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Amnistie fiscale : Oui mais...


Le gouvernement cède volontiers à l'optimisme à propos du bilan de 1'amnistie fiscale enregistré au 31 décembre 2024. Il avait fait des prévisions de l'ordre de 60 milliards de dirhams (MMMDH). C'est plus du double avec 127 MMMDH. Mais par-delà ce chiffre, bien des interrogations subsistent.



Par Mustapha Sehimi

Baptisée " régularisation volontaire", cette amnistie se traduit par une taxation libératoire de 5% sur les avoirs en espèces, les biens immobiliers et les apports des associés en compte courant. Les indications disponibles déclinent le "cash" autour de 85 MMMDH et de 40 MMMDH pour le reste. Pour le trésor, cela fait une recette de 6 MMMDH. Une ressource bien venue au moment où les finances publiques accusent de grandes charges pour 2025 et que le déficit budgétaire - de 4,3% en 2023 et de 4 % en 2024 - doit être réduit à 3,5 % en 2025.
 

La problématique du "cash"

 

Cela dit, au-delà de cette nouvelle rentrée fiscale, quelle est la politique poursuivie par le gouvernement ? Cette injection d'espèces dans l'économie formelle arrange les banques qui pâtissent d'un découvert pratiquement permanent de liquidités. Selon une évaluation d'un organisme spécialisé, en l'occurrence Attijari Global Reserach (AGR), ce déficit tourne autour de 140 MMMDH. Or, selon les chiffres de Bank Al-Maghrib qui suit cette question de manière sourcil1leuse, le "cash" est environ de 425 MMMDH. Si bien qu'aujourd’hui, après les 85 MMMDH désormais régularisés, soit 20% du total, il reste encore 340 MMMDH dans la nature, si l'on se dire... 
 

Comment évaluer donc cette opération ? L'objectif est d'abord d'améliorer la relation entre l'administration fiscale et les contribuables. Il est vrai qu'il y en la matière bien des insuffisances. A cela, il faut ajouter une préoccupation plus conjoncturelle liée à l'amélioration de la situation des finances publiques. Le montant moyen par déclaration a été de 3 millions de dirhams (MMDH) est comparable celui de l'amnistie de 2020 et le double de celui de 2014. A noter la part élevée des actifs réels (biens immobiliers) et financiers respectivement de 40 %.
 

Une autre interrogation regarde le mode de pilotage de cette amnistie fiscale. Pour faire simple, l'on a affaire à une "transaction" entre 1'État d'un côté et le contribuable contrevenant de l'autre. Elle se veut volontaire puisque ce dernier peut y souscrire en n'étant plus susceptible de poursuite par l'Office des changes pour infraction à la règlementation en vigueur. Ce faisant, c'est pour lui un autre avantage: celui de consolider une certaine stabilité patrimoniale (liquidités et biens) et de continuer à disposer ainsi des avoirs déclarés. Il reste que le débat rebondit sur l'équité que génère ou pas l'amnistie. N'y-a-t-il pas quelque traitement différencié discrimination même entre les contrevenants et les contribuables qui respectent la règlementation fiscale applicable ? Par ailleurs, cela pose le problème de l'efficacité du dispositif de contrôle des changes. 
 

Il y a eu en effet trois amnisties durant la décennie écoulée : celle du cabinet Benkirane en 2014 avec une contribution libératoire de 10 % avec un rapatriement de 28 MMMDH; celle de son successeur, El Othmani en 2020 qui a porté sur un montant global de 6 MMMDH; et celle de ce gouvernement Akhannouch avec 125 MMMDH. La politique fiscale n'a-t- elle pas d'autre gouvernance que de décider de lois d'amnistie récurrentes? L'économie informelle va-t-elle se réduire ? Les prévisionnistes en doutent ; certains avancent même qu'elle va rebondir et se redéployer. Faut-il considérer alors que c'est un trait structurant de l'économie nationale et qu'elle est installée durablement dans les circuits ? 
 


Une réforme de normalisation

 

Une communication appropriée est utile pour contenir et réduire ce phénomène. La confiance à rétablir entre l'administration fiscale et le contribuable ? Oui, bien entendu, et elle prendra du temps. Mais également ceci: la croyance que la législation fiscale est équitable et transparente; qu'elle n'est pas variable mais au contraire stabilisée, prévisible et donc sécurisante; et que l'impôt est une contribution citoyenne aux charges publiques comme le précise l'article 39 de la Constitution.

Enfin, l'opportunité ne se présente-telle pas désormais pour laisser de côté la politique de l'amnistie et appréhender globalement la règlementation de la politique du contrôle des changes. L'évolution à retenir, entre autres, pourrait être celle d'une réforme et d'une accélération du processus de libéralisation en la matière. Une normalisation et une optimisation qui rendrait pratiquement caduque et inopérante une prochaine…amnistie!

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid 




Mercredi 15 Janvier 2025

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