Par Pr Fouad ZAIM
L'antériorité de la construction de Séfrou, par rapport à celle de Fès, a été relevée par Hassan Al-Wazzan Al-Gharnati, dit Léon l'Africain. Une réalité qui aurait été soulignée, dès le début du XIVème siècle, par le chroniqueur Ali Ibn Abi Zar dans son "Rawd al-Qirtas" : "On allait de la ville de Sefrou au village de Fès", a t'il pu écrire. La ville sera décrite, au début du XXème siècle, comme "l'une des plus prospères et des plus ordonnées du Maroc".
C'est en 807, alors que le chantier de Fès venait à peine d'être lancé, que Idriss II, le natif de Walili... Volubilis.. serait venu s'installer durant plus de deux années dans un village sur les berges de la rivière Aggay, qu'il aurait baptisé "Habounna", "ceux qui nous ont aimé", et qui est aujourd'hui un des quartiers de la ville.
Séfrou est en effet traversée par une rivière, l'Oued Assif N'aggay, qui signifierait "les joues" en amazigh.
Au-delà du Mellah, la rivière porte le nom de "Oued Lihoudi". Celle-ci approvisionne l'ensemble des canaux et permet l'irrigation des nombreux jardins de la ville.
Séfrou est également connue pour sa cascade, qui explique la fraîcheur des lieux, ainsi que l'abondance et la richesse de la végétation, qui a valu à la ville le surnom de "Jardin du Maroc".
Séfrou est également réputée, depuis des siècles, pour la cohabitation harmonieuse des trois religions abrahamiques, dont elle a été le havre...ainsi qu'en témoignent les versets qui suivent du vénérable Cheikh soufi Abdelkader Tomouri : " O toi visiteur, avez vous été informé de la beauté de cette ville ? Ses jardins, ses cascades et ses sites, qui vous donnent la joie des yeux et le bonheur de vivre. Son climat, son eau et ses cerises sont pour vous le remède à tous les maux.
Que vous soyez juif, chrétien ou musulman, les habitants de cette ville vous accueillent à bras ouverts. Et à l'aube, ils vous emmènent au point culminant de la colline récupérer la baraka du vénéré Saint Sidi Ali Bousserghine".
Au XIXème siècle, en effet, à Séfrou, les Juifs sont plus nombreux que les Arabes et les Amazighs. La ville est un havre de paix et de convivialité où musulmans et juifs vivent en totale communion. Le Mellah aurait été construit dès le XIIIème siècle, sous le règne d'un Sultan mérinide Yacoub ben Abdelhaq. Les Juifs de la ville sont le plus souvent des artisans spécialisés dans le cuivre, l'argent, l'or, et le cuir, mais pratiquaient également le tissage, la menuiserie et le commerce du bois et du charbon.
Si jamais vous avez l'opportunité et la joie de visiter Séfrou, veillez à arpenter la vieille médina, à franchir ses 7 portes, à parcourir ses remparts, à découvrir ses borjs, ses demeures juives agrémentées de leurs balcons, ses zaouias, ses mosquées, ses ponts et ses foundouks.
Rendez vous ensuite au complexe artisanal de Bab Lamqam, ainsi qu'au Mausolée de Sidi Ali Bousserghine, le saint patron de la ville. N'oubliez surtout pas de vous rafraîchir près de la cascade de l'oued Aggay et sur les terres fertiles qui l'environnent, où pousse "habb lemlouk", le cerisier. Allez enfin visiter le Kahf Lihoud, la "grotte du juif", au milieu de la falaise de Jbel Al-Binna.
Au cas où vous souhaiteriez découvrir Sefrou, allez y de préférence, si vous ne détestez pas la foule, au courant du mois de juin, pour le fameux "festival des cerises". Vous y ferez la fête durant trois jours, y célébrerez la beauté de la région et sa richesse culturelle, et choisirez...dans le tintamarre burlesque des musiques rurales et urbaines ..et le brouhaha assourdissant des fanfares et des chevauchées de la fantasia.... la nouvelle "reine des cerises". Vous ne le regretterez sans doute pas.
Par Pr Fouad ZAIM