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Par Mustapha Sehimi
Le prochain sommet annuel des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) est prévu pour la fin du mois d’août. Il vient de faire l’objet, les 1er et 2 juin courant, d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de ces cinq pays dans la ville du Cap, en Afrique du Sud.
Ce qui donne une forte visibilité internationale à cette organisation cette fois-ci, c’est la participation de la Fédération de Russie. Vladimir Poutine sera-t-il présent? La responsable sud-africaine, Naledi Pandor, a esquivé cette question et a surtout mis en cause les puissances occidentales: «Nous ne pouvons pas permettre qu’un conflit dans une partie du monde, en Ukraine, remplace l’ambition d’éradiquer la pauvreté qui est le plus grand défi mondial».
Et d’ajouter que les pays occidentaux avaient «failli dans la coopération» car «le sort des pauvres est oublié» et «l′attention et les ressources des pays riches sont engagées dans un conflit mondial». Selon elle, «nous devons inverser la tendance».
Cela dit, comment se présente l’éventuelle participation du maître du Kremlin? Un mandat d’arrêt a été émis contre lui le 17 mars dernier par la Cour pénale internationale (CPI). L’Afrique du Sud a ratifié, comme 123 autres membres, le statut de la CPI. A ce titre, elle a l’obligation d’exécuter tous ses mandats d’arrêt. Cette question divise pourtant les juristes.
Pour certains, un pays doit respecter l′immunité des chefs d’Etat qui n’ont pas adhéré à la Cour. C’est le cas de la Russie, qui n’a pas ratifié en effet le traité de Rome instituant la CPI. Comme pour sécuriser le sommet des BRICS, le gouvernement sud-africain a adopté un texte accordant l’immunité diplomatique aux participants, une mesure standard sans doute pour l’organisation des conférences internationales mais qui n’en prend pas moins un relief particulier avec Poutine, haut responsable d’une puissance nucléaire, membre du Conseil de sécurité.
La diligence particulière du procureur de la CPI, Karim Khan, à lancer un mandat d’arrêt contre Poutine s’apparente à une politique des «deux poids, deux mesures».
La Cour est en effet saisie de pas moins de 17 enquêtes internationales -dont l’Afghanistan et la Palestine- conduites avec beaucoup moins de célérité et de mobilisation. Poutine sera-t-il à ce sommet? La réponse par la négative paraît bien s’imposer, ne serait-ce que parce que la guerre en Ukraine lui impose d’être au Kremlin...
Les BRICS sont un groupe dont le terme initial a été inventé en 2001, sous le nom BRIC, avant l’ajout de l’Afrique du Sud en 2011. Les cinq membres actuels présentent des traits différenciés: le Brésil, l′Inde et la Chine sont considérés comme les grandes puissances émergentes.
La Russie est une puissance en voie de restauration. Quant à l’Afrique du Sud, c’est davantage une puissance régionale. En dix ans, leur place dans l′économie mondiale a fortement progressé: 16% du PIB mondial en 2001 puis 27% en 2011, 31% en 2023 et 40% dans les prochaines années selon certaines projections. Les pays du BRICS représentent une population de 3,3 milliards d’habitants, soit 41% de celle mondiale.
En juillet 2014, au sommet de Fortaleza (Brésil), les BRICS ont décidé la création d’une banque de développement basée à Shanghai et d’un fonds de réserve. C’est l′ex-présidente du Brésil, Dilma Rousseff, qui a été nommée à sa tête.
A ce jour, la NBD (Nouvelle Banque de Développement), de 100 milliards de dollars, a une bonne notation de crédit internationale (AA+ de Fitch Ratings et de S&P Global Ratings). Elle a approuvé plus de 90 projets totalisant 32 milliards de dollars dans différents secteurs. L’Egypte a officiellement rejoint la NBD le 22 mars dernier. Une décision similaire a été prise concernant les Emirats arabes unis, l′Uruguay et le Bangladesh.
Les BRICS s’emploient à une certaine politique de non-alignement à l’Occident comme moyen de négociation. C’est l’objectif, celui d’un ordre mondial émergent faisant face à l’Occident: voilà qui éclaire leur convergence autour du non-alignement. Sur la base de quelles préoccupations?
Alimenter leur croissance future par le transfert de nouvelles technologies, renforcer leur sécurité par le transfert de matériel militaire avancé, renforcer leur pouvoir de négociation dans le cadre d’accords commerciaux avec une Europe dépendante des exportations et des Etats-Unis à la recherche d’alliés géoéconomiques dans un bloc anti-Chine et anti-Russie, sécuriser les produits de base essentiels (denrées alimentaires, énergie, métaux et engrais du nouveau bloc russo-chinois), et enfin renforcer leur pouvoir de négociation dans la restructuration de la dette envers les créanciers occidentaux et chinois au cours d’une crise mondiale de la dette en dollars qui menace leur souveraineté.
Ce qui donne une forte visibilité internationale à cette organisation cette fois-ci, c’est la participation de la Fédération de Russie. Vladimir Poutine sera-t-il présent? La responsable sud-africaine, Naledi Pandor, a esquivé cette question et a surtout mis en cause les puissances occidentales: «Nous ne pouvons pas permettre qu’un conflit dans une partie du monde, en Ukraine, remplace l’ambition d’éradiquer la pauvreté qui est le plus grand défi mondial».
Et d’ajouter que les pays occidentaux avaient «failli dans la coopération» car «le sort des pauvres est oublié» et «l′attention et les ressources des pays riches sont engagées dans un conflit mondial». Selon elle, «nous devons inverser la tendance».
Cela dit, comment se présente l’éventuelle participation du maître du Kremlin? Un mandat d’arrêt a été émis contre lui le 17 mars dernier par la Cour pénale internationale (CPI). L’Afrique du Sud a ratifié, comme 123 autres membres, le statut de la CPI. A ce titre, elle a l’obligation d’exécuter tous ses mandats d’arrêt. Cette question divise pourtant les juristes.
Pour certains, un pays doit respecter l′immunité des chefs d’Etat qui n’ont pas adhéré à la Cour. C’est le cas de la Russie, qui n’a pas ratifié en effet le traité de Rome instituant la CPI. Comme pour sécuriser le sommet des BRICS, le gouvernement sud-africain a adopté un texte accordant l’immunité diplomatique aux participants, une mesure standard sans doute pour l’organisation des conférences internationales mais qui n’en prend pas moins un relief particulier avec Poutine, haut responsable d’une puissance nucléaire, membre du Conseil de sécurité.
La diligence particulière du procureur de la CPI, Karim Khan, à lancer un mandat d’arrêt contre Poutine s’apparente à une politique des «deux poids, deux mesures».
La Cour est en effet saisie de pas moins de 17 enquêtes internationales -dont l’Afghanistan et la Palestine- conduites avec beaucoup moins de célérité et de mobilisation. Poutine sera-t-il à ce sommet? La réponse par la négative paraît bien s’imposer, ne serait-ce que parce que la guerre en Ukraine lui impose d’être au Kremlin...
Les BRICS sont un groupe dont le terme initial a été inventé en 2001, sous le nom BRIC, avant l’ajout de l’Afrique du Sud en 2011. Les cinq membres actuels présentent des traits différenciés: le Brésil, l′Inde et la Chine sont considérés comme les grandes puissances émergentes.
La Russie est une puissance en voie de restauration. Quant à l’Afrique du Sud, c’est davantage une puissance régionale. En dix ans, leur place dans l′économie mondiale a fortement progressé: 16% du PIB mondial en 2001 puis 27% en 2011, 31% en 2023 et 40% dans les prochaines années selon certaines projections. Les pays du BRICS représentent une population de 3,3 milliards d’habitants, soit 41% de celle mondiale.
En juillet 2014, au sommet de Fortaleza (Brésil), les BRICS ont décidé la création d’une banque de développement basée à Shanghai et d’un fonds de réserve. C’est l′ex-présidente du Brésil, Dilma Rousseff, qui a été nommée à sa tête.
A ce jour, la NBD (Nouvelle Banque de Développement), de 100 milliards de dollars, a une bonne notation de crédit internationale (AA+ de Fitch Ratings et de S&P Global Ratings). Elle a approuvé plus de 90 projets totalisant 32 milliards de dollars dans différents secteurs. L’Egypte a officiellement rejoint la NBD le 22 mars dernier. Une décision similaire a été prise concernant les Emirats arabes unis, l′Uruguay et le Bangladesh.
Les BRICS s’emploient à une certaine politique de non-alignement à l’Occident comme moyen de négociation. C’est l’objectif, celui d’un ordre mondial émergent faisant face à l’Occident: voilà qui éclaire leur convergence autour du non-alignement. Sur la base de quelles préoccupations?
Alimenter leur croissance future par le transfert de nouvelles technologies, renforcer leur sécurité par le transfert de matériel militaire avancé, renforcer leur pouvoir de négociation dans le cadre d’accords commerciaux avec une Europe dépendante des exportations et des Etats-Unis à la recherche d’alliés géoéconomiques dans un bloc anti-Chine et anti-Russie, sécuriser les produits de base essentiels (denrées alimentaires, énergie, métaux et engrais du nouveau bloc russo-chinois), et enfin renforcer leur pouvoir de négociation dans la restructuration de la dette envers les créanciers occidentaux et chinois au cours d’une crise mondiale de la dette en dollars qui menace leur souveraineté.
Tout cela commande-t-il une «dédollarisation» de l’économie internationale? La Chine et la Russie ont décidé de régler leurs échanges en renminbi, la monnaie chinoise. Le président brésilien Lula s’est joint à cet accord et pousse les BRICS à mettre fin à la domination du dollar.
A l’approche du sommet annuel en Afrique du Sud, pas moins de 19 pays ont soumis des demandes d’adhésion -13 ont demandé officiellement à rejoindre cette alliance, tandis que 6 autres l’ont fait de manière informelle.
Mais cette perspective d’admission de nouveaux membres suscite des inquiétudes parmi les cinq nations actuelles des BRICS quant à leur perte d’influence, notamment pour ce qui est des alliés proches de la Chine. Déjà, le PIB de ce pays est deux fois supérieur à celui des quatre autres membres réunis. La domination de Pékin soulève des préoccupations.
L’expansion des BRICS met à l’ordre du jour de ce sommet ces questions: sur quelles bases? Et suivant quelles modalités? Les décisions prises seront suivies de près par la communauté internationale. Elles vont préfigurer des changements importants dans le pouvoir économique et l’influence à l’échelle mondiale.
Parmi les demandes d’adhésion qui ont été déposées -ou qui ont fait l’objet d’une intention-, il faut citer des pays comme l’Algérie, l′Egypte, le Nigéria, le Soudan, le Zimbabwe, l′Argentine, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Mexique, l’Indonésie, la Turquie...
Mais qu’en est-il du Maroc? Bien entendu, il est attentif à ce qui se passe et se prépare en vue du prochain sommet des BRICS. Mais il n’a pas fait part pour l’heure de son intention d’y adhérer, ne serait-ce que parce pour l′heure, des prises de position des cinq membres actuels sont marquées du sceau d’une hostilité trop marquée à l’endroit de l’Occident, bien éloignée des principes de non-alignement affichés.
Mais l’idée d’une adhésion, pour commencer, à la Nouvelle Banque de Développement avance en ce qu’elle permettrait de nouvelles ressources de financement de l′économie nationale. L’on pourrait y ajouter un statut d’observateur offrant l’opportunité d’être présent dans des débats et des problématiques intéressant la conduite et la mise en œuvre de sa diplomatie multilatérale...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Le 360
A l’approche du sommet annuel en Afrique du Sud, pas moins de 19 pays ont soumis des demandes d’adhésion -13 ont demandé officiellement à rejoindre cette alliance, tandis que 6 autres l’ont fait de manière informelle.
Mais cette perspective d’admission de nouveaux membres suscite des inquiétudes parmi les cinq nations actuelles des BRICS quant à leur perte d’influence, notamment pour ce qui est des alliés proches de la Chine. Déjà, le PIB de ce pays est deux fois supérieur à celui des quatre autres membres réunis. La domination de Pékin soulève des préoccupations.
L’expansion des BRICS met à l’ordre du jour de ce sommet ces questions: sur quelles bases? Et suivant quelles modalités? Les décisions prises seront suivies de près par la communauté internationale. Elles vont préfigurer des changements importants dans le pouvoir économique et l’influence à l’échelle mondiale.
Parmi les demandes d’adhésion qui ont été déposées -ou qui ont fait l’objet d’une intention-, il faut citer des pays comme l’Algérie, l′Egypte, le Nigéria, le Soudan, le Zimbabwe, l′Argentine, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Mexique, l’Indonésie, la Turquie...
Mais qu’en est-il du Maroc? Bien entendu, il est attentif à ce qui se passe et se prépare en vue du prochain sommet des BRICS. Mais il n’a pas fait part pour l’heure de son intention d’y adhérer, ne serait-ce que parce pour l′heure, des prises de position des cinq membres actuels sont marquées du sceau d’une hostilité trop marquée à l’endroit de l’Occident, bien éloignée des principes de non-alignement affichés.
Mais l’idée d’une adhésion, pour commencer, à la Nouvelle Banque de Développement avance en ce qu’elle permettrait de nouvelles ressources de financement de l′économie nationale. L’on pourrait y ajouter un statut d’observateur offrant l’opportunité d’être présent dans des débats et des problématiques intéressant la conduite et la mise en œuvre de sa diplomatie multilatérale...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Le 360