Vous avez peut-être croisé cette story Instagram : un influenceur marocain, posé au bord d'une piscine à Dubaï, téléphone à la main, qui vous promet la liberté financière en deux clics grâce à une plateforme "exclusive". Le rêve ? Plutôt un cauchemar qui commence.

Ces derniers mois, des dizaines de Marocains – souvent jeunes, connectés, avides de réussite rapide – se sont laissés piéger. Ce n’est plus une rumeur. Des dizaines de faux sites de trading ont fleuri comme des champignons après la pluie digitale. Leur promesse ? Des rendements spectaculaires, parfois en cryptomonnaies, parfois en actions "virtuelles", le tout avec zéro connaissance exigée. Résultat ? Des portefeuilles vidés, des économies envolées, et des influenceurs... disparus dans la nature.

Un trader aguerri le dirait sans détour : "si c’est trop beau pour être vrai, c’est que c’est probablement une arnaque." Mais dans un pays où l’éducation financière est encore embryonnaire, ces mirages trouvent facilement preneurs. Le scénario est souvent le même : un lien vers une fausse plateforme, des premiers gains simulés pour gagner la confiance, puis une demande de dépôt plus important. Une fois les fonds transférés – souvent plus de 10 000 dirhams –, la plateforme se fige, le contact se coupe, et la leçon coûte cher.

Le plus inquiétant ? C’est que ces escroqueries s’appuient sur des relais bien implantés dans notre écosystème numérique. Des influenceurs, parfois suivis par des centaines de milliers de Marocains, s’improvisent conseillers en investissement. L’un d’eux avait même organisé un live "Bourse & Crypto pour débutants" avec des chiffres bidonnés et des faux témoignages de clients ravis. Un spectacle bien rodé... sauf qu’à la fin, c’est toujours le spectateur qui paie l’addition.

Face à cette déferlante, la loi semble à la traîne. Certes, le Code pénal marocain condamne la fraude, mais l’absence d’un régulateur dédié aux plateformes d’investissement en ligne crée un vide juridique. Et lorsqu’il s’agit de prouver une escroquerie numérique, c’est un véritable casse-tête judiciaire. Qui héberge le site ? Dans quel pays ? Quelle juridiction appliquer ? Autant de zones grises qui ralentissent, voire bloquent les poursuites.

"J’ai porté plainte, mais on m’a dit que la plateforme était domiciliée aux Seychelles", raconte Rachid, 34 ans, cadre à Casablanca. "Et mon influenceur préféré ? Il m’a bloqué dès que j’ai réclamé des explications."

Le fléau prend de l’ampleur, et pourtant, il reste sous-estimé. Il y a urgence à créer une cellule spécialisée au sein de la Bourse de Casablanca, ou à la Bank Al-Maghrib, pour encadrer l’investissement digital et protéger les novices.

 Fascinés par les histoires de traders millionnaires à vingt ans, éblouis par les selfies en Lamborghini, on oublie que la Bourse, la vraie, est un marathon et non un sprint. Peut-être faut-il aussi questionner notre propre rapport à l’argent facile, et notre refus d’apprendre les bases de l’économie avant de cliquer sur "investir".