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Par Mustapha Sehimi
A partir de demain, et jusqu’au 24 août courant, se tient le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg, en Afrique du Sud. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa accueillera les chefs d’État du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, et de Chine, Xi Jinping. L’Inde sera représentée par son Premier ministre Narendra Modi, et la Russie par son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
Le thème de ce rendez-vous est «Les BRICS et l′Afrique». Plus d’une soixantaine de pays d’Afrique et du Sud global ont été invités pour assister à l’ouverture du sommet et à certains évènements. Aujourd’hui, ce club regroupe 49% de la population mondiale (3,2 milliards de personnes) et environ 25% du PIB mondial. À noter que 23 pays sont officiellement candidats pour intégrer l’organisation: des pays africains (Éthiopie, Sénégal, Égypte, Algérie…), des pays pétroliers (Émirats arabes unis et Arabie saoudite) et l’Iran, ainsi que d’autres, notamment en Amérique latine et en Asie.
Sur cet élargissement, les intérêts des BRICS ne sont pas convergents et les débats de la première journée doivent porter sur les critères d’admission. L’Inde et le Brésil montrent bien de la réticence, la Chine et la Russie poussent à cette extension pour accroître leur influence -c’est plus marqué pour Moscou, isolé par l′Occident depuis la guerre en Ukraine déclenchée le 24 février 2022. Mais d’autres dossiers importants seront ouverts, comme l′accélération de la «dédollarisation» et la réduction de la dépendance à la monnaie américaine.
Ce décor planté, si l’on ose dire, il faut évoquer l’actualité touchant le Maroc et ce sommet. Le 11 août, la ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a annoncé dans une conférence de presse que Rabat a déposé officiellement… une demande d’adhésion à ce groupement!
La même ministre s’était déjà distinguée à ce sujet, voici près de quatre mois, en déclarant que le Royaume manifestait de l’intérêt. Le 19 de ce même mois, une «source autorisée» du ministère marocain des Affaires étrangères réagit avec clarté et fermeté pour mettre à nu ces assertions de l’Afrique du Sud: l’invitation émane du seul gouvernement de ce pays, qui ne cesse de multiplier «à titre national et au sein de l’Union africaine, des agissements notoirement malveillants à l’endroit des intérêts supérieurs du Maroc», le non-respect des règles protocolaires, l’invitation arbitraire de «nombreux pays et entités et le détournement de ce sommet de sa nature et de son objectif, pour servir un agenda inavoué».
Référence est faite au «une-deux» -comme dans le football- entre Pretoria et Alger depuis toujours et en l’espèce à propos de ce sommet. L’Afrique du Sud a voulu faire pression sur le Maroc: le pousser à faire une demande d’adhésion qui aurait été rejetée -synonyme d’un échec diplomatique, et réaliser ainsi une sorte de match nul avec l’Algérie, dont la candidature purge à bon compte la diplomatie erratique du président Tebboune.
Ce chef d’État fait en effet une campagne bien «activiste» depuis un an pour intégrer les BRICS. Il a commencé en juillet 2022, puis a annoncé en novembre que l’année 2023 serait celle de l′adhésion à ce groupe. Et durant les derniers mois, il a beaucoup voyagé à l′étranger en quête d’un soutien après d’États membres: à la mi-juin en Russie, puis en Chine un mois plus tard. La déclaration commune publiée le 18 juillet se borne à noter que «la Chine salue le désir de l’Algérie de rejoindre les BRICS et soutient ces efforts pour atteindre cet objectif». Le service minimum.
L’Algérie a-t-elle beaucoup d’illusions pour son admission? En tout cas, le pays ne fait pas partie de la «short list» de cinq candidats retenus à la veille de ce sommet (l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Indonésie et l’Argentine). En décalage avec son discours officiel obstinément optimiste, c’est le même Tebboune qui avait, en avril dernier, précisé que son pays allait adhérer en tant qu’«observateur» (dans le cadre de l’émission «Podcast» d’Al Jazeera). À la télévision publique chinoise CCTV, il y a un mois, il avait fait une annonce d’une contribution de 1,5 milliard de dollars au fonds de la Nouvelle Banque de Développement des BRICS, créée en 2014 à Shanghaï et dotée d’un capital de 100 milliards de dollars.
Le tableau économique et l’état des lieux de l’Algérie en 2023 ne plaident aucunement pour la recevabilité et l’agrément de son adhésion au groupement des BRICS (faible industrialisation et diversification économique, système bancaire archaïque, PIB seulement de 163 milliards de dollars et de 3.500 dollars par habitant, forte dépendance aux recettes des hydrocarbures…). Le président Tebboune veut mettre en avant, à l’international, l′image d’une «Algérie nouvelle» à l’appui de son deuxième mandat en décembre 2024. Peine perdue au vu de son bilan intérieur aussi (économie, démocratie, droits et libertés, corruption…).
Par Mustapha Sehimi
Le thème de ce rendez-vous est «Les BRICS et l′Afrique». Plus d’une soixantaine de pays d’Afrique et du Sud global ont été invités pour assister à l’ouverture du sommet et à certains évènements. Aujourd’hui, ce club regroupe 49% de la population mondiale (3,2 milliards de personnes) et environ 25% du PIB mondial. À noter que 23 pays sont officiellement candidats pour intégrer l’organisation: des pays africains (Éthiopie, Sénégal, Égypte, Algérie…), des pays pétroliers (Émirats arabes unis et Arabie saoudite) et l’Iran, ainsi que d’autres, notamment en Amérique latine et en Asie.
Sur cet élargissement, les intérêts des BRICS ne sont pas convergents et les débats de la première journée doivent porter sur les critères d’admission. L’Inde et le Brésil montrent bien de la réticence, la Chine et la Russie poussent à cette extension pour accroître leur influence -c’est plus marqué pour Moscou, isolé par l′Occident depuis la guerre en Ukraine déclenchée le 24 février 2022. Mais d’autres dossiers importants seront ouverts, comme l′accélération de la «dédollarisation» et la réduction de la dépendance à la monnaie américaine.
Ce décor planté, si l’on ose dire, il faut évoquer l’actualité touchant le Maroc et ce sommet. Le 11 août, la ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a annoncé dans une conférence de presse que Rabat a déposé officiellement… une demande d’adhésion à ce groupement!
La même ministre s’était déjà distinguée à ce sujet, voici près de quatre mois, en déclarant que le Royaume manifestait de l’intérêt. Le 19 de ce même mois, une «source autorisée» du ministère marocain des Affaires étrangères réagit avec clarté et fermeté pour mettre à nu ces assertions de l’Afrique du Sud: l’invitation émane du seul gouvernement de ce pays, qui ne cesse de multiplier «à titre national et au sein de l’Union africaine, des agissements notoirement malveillants à l’endroit des intérêts supérieurs du Maroc», le non-respect des règles protocolaires, l’invitation arbitraire de «nombreux pays et entités et le détournement de ce sommet de sa nature et de son objectif, pour servir un agenda inavoué».
Référence est faite au «une-deux» -comme dans le football- entre Pretoria et Alger depuis toujours et en l’espèce à propos de ce sommet. L’Afrique du Sud a voulu faire pression sur le Maroc: le pousser à faire une demande d’adhésion qui aurait été rejetée -synonyme d’un échec diplomatique, et réaliser ainsi une sorte de match nul avec l’Algérie, dont la candidature purge à bon compte la diplomatie erratique du président Tebboune.
Ce chef d’État fait en effet une campagne bien «activiste» depuis un an pour intégrer les BRICS. Il a commencé en juillet 2022, puis a annoncé en novembre que l’année 2023 serait celle de l′adhésion à ce groupe. Et durant les derniers mois, il a beaucoup voyagé à l′étranger en quête d’un soutien après d’États membres: à la mi-juin en Russie, puis en Chine un mois plus tard. La déclaration commune publiée le 18 juillet se borne à noter que «la Chine salue le désir de l’Algérie de rejoindre les BRICS et soutient ces efforts pour atteindre cet objectif». Le service minimum.
L’Algérie a-t-elle beaucoup d’illusions pour son admission? En tout cas, le pays ne fait pas partie de la «short list» de cinq candidats retenus à la veille de ce sommet (l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Indonésie et l’Argentine). En décalage avec son discours officiel obstinément optimiste, c’est le même Tebboune qui avait, en avril dernier, précisé que son pays allait adhérer en tant qu’«observateur» (dans le cadre de l’émission «Podcast» d’Al Jazeera). À la télévision publique chinoise CCTV, il y a un mois, il avait fait une annonce d’une contribution de 1,5 milliard de dollars au fonds de la Nouvelle Banque de Développement des BRICS, créée en 2014 à Shanghaï et dotée d’un capital de 100 milliards de dollars.
Le tableau économique et l’état des lieux de l’Algérie en 2023 ne plaident aucunement pour la recevabilité et l’agrément de son adhésion au groupement des BRICS (faible industrialisation et diversification économique, système bancaire archaïque, PIB seulement de 163 milliards de dollars et de 3.500 dollars par habitant, forte dépendance aux recettes des hydrocarbures…). Le président Tebboune veut mettre en avant, à l’international, l′image d’une «Algérie nouvelle» à l’appui de son deuxième mandat en décembre 2024. Peine perdue au vu de son bilan intérieur aussi (économie, démocratie, droits et libertés, corruption…).
Par Mustapha Sehimi