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Par Mustapha Sehimi
«C’est avec une intense émotion que Je Me remémore cette nuit du 19 août 1975, à Fès, où Me fut inspirée l’idée de la Marche Verte. La Fatiha, sourate liminaire du Coran, qui a guidé les pas du prophète Sidna Mohammed, M’a fourni le code de conduite pour déjouer les manœuvres de l’Espagne au Sahara».
D’une revendication territoriale pacifique, on passe au jihad contre les Espagnols. Les 350.000 marcheurs qui avancent en brandissant le Coran et en récitant la Fatiha, sont comparés aux moujahidine qui furent chargés dans les premiers temps de l’islam de propager la parole du prophète :
«En vérité tous étaient armés : ils brandissaient des banderoles proclamant la souveraineté marocaine, des drapeaux verts, et le drapeau national, frappé de l’étoile verte. Beaucoup avaient aussi le Livre. Et tous tenaient ces armes pour plus redoutables que la plus puissante et la plus manœuvrière des divisions cuirassées».
Ces marcheurs sont des «élus», qui se sentent chacun comme «les délégués du Commandeur des croyants», dans une perception plus religieuse, spirituelle que politique. En se mettant en marche à l’appel du Souverain, ils renouvellent le pacte d’allégeance, la bey’a, conclu avec son peuple et qui lui accorde une autorité sans partage, autorité symbolique transcrite en termes juridiques par l’article 19 de la Constitution qui fait du Roi, en tant qu’Amir Al-Al-Mouminine, «le garant de la pérennité et de la continuité de l’État» et le représentant suprême de la Nation.
Dans ce contexte religieux, les Sahraouis qui décident de rejoindre le Polisario ne sont que des sujets dissidents, des «frères égarés», qui partagent la même religion. SM Hassan II peut leur accorder son pardon, non pas en tant que chef d’État, mais en tant que Chérif, descendant du prophète, auréolé de grâce et de charisme. Il se situe donc dans la tradition des souverains alaouites auxquels les tribus sahraouies avaient prêté allégeance, en vertu de la légitimité religieuse dont ils étaient parés.
Cet épisode est présenté comme «un mythe fondateur» de l’histoire marocaine, une mhalla (expédition) aux allures de marche triomphale vers le sud du Maroc, affirmant sa souveraineté dans cette région. En 1958, Mohammed V avait prononcé un discours à M’Hamid, près des frontières algériennes, déclarant : «Nous proclamons solennellement que Nous poursuivrons Notre action pour le retour de notre Sahara, dans le cadre du respect de Nos droits historiques et conformément à la volonté de ses habitants».
Ainsi, le Roi Hassan II parachève l’œuvre de son père, le Roi Libérateur, qui a incarné la lutte pour l’indépendance nationale et lui a laissé en héritage le reste du territoire à libérer de l’emprise étrangère. Il entre dans la lignée des Rois alaouites qui ont lutté pour libérer le royaume de tous les envahisseurs, et construire les fondements d’un État moderne.
La Marche Verte, une épopée donc! Un Maroc debout, comme un seul homme, autour de son Roi, et se distinguant de nouveau par sa mobilisation patriotique. Le Maroc, «Occident de l’Islam», a un historique plus que millénaire de résistance, d’attachement à sa foi. À sa terre. Et à son identité. Un peuple pacifique, mais qui se défend, qui assume et finit par transcender les vicissitudes de l’histoire. Comme l’a bien relevé le président sénégalais Léopold Sédar Senghor, la Marche Verte met en relief une politique humaniste, des valeurs, un rapport à l’Autre. Un fonds culturel. Une conception de la civilisation…
Il faut valoriser ce précipité d’il y a pratiquement un demi-siècle. La mémoire doit être ravivée pour la génération actuelle et toutes celles à venir. Mais au-delà, s’impose naturellement un récit national, un narratif. Dans un monde bousculé par tant de contraintes et d’évolutions, le devoir de chaque Marocain est de continuer à prendre en charge cet héritage. Il doit trouver en lui les ressorts devant permettre au Royaume de relever les défis de développement, de progrès social, de démocratie aussi.
Nos aînés, depuis la fin du XIXème siècle, ont connu l’occupation coloniale espagnole puis française. Ils ont lutté durant des décennies, entretenant la flamme de la libération finale. D’autres ont pris le relais et porté haut le même étendard patriotique. Un même rêve qui a fini par se réaliser en 1956 avec l’indépendance, puis en 1975 avec la Marche Verte et la récupération des provinces méridionales.
C’est ce message-là qui doit rester dans la mémoire collective. Un mot d’ordre, un élan vital à consolider tant il est vrai que le peuple marocain donne toujours le meilleur de lui-même dans les circonstances exceptionnelles. Ce capital-là est le bien commun de la nation, le plus précieux.
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Le 360