forte pendant une trop longue période, la BCE a augmenté le 15 du même mois ses trois taux directeurs de 25 points et a confirmé qu’elle mettra un terme aux réinvestissements dans le cadre du programme d’achats d’actifs (APP) à compter de juillet 2023.

En dépit de la poursuite du resserrement monétaire, la décélération de l’activité économique au
niveau mondial serait légèrement moins rapide que prévu en mars. Aux Etats-Unis, la croissance
reculerait de 2,1% en 2022 à 1% en moyenne en 2023 et en 2024, et dans la zone euro, après un
taux de 3,5%, elle s’établirait à 1,4% cette année et à 0,8% en 2024.

De même, et malgré la crise du pouvoir d’achat et les grèves, le Royaume-Uni devrait éviter la récession mais le rythme de l’activité
resterait faible avec une progression du PIB en volume de 0,1% cette année et de 0,4% en 2024.

Dans les principaux pays émergents, après la levée des restrictions sanitaires, l’économie chinoise
devrait croitre de 6,1% en 2023 puis de 4,8% en 2024, tandis qu’en Inde, la croissance se situerait à
5,4% puis s’accélérerait à 6,7% à la faveur d’un ambitieux programme d’investissement dans les infrastructures.

Au niveau national, la succession de deux années de sécheresse conjuguée à un environnement
externe globalement défavorable continuent de peser sur l’activité économique. Avec une
production céréalière estimée par le Département de l’Agriculture à 55,1 millions de quintaux, la
croissance de la valeur ajoutée agricole devrait se limiter à 1,6% en 2023 après une contraction de
12,9% un an auparavant. En 2024, elle devrait, sous l’hypothèse d’une récolte céréalière de 70
millions de quintaux, croitre de 5,5%.

Pour les secteurs non agricoles, la progression de leur valeur ajoutée ralentirait de 3% en 2022 à 2,5% en 2023 avant de s’accélérer à 3,2% en 2024. Au total, après le rebond de 8% en 2021 et la décélération à 1,3% en 2022, la croissance de l’économie
nationale devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, s’établir à 2,4% cette année puis s’améliorer à 3,3% en 2024.

Sur le plan des comptes extérieurs, après la dynamique enregistrée en 2022, les échanges de biens
devraient ressortir en baisse cette année. Ainsi, les exportations reculeraient de 2,8%, reflétant
essentiellement le repli des ventes de phosphate et dérivés, avant de s’accroitre de 6% en 2024,
portées par la hausse des expéditions du secteur automobile.

En parallèle, les importations diminueraient de 2,2%, sous l’effet notamment de l’allégement de la facture énergétique, et
afficheraient une augmentation de 2,9% en 2024, en lien principalement avec l’accroissement prévu
des achats de produits finis de consommation et de biens d’équipement. Par ailleurs, avec la
poursuite attendue de la reprise de l’activité touristique, les recettes voyages devraient progresser
de 14,9% à 107,6 milliards de dirhams en 2023, et connaitre une quasi-stabilité en 2024.

Concernant les transferts des MRE, leur évolution reste entourée de fortes incertitudes, mais les données les
plus récentes laissent présager une dynamique positive à moyen terme, avec des hausses annuelles
autour de 3,5% pour atteindre un montant de 114,7 milliards de dirhams en 2023 et de 118,7
milliards en 2024. Dans ces conditions, le déficit du compte courant avoisinerait 2,5% du PIB en
2023 et en 2024 après 3,5% en 2022. En matière d’IDE, les recettes se situeraient à hauteur de
3,3% du PIB sur l’horizon des projections.

Au total, et tenant compte des financements extérieurs prévisionnels du Trésor, les avoirs officiels de réserve s’établiraient à 361,2 milliards de dirhams à fin 2023 puis à 357,9 milliards à fin 2024, représentant une couverture autour de 5 mois et demi
d’importations de biens et services.

Pour ce qui est des conditions monétaires, les taux débiteurs ont connu une augmentation
trimestrielle de 53 points de base à 5,03% au premier trimestre 2023, recouvrant une hausse de 68
points pour les crédits aux entreprises et une baisse de 9 points pour ceux destinés aux particuliers.

Pour sa part, après une atténuation au début de l’année, le besoin de liquidité des banques se
creuserait à 107,1 milliards de dirhams à fin 2023 et à 118,3 milliards à fin 2024, tiré par une forte
expansion de la monnaie fiduciaire. Tenant compte de ces évolutions et de celle de l’activité
économique, le crédit bancaire au secteur non financier devrait progresser de 3,7% en 2023 et de
4,4% en 2024.

S’agissant du taux de change effectif réel, il s’apprécierait de 0,8% en 2023 et de 1,2% en 2024, résultat de l’appréciation de la monnaie nationale en termes nominaux et d’un niveau d’inflation domestique supérieur en moyenne à celui des pays partenaires et concurrents commerciaux.

Sur le volet des finances publiques, l’exécution budgétaire au titre des cinq premiers mois de 2023
fait ressortir une amélioration de 4,2% des recettes ordinaires portée par l’augmentation des
rentrées fiscales.

En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 6,8% reflétant en particulier
la hausse de celles d’investissement et des charges en intérêts de la dette extérieure. Tenant compte
de l’effort supplémentaire consenti pour le soutien du pouvoir d’achat des ménages, le déficit
budgétaire devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, atteindre 5% du PIB en 2023 avant
de revenir à 4,3% du PIB en 2024, en lien notamment avec la baisse programmée de la charge de
compensation et la progression prévue des rentrées non fiscales.




Mardi 20 Juin 2023
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