Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, « Les 500 Global » présente une vision renouvelée de l’économie marocaine, marquée par des performances post-pandémie et un accent sur les pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). En effet, cet ouvrage dresse un panorama complet des grandes entreprises marocaines, leur impact sur l’économie nationale et leurs engagements en matière de durabilité.

Les données collectées pour cette édition sont particulièrement instructives dans un contexte où l’économie mondiale traverse des perturbations persistantes, entre crises géopolitiques, inflation et pressions environnementales. Le Maroc, ayant renoué avec une croissance organique, affiche une résilience encourageante. Toutefois, l’analyse de ces résultats soulève des questions critiques sur la durabilité de cette croissance et la véritable portée des engagements ESG.

Selon le classement, les entreprises marocaines ont affiché une croissance modeste de 3,2 % de leur chiffre d’affaires en 2023. Malgré ce redressement, il est important de noter que la marge nette moyenne reste autour de 10 %, ce qui montre des limites dans la rentabilité, probablement dues aux tensions économiques globales et aux défis structurels locaux. En effet, ce taux de croissance modéré met en lumière les contraintes internes auxquelles l'économie marocaine fait face, notamment une dépendance aux matières premières importées et un marché intérieur limité.

Les fluctuations des marges et des chiffres d’affaires illustrent bien les défis auxquels les entreprises marocaines sont confrontées dans un contexte de compétitivité mondiale accrue. Par ailleurs, le gouvernement marocain a récemment fait preuve d’un engagement significatif envers des projets structurants, avec la Coupe du Monde 2030 comme levier pour dynamiser les secteurs du tourisme, de la construction et des services. Cet investissement public représente une opportunité de croissance, mais il sera crucial de mesurer son impact réel sur l’économie marocaine.

Un des points marquants de cette édition est l’intégration accrue des critères ESG dans le fonctionnement des entreprises marocaines. Selon le rapport, un nombre croissant d’entreprises utilisent désormais des indicateurs de matérialité pour évaluer leur impact environnemental, social et de gouvernance. Ce mouvement vers une économie durable représente une avancée majeure, mais des obstacles demeurent pour une adoption généralisée et rigoureuse.

L’analyse ESG révèle en effet des disparités selon les secteurs, avec des entreprises des industries de base telles que la construction ou l’énergie qui peinent encore à pleinement s’adapter aux normes internationales de durabilité. Bien que l’on constate des efforts croissants dans certains secteurs, notamment via des initiatives de réduction des émissions et d’économie d’énergie, une question persiste quant à la sincérité de ces engagements. Il est essentiel que ces pratiques ESG ne restent pas de simples actions marketing mais contribuent réellement à une transition vers un modèle économique durable et inclusif.

La question de l’équité régionale est également au cœur des préoccupations. Les données révèlent une tendance à la concentration des investissements dans les régions urbaines, notamment Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra. En conséquence, les régions rurales restent sous-dotées, ce qui limite leurs perspectives de développement. Si des fonds importants sont alloués aux infrastructures urbaines, les zones rurales, pourtant riches en potentiel agricole et touristique, reçoivent moins de soutien, exacerbant ainsi les disparités économiques.

Pour que le Maroc réalise une croissance équilibrée et inclusive, il est nécessaire que le gouvernement investisse davantage dans les infrastructures rurales, notamment en matière d'accès à l'eau et d'énergie renouvelable. Cela permettrait non seulement de dynamiser l’économie locale mais aussi de freiner l’exode rural et de créer des opportunités d’emploi dans ces régions. Une répartition plus équitable des ressources est donc cruciale pour garantir la cohésion sociale et limiter l'urbanisation excessive.

L’analyse de l’économie marocaine en 2024 met également en lumière la complexité du marché de l’emploi et les effets de l’inflation. Bien que l'inflation ait légèrement baissé, la hausse persistante des prix alimentaires continue d’affecter le pouvoir d’achat des ménages. De plus, le marché de l'emploi, qui devrait être un moteur de croissance, montre des signes d'essoufflement, avec une hausse du chômage dans les zones rurales et un faible taux de création d’emplois urbains.

Le taux de chômage élevé, notamment parmi les jeunes et les diplômés, soulève des questions sur l'efficacité des politiques publiques et l’adéquation entre le système éducatif et le marché du travail. En outre, le secteur agricole, qui emploie une grande partie de la population active, est fragilisé par des conditions climatiques difficiles et des pratiques encore peu modernisées. Une réforme structurelle du marché de l’emploi est donc impérative pour pallier ces lacunes et promouvoir une croissance durable et inclusive.

Le recours à des « financements innovants », notamment par la vente de biens publics, a permis de réduire le déficit budgétaire du Maroc en 2023. Cependant, cette stratégie suscite des inquiétudes quant à sa viabilité à long terme. En effet, la vente d'actifs publics pour financer le déficit pourrait avoir des conséquences futures sur la capacité de l’État à générer des revenus durables. Ce mécanisme de financement, bien que bénéfique à court terme, pourrait engendrer une dépendance croissante vis-à-vis de la vente d'actifs publics, créant ainsi une pression sur les finances publiques.
Les experts recommandent donc une surveillance rigoureuse de ces mécanismes afin d’éviter des répercussions financières à long terme. La transparence est essentielle pour garantir que les fonds ainsi générés sont utilisés de manière optimale et en faveur de projets réellement structurants. Les acteurs financiers et les institutions internationales, telles que la Banque mondiale, encouragent également des approches de financement plus durables qui renforcent la résilience de l’économie marocaine face aux chocs économiques futurs.

L’édition 2024 du classement « Les 500 Global » met en lumière des avancées significatives en matière de croissance et de durabilité, mais laisse également entrevoir les nombreux défis auxquels l’économie marocaine est confrontée. Si le Maroc affiche une résilience notable dans un contexte post-pandémie, il est crucial de rester vigilant quant aux fondations de cette croissance. L’économie marocaine devra relever des défis structurels importants pour garantir un avenir stable et durable. La transition vers une économie véritablement inclusive et verte nécessitera des investissements stratégiques, une distribution équitable des ressources et des politiques publiques robustes en faveur de l’emploi et de l'égalité régionale.