À la croisée des chemins : la quête d'égalité et de justice à travers la réforme de la Moudawana


Rédigé par le Vendredi 10 Novembre 2023

Parfois, même lorsque le changement promet l'égalité et la justice, il se heurte à des oppositions.



Une fois de plus, le Maroc traverse une période cruciale de son évolution sociale et juridique. La prochaine réforme du code de la famille s'annonce comme une opportunité de redéfinir les règles régissant les relations familiales et de renforcer les droits des femmes.

À mesure que le pays progresse résolument vers une société plus équitable et inclusive, et compte tenu de la réforme révolutionnaire du Code de la famille il y a déjà deux décennies, il est légitime de s'interroger sur les perspectives qu'une nouvelle réforme pourrait nous offrir?

Est-ce qu'elle pourrait réellement satisfaire les besoins de la société marocaine et répondre aux fortes attentes des femmes, qui sont les principales parties concernées?

Depuis septembre dernier, la réforme du Code de la famille est devenue le point central des discussions, grâce à la volonté et à l'initiative royales visant à faire évoluer ce code vers de nouveaux horizons.

Depuis lors, les discussions et les conférences se multiplient pour examiner le sujet sous tous ses angles. La désinformation est à son apogée, et les opposants s'efforcent également de mettre en garde contre d'éventuels dépassements de limites culturelles, sociétales ou religieuses. À peine amorcée, cette nouvelle réforme suscite des passions. Même lorsque le changement porte des promesses d'égalité et de justice, il rencontre parfois des résistances.

Il y a deux décennies que le Code de la famille est confronté aux réalités de la pratique. Aujourd'hui, les limites et les lacunes sont évidentes. Parmi la vaste gamme de changements souhaités, quels aspects peuvent être modifiés ? Quels nouveaux droits les femmes et les familles marocaines peuvent-elles espérer?

Les sujets, souvent marqués par des traditions et, pour certains, revêtant une dimension sacrée, pourront-ils enfin faire l'objet d'une réévaluation approfondie ? Il est crucial de se demander aujourd'hui si ces "lignes rouges", établies par habitude et par confort pour certains, peuvent être remises en question dans le but de mieux servir l'ensemble de la société marocaine.

Ce qui revient de manière récurrente, au-delà des lacunes à corriger ou à modifier dans les dispositions juridiques, c'est la marge d'appréciation laissée aux juges, en raison du manque de clarté dans certains articles de l'actuelle Moudawana en particulier. Il existe des cas où la jurisprudence et le pouvoir discrétionnaire des juges sont sollicités, voire jugés bénéfiques. Cependant, dans d'autres cas, où l'on estime que les interdictions doivent être catégoriques, cette latitude d'appréciation est critiquée.

Le débat sur le mariage des mineurs est particulièrement animé. En principe, il semble logique qu'aucune personne n'ayant pas atteint la majorité ne devrait être autorisée à prendre des décisions aussi cruciales que le mariage. Cependant, dans la réalité, ce principe de base est remis en question par des arguments invoquant des spécificités culturelles, économiques, sociales, et d'autres justifications qui actuellement permettent des dérogations. Une extrapolation simpliste, mais qui illustre en quelque sorte cette anomalie : devrait-on échapper aux sanctions en commettant un vol pour répondre à une nécessité urgente telle que se nourrir ou payer des soins vitaux ? Devrions-nous établir un principe de dérogation pour les vols dits "justifiés" ou "compréhensibles"?

La réalisation de progrès significatifs nécessite incontestablement un dialogue ouvert et franc qui ose aborder les questions sensibles. Or, c'est précisément ce que le Code de la famille requiert. L'espoir réside dans le fait que la réflexion au cours des prochains mois concernant cette nouvelle réforme soit guidée par un esprit de courage et de volontarisme afin d'éviter de manquer un rendez-vous avec l'Histoire.



Salma LABTAR




Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 10 Novembre 2023
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