Mme Asma Lamrabet est Médecin biologiste et spécialiste en hématologie qui fût pendant une certaine période Directrice du Centre d’études féminines, affilié à l’institution religieuse « Rabita des oulémas du Maroc.
C’est la médecine qui lui a permis de se poser beaucoup de questions par rapport à l’être humain, le corps, la création… Dans le cursus médical, il y a certaines choses très compliquées dépassant les sciences exactes et qui prouvent qu’il y a une création divine.
Elle est d’ailleurs connue pour ses recherches scientifiques, en rapport avec la religion et la question de la femme dans l’Islam, auxquelles elle n’a eu le temps qu’après-avoir terminé sa spécialité médicale.
Sur une question concernant la compatibilité entre les Sciences et la religion, Mme Lamrabet estime que la religion englobe tout : la spiritualité, les sciences exactes, les sciences humaines et sociales, l’écologie, l’environnement…et qu’elle ne voit pas de dichotomie entre les deux. Seulement, notre rapport avec l’islam traditionnel ne nous permet pas de répondre aux questions que l’on se pose. On nait musulmans de culture, mais on ne nous dit jamais pourquoi. Cependant, à un moment ou un autre de la vie, chacun se pose des questions et tout le monde est passé par cette phase de questionnements.
C’est la médecine qui lui a permis de se poser beaucoup de questions par rapport à l’être humain, le corps, la création… Dans le cursus médical, il y a certaines choses très compliquées dépassant les sciences exactes et qui prouvent qu’il y a une création divine.
Elle est d’ailleurs connue pour ses recherches scientifiques, en rapport avec la religion et la question de la femme dans l’Islam, auxquelles elle n’a eu le temps qu’après-avoir terminé sa spécialité médicale.
Sur une question concernant la compatibilité entre les Sciences et la religion, Mme Lamrabet estime que la religion englobe tout : la spiritualité, les sciences exactes, les sciences humaines et sociales, l’écologie, l’environnement…et qu’elle ne voit pas de dichotomie entre les deux. Seulement, notre rapport avec l’islam traditionnel ne nous permet pas de répondre aux questions que l’on se pose. On nait musulmans de culture, mais on ne nous dit jamais pourquoi. Cependant, à un moment ou un autre de la vie, chacun se pose des questions et tout le monde est passé par cette phase de questionnements.
Le Coran : Lecture et concertation sur les sciences religieuses et sur la femme
La première remarque, c’est qu’il y a un discours discriminatoire par rapport aux femmes, dans nos traditions. Une lecture approfondie du Coran et des interprétations, vers les années 90, en tant qu’autodidacte, a montré que la femme vit dans les contradictions.
L’instrumentalisation politique des femmes est universelle, mais dans nos sociétés arabo-musulmanes, elle est pire, parce que la religion en constitue le socle identitaire.
« Il y a des injustices et des discriminations partout, et dès que cela touche la femme, on nous sort le religieux. Il faut être conscient qu’il y a une instrumentalisation politique du religieux par rapport à la discrimination des femmes ».
Religion et femmes : que de contradictions !
Si dans nos traditions, l’on sent que l’Islam honore les femmes, dans la réalité, il y a quelques discriminations, au nom du religieux et de l’Islam, autrement dit, une obéissance complètement contradictoire avec la liberté que donne la religion. Il y a un déphasage entre ce que dit le message du Coran et la vie du prophète Sidna Mohammed, et ce que disent les interprètes.
« Avec l’âge, les écrits et les lectures, on prend conscience que ces interprètes étaient en majorité des hommes qui marginalisaient l’apport des femmes. Ils ont une spiritualité masculine et interprètent les versets en fonction de leurs contextes. J’ai compris aussi que la révélation qui s’est faite au septième siècle nous demande à chaque fois de la jurisprudence, sinon ce ne serait pas une religion vivante ».
Sur cette question des femmes, il n’y a pas eu de contextualisation, à l’image de ce qui a été fait pour la réforme du Code de la famille, lequel accompagne actuellement la société marocaine.
Alem d’antan, Alem d’aujourd’hui
Sa condition de médecin avait constitué à une certaine période une entrave. On lui disait à chaque fois qu’elle voulait interpréter : vous êtes médecin, vous n’êtes pas autorisée à parler de la religion. Comme si les anciens érudits, tels que Ibn Sina se contentaient d’une seule chose : il était philosophe et médecin. Pour Mme Lamrabet, un « alem » devait être multidisciplinaire. Si la médecine est une science exacte, la religion qui interpelle tout le monde, est une science humaine, sociale interprétative et où il n’y a pas le monopole du « alem » et du religieux masculin. D’autant plus qu’un alem dans notre contexte aujourd’hui, est incapable de donner une réponse, parce qu’il n’a pas l’outil sociologique humain pour lire le contexte. C’est un alem du texte, mais pas du contexte. Il faudrait une jurisprudence collective (ijtihad) comme ce qui a été fait pour la réforme du Code de la famille. Pour toute problématique dans laquelle on vit, il faudrait une concertation profonde, chacun dans sa pluridisciplinarité peut donner un avis pour trouver la solution.
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Les interprétations pour ce qui est des femmes, tiraillées entre plusieurs fronts
On refusait autrefois l’interprétation des textes sacrés par les femmes. Il y a femmes conservatrices et femmes modernistes qui parlent de Droits universels. Les non-musulmans nous voient comme des femmes soumises, victimes… Or, il y a une troisième voie, entre tradition et modernité, qui fait acte de réconciliation et de compatibilité entre religion et Droits humains universels.
Droits universels, égalité, émancipation, dignité de l’être humain, droits politiques, économiques…, tout est dans l’Islam. L’islam offre toutes ces latitudes à condition d’en faire une lecture réformiste. C’est cette troisième voie qui permet de sortir de l’extrémisme religieux, du littéralisme et de l’extrémisme moderniste.
L’interprétation des femmes a été écartée
La lecture discriminatoire des questions de femmes remonte à très longtemps dans l’Histoire de la civilisation islamique.
D’ailleurs, un grand chercheur a découvert que dans les préceptes de l’islam, il y a 8 000 femmes érudites, entre faqira, mohaddita, moufti…, qui avaient enseigné dans les mosquées arabo-musulmanes et à l’intérieur même de « al Kaaba », aux hommes et aux femmes, mixtes. Seulement, elles ont été marginalisées et écartées après les conquêtes islamiques, les problèmes politiques... et n’ont pas participé à la codification des sciences (attadwine) au neuvième siècle. Tout ce qui est resté, c’est juste la traduction orale, et non pas d’écrits au niveau des sciences islamiques. Toutes les interprétations sont masculines. Même au niveau de tafsir(traduction), où l’apport des femmes dans ce volet , quoique important, n’a pas été pris en considération.
Droits universels, égalité, émancipation, dignité de l’être humain, droits politiques, économiques…, tout est dans l’Islam. L’islam offre toutes ces latitudes à condition d’en faire une lecture réformiste. C’est cette troisième voie qui permet de sortir de l’extrémisme religieux, du littéralisme et de l’extrémisme moderniste.
L’interprétation des femmes a été écartée
La lecture discriminatoire des questions de femmes remonte à très longtemps dans l’Histoire de la civilisation islamique.
D’ailleurs, un grand chercheur a découvert que dans les préceptes de l’islam, il y a 8 000 femmes érudites, entre faqira, mohaddita, moufti…, qui avaient enseigné dans les mosquées arabo-musulmanes et à l’intérieur même de « al Kaaba », aux hommes et aux femmes, mixtes. Seulement, elles ont été marginalisées et écartées après les conquêtes islamiques, les problèmes politiques... et n’ont pas participé à la codification des sciences (attadwine) au neuvième siècle. Tout ce qui est resté, c’est juste la traduction orale, et non pas d’écrits au niveau des sciences islamiques. Toutes les interprétations sont masculines. Même au niveau de tafsir(traduction), où l’apport des femmes dans ce volet , quoique important, n’a pas été pris en considération.
Le débat sur des sujets polémiques : avortement, héritage, égalité…, toujours d’actualité
Pour Mme Lamrabet, le débat devrait se faire à travers des conseils pluridisciplinaires. Outre le Conseil des Oulemas, il faut impliquer l’économiste, le politicien, le sociologue, l’anthropologue…. Il s’agit de régler les problématiques de façon éthique tout en restant dans le référentiel islamique.
II faut toujours revenir à la justice du verset. Le coran, c’est la justice et le verset demande de la justice. Ce qui est clair, c’est que chaque fois qu’il y a de l’injustice, on n’est plus en train de pratiquer l’Islam.
Concernant l’héritage, la solution n’est pas de dire : il ne faut pas y toucher. Il y a beaucoup de versets égalitaires où l’homme et la femme héritent la même part. Il y a même des versets où la femme hérite plus que l’homme, cela dépend de la filiation, mais ce sont des cas rares. Le cas le plus fréquent, c’est celui des parents qui meurent et qui laissent des frères et sœurs. C’est là où la demi-part exigée fait polémique.
Si la femme a la demi-part, c’est que le frère est censé la prendre en charge, à travers l’autre moitié. Tous les oulémas disent que le frère est responsable de sa sœur. Le verset est très juste. Seulement, c’était possible dans un autre temps où la famille était traditionnelle, où la femme ne travaillait pas, ne sortait pas, n’était pas responsable et le frère pouvait s’occuper d’elle. Aujourd’hui, notre mode de société a complètement changé, et les femmes cheffes de famille sont à la hausse. Elles sont responsables aussi bien de leurs frères, de leur père que de toute la famille. La réalité économique de nos jours fait que, ni l’obligation ni la bonne intention ne peuvent pousser le frère à s’occuper de sa sœur.
La solution est dans l’éducation
La première étape à faire dans ces différents cas, c’est d’expliquer à l’école aux élèves, les versets coraniques. En matière d’héritage, on doit apprendre à la fille qu’elle hérite de la moitié parce que son frère est responsable d’elle, sinon elle le prend comme une frustration qui se développe dès l’enfance. Le garçon, par contre, se croit valorisé et grandit avec l’idée que Dieu l’a choisi et qu’il est supérieur. Si on avait la sagesse de leur apprendre qu’on lui donne le double parce qu’il en est responsable, s’il ne peut le faire, il va rendre sa demi-part. C’est cette égalité que Mme Asma revendique par rapport aux versets de l’héritage.
Pour ce qui est de l’avortement dans la littérature classique, les interprétations du religieux sont connues. Depuis plus d’un siècle, l’avortement est possible à 120 jours, parce qu’il n’y a pas encore d’âme (arrouh). De nos jours, le débat est emprisonné. Il y a des priorités et la vie de la maman passe avant tout.
« Seulement, en tant que médecin, je sais qu’aucune femme, dans le cas de malformations congénitales, ne va aller volontairement faire un avortement. Il y a toujours une souffrance extrême derrière une nécessité absolue. C’est du corps des femmes dont il s’agit ».
Il ne faut pas légiférer et permettre, mais légiférer de manière apaisée, ouverte et en respectant l’éthique de l’islam.
Ce qui est remarqué, c’est que la croyance n’est plus basée sur la spiritualité mais sur la crise identitaire, et c’est ce qu’il faut revoir dans le système éducatif, au niveau des manuels scolaires. Il faudrait y allouer les moyens et les compétences nécessaires, pour qu’elle soit profonde et multidisciplinaire (éducateurs, pédagogues, sociologues, religieux), et qu’il y ait un consensus.
II faut toujours revenir à la justice du verset. Le coran, c’est la justice et le verset demande de la justice. Ce qui est clair, c’est que chaque fois qu’il y a de l’injustice, on n’est plus en train de pratiquer l’Islam.
Concernant l’héritage, la solution n’est pas de dire : il ne faut pas y toucher. Il y a beaucoup de versets égalitaires où l’homme et la femme héritent la même part. Il y a même des versets où la femme hérite plus que l’homme, cela dépend de la filiation, mais ce sont des cas rares. Le cas le plus fréquent, c’est celui des parents qui meurent et qui laissent des frères et sœurs. C’est là où la demi-part exigée fait polémique.
Si la femme a la demi-part, c’est que le frère est censé la prendre en charge, à travers l’autre moitié. Tous les oulémas disent que le frère est responsable de sa sœur. Le verset est très juste. Seulement, c’était possible dans un autre temps où la famille était traditionnelle, où la femme ne travaillait pas, ne sortait pas, n’était pas responsable et le frère pouvait s’occuper d’elle. Aujourd’hui, notre mode de société a complètement changé, et les femmes cheffes de famille sont à la hausse. Elles sont responsables aussi bien de leurs frères, de leur père que de toute la famille. La réalité économique de nos jours fait que, ni l’obligation ni la bonne intention ne peuvent pousser le frère à s’occuper de sa sœur.
La solution est dans l’éducation
La première étape à faire dans ces différents cas, c’est d’expliquer à l’école aux élèves, les versets coraniques. En matière d’héritage, on doit apprendre à la fille qu’elle hérite de la moitié parce que son frère est responsable d’elle, sinon elle le prend comme une frustration qui se développe dès l’enfance. Le garçon, par contre, se croit valorisé et grandit avec l’idée que Dieu l’a choisi et qu’il est supérieur. Si on avait la sagesse de leur apprendre qu’on lui donne le double parce qu’il en est responsable, s’il ne peut le faire, il va rendre sa demi-part. C’est cette égalité que Mme Asma revendique par rapport aux versets de l’héritage.
Pour ce qui est de l’avortement dans la littérature classique, les interprétations du religieux sont connues. Depuis plus d’un siècle, l’avortement est possible à 120 jours, parce qu’il n’y a pas encore d’âme (arrouh). De nos jours, le débat est emprisonné. Il y a des priorités et la vie de la maman passe avant tout.
« Seulement, en tant que médecin, je sais qu’aucune femme, dans le cas de malformations congénitales, ne va aller volontairement faire un avortement. Il y a toujours une souffrance extrême derrière une nécessité absolue. C’est du corps des femmes dont il s’agit ».
Il ne faut pas légiférer et permettre, mais légiférer de manière apaisée, ouverte et en respectant l’éthique de l’islam.
Ce qui est remarqué, c’est que la croyance n’est plus basée sur la spiritualité mais sur la crise identitaire, et c’est ce qu’il faut revoir dans le système éducatif, au niveau des manuels scolaires. Il faudrait y allouer les moyens et les compétences nécessaires, pour qu’elle soit profonde et multidisciplinaire (éducateurs, pédagogues, sociologues, religieux), et qu’il y ait un consensus.