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Par Aziz Boucetta
La tolérance et la magnanimité dont bénéficie l’Algérie de la part de tant de pays et d’ONG dans le monde est proprement effarante. Rares sont les Etats qui peuvent se targuer de bafouer autant que le fait l’Algérie les règles de gouvernance interne et les codes internationaux et qui continuent d’être choyés par la « communauté internationale », décidément frappée de strabisme.
Bien que l’Occident soit engagé dans une lutte existentielle contre l’Empire russe en (difficile) régénération, les relations très étroites d’Alger avec Moscou ne semblent déranger personne, en dehors de quelques déclarations publiques et de coups de menton virils. Les Etats-Unis ont adopté quelques discrètes lois pour sanctionner les Etats africains qui commercent avec la Russie, et les mêmes Etats-Unis ont acquis depuis quelques années un leadership accru sur l’Europe, mais ni Washington ni Bruxelles ni les grandes (et moins grandes capitales) européennes ne sévissent contre Alger qui alimente pourtant significativement le trésor de guerre russe (16 milliards d’achats d’armes en 2023).
Côté des droits de l’Homme – ah, les droits de l’Homme si chers à nos amis occidentaux –, c’est pareil. Sitôt élu, le président Abdelmajid Tebboune nomme Saïd Chengriha en remplacement du général Gaïd Salah, très opportunément décédé quelques jours après l’investiture du président. Une large et puissante campagne de répression contre les figures connues et moins connues du Hirak algérien s’en suit, à l’indifférence du monde occidental, pourtant prompt à s’investir dès que les droits humains sont triturés dans le monde. Mais en Algérie, rien de tel, on peut emprisonner qui on veut, et on emprisonne qui on veut pour n’importe quels motifs, même les plus farfelus, personne ne réagit vraiment.
Par ailleurs, Alger exerce un chantage résolu contre les pays européens qui pourraient sourire au Maroc et « récompense » ceux qui, comme l’Italie, prêtent une oreille compatissante et attentive à l’histoire de la RASD. Mais l’UE, malgré des « préoccupations » peu audibles et encore moins convaincantes, ne donne pas l’impression de faire pression sur Alger. L’enfant gâté est on ne peut plus gâté.
Sur le plan démocratique, le président algérien a été élu avec 20% des inscrits, à l’issue d’un scrutin Far West contesté par à peu près tout le monde en Algérie et peu crédible aux yeux de l’étranger. Mais tout le monde le félicite et semble même se féliciter de la fin de cette longue saga sociale et politique qui avait jeté des millions d’Algériens dans les rues pour demander la fin du « système » ; ce même « système » a été rudement épinglé dans un rare accès de réalisme par le président français Emmanuel Macron en septembre 2021, avant qu’il n’oublie et se mette à fréquenter un régime pourtant si peu fréquentable.
Sur le plan sportif, l’Algérie, qui a organisé le tournoi panafricain...des locaux et celui des U17, a enchaîné les entraves au règlement de la CAN et de la FIFA en multipliant les actes éminemment politiques, mais ni CAN ni FIFA n’ont vraiment réagi à cela. On imagine sans peine les cris d’orfraie qu’on aurait poussé urbi et orbi si, lors d’une ouverture d’une compétition panafricaine, la FRMF avait diffusé sur grands écrans les images de l’allégeance de la Jemaâ de feu Joumani à feu Hassan II…
Plus grave, bien plus grave encore, la multiplication des manœuvres militaires avec les Russes, à quelques centaines de kilomètres au sud de l’Europe, en guerre quasi ouverte contre Moscou en Ukraine. On parle même de Wagner du côté de Tindouf, et là aussi, étrange mutisme officiel des Européens et de l’OTAN ; juste des pressions discrètes et des déclarations un peu indignées. Ces réactions timides ont fait changer d’orientation au président Tebboune sur le groupe Wagner, mais la volatilité des positions algériennes est connue de tous, et admise par tous. Etrangement, surtout lorsqu’on connaît la solidité des relations entre Alger et Moscou qui fournit 80% de l’arsenal militaire algérien.
C’est à se demander les raisons pour lesquelles le régime algérien est si ménagé, si « gâté »… Sans doute les gâteries généreusement distribuées ici et là, partout, tout le temps, à tout le monde. La manne énergétique algérienne fait des miracles et son objectif principal qui devrait être le développement du pays se trouve être le financement de l’animosité à l’égard du Maroc.
De l’argent sur le continent africain, beaucoup d’argent, dans les chancelleries, individuellement, pour l’obtention de la CAN 2025, aider aux équilibres budgétaires de certains pays. L’argent des hydrocarbures ne sert pas les besoins de développement de l’Algérie mais l’obsession d’affaiblir ou d’isoler le Maroc. En Italie, Dame Meloni a obtenu du gaz, beaucoup de gaz, à prix bas, très bas, en faisant en échange profil bas devant Alger. En France, on évoque prudemment un financement de la campagne 2017 du président Macron qui, dans son tropisme algérien, n’est manifestement pas seulement guidé par la nécessité de régler « la question algérienne » et sa mémoire.
Dans cette hypocrisie générale, seuls les Chinois, les Russes et les Saoudiens savent y faire avec les militaires d’Alger, ne se laissant impressionner ni par leurs dollars (ils en ont), ni par la méchanceté de ces militaires (ils peuvent l’être encore plus) et encore moins par la bêtise (il n’y a pas d’autre mot) de leur président.
En un mot comme en cent, on ne pourra que s’étonner du paradoxe algérien en Occident, et face à cela, le Maroc serait inspiré de maintenir la vigilance au niveau élevé, lui qui est absent depuis quelque temps en Afrique, à Bruxelles, à Paris, entre autres…