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Le roi Mohammed VI a fait hier mercredi 29 juillet sa première sortie directe à la nation depuis le début de la crise sanitaire, à travers son traditionnel discours du Trône. Et comme on s’y attendait, comme attendu, tout le discours était consacré à la Covid-19, avec le passé, le présent et l’avenir.
1/ La forme. Le roi ne porte pas de masque, car il doit parler, mais les princes Moulay Hassan et Moulay Rachid, en plus de l’aide de camp, en portent. Le discours est diffusé à 9h tapantes, comme prévu, et ne dure qu’une quinzaine de minutes, court, structuré et précis. Enfin, le roi entame et achève son discours sur deux notes d’espoir, la première en liant la fête nationale à la fête religieuse, et la seconde en citant le verset de la sourate « le divorce », « Allah n'impose à personne que selon ce qu'Il lui a donné, et Allah fera succéder l'aisance à la gêne » (65-7).
Enfin, le roi adopte une posture churchillienne en précisant que « malgré ces mesures et en dépit de nos efforts pour atténuer l'acuité de cette crise sanitaire, je le dis en toute sincérité, les incidences seront rudes ». Il faudra donc s’attendre à des jours sombres, d’où la suite du discours pour essayer d’atténuer les effets des affres à venir.
2/ Les mesures anti-Covid. Le roi fait un petit cadeau au gouvernement, particulièrement chahuté, en assumant clairement, à la première personne, les grandes décisions prises : « Grâce aux mesures et aux décisions cruciales que Nous avons adoptées dès les premières manifestations de la pandémie au Maroc, nous nous sommes montrés confiants et optimistes. Ce n’est pas de gaieté de cœur que Nous avons choisi d’adopter une combinaison de résolutions difficiles, voire rudes parfois ». Cadeau inespéré pour l’équipe Elotmani, sévèrement bousculée et fissurée depuis plusieurs semaines.
3/ Les chiffres. Le Fonds Covid-19, dit le chef de l’Etat, a mobilisé 33,7 milliards de DH, dont 24,7 ont été déjà engagés. Par ailleurs, le roi annonce une enveloppe de 120 milliards de DH à injecter sous peu dans l’économie, mais sans préciser sa provenance : Dette ? Contributions supplémentaires de contributeurs volontaires ? « Avances » de la banque centrale (ne parlons surtout pas de création de monnaie, M. Jouahri n’aime pas du tout) ? Impôt ? On n’en sait rien, mais l’impôt semble exclu, le tissu productif national ne le permettant tout simplement pas.
4/ L’organisation économique. Le roi a évoqué la création d’un Fonds d’investissement stratégique pour l’appui, l’accompagnement et le financement. Il est probable que ce sera ce fonds qui aura en charge la gestion des 120 milliards de DH.
Par ailleurs, et plus loin, le chef de l’Etat critique « les dysfonctionnements structurels des établissements et des entreprises publics », et donc appelle à la « création d’une Agence Nationale dont la mission consistera à assurer la gestion stratégique des participations de l’Etat et à suivre la performance des établissements publics ».
Ces deux entités seront-elles fondues en une seule ? Seront-elles complémentaires, distinctes ? Le roi n’en dira pas plus, mais il faudra par la suite articuler l’organisme de gestion des 120 milliards de DH avec les conclusions/recommandations de la Commission sur le Modèle économique, car on peut supposer que la cagnotte ira aux secteurs productifs, à la jeunesse, au monde rural, et que tout cela participe de l’idée d’un nouveau modèle de développement.
5/ La couverture sociale. « Notre aspiration prioritaire est d’assurer la protection sociale à tous les Marocains (…). Nous considérons que le moment est venu de lancer, au cours des cinq prochaines années, le processus de généralisation de la couverture sociale au profit de tous les Marocains ». Il faut bien que du positif sorte du négatif, celui-ci étant les systèmes de santé et de couverture sociale largement défaillants, ainsi que nous l’avons pu constater durant cette crise. Et la couverture sociale, c’est aussi bien l’assurance maladie obligatoire et les allocations familiales, que la retraite et l’indemnité pour perte d’emploi. Les concernés (gouvernement, partenaires sociaux…) sont instamment priés d’aller vite, de concocter un programme et un calendrier d’ici 2021 et démarrer, puis réaliser, ce programme en cinq ans. Ambitieux, difficile, mais nécessaire car parmi les avantages de ce programme, l’identification du secteur informel qui aura pu être « assisté » durant cette crise, mais qui ne pourra pas l’être indéfiniment tant qu’il existe et qu’il survit en dehors de la sphère économique.
Aucune annonce politique, aucune critique formulée à une classe politique, à un gouvernement, largement décriés au sein de l’opinion publique, consciente que la gestion de la Covid-19 fut l’œuvre du roi, et non du gouvernement. Le discours est résolument positif, réaliste… Mais, connaissant le chef de l’Etat, les décisions sont prises distinctement aux discours, au cas par cas, aussi sereinement que spectaculairement, comme le dernier communiqué sur le conseil de la concurrence…
Par Aziz Boucetta sur www.panorapost.com